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Résultat des élections présidentielles de 2012 à Port-de-Bouc

B. Utiliser l’outil cartographique pour étudier le vote

Les cartes électorales à l’échelle des départements et des régions abondent aujourd’hui, chaque échéance électorale est l’occasion d’en découvrir de nouvelles. Un travail de notre part à cette échelle n’aurait de ce fait rien apporté à l’analyse du vote Front national. Au niveau municipal en revanche, les intérêts de réaliser des cartes sur la répartition du vote Front national sont nombreux. Les cartes autorisent en effet l’étude précise des différentes facettes de ce vote à une échelle réduite et peuvent être ainsi comparées aux données sociologiques sur ces espaces restreints. Elles nous permettent également de sélectionner les bureaux de vote qui seront le cadre de notre travail ethnographique association observation et entretiens.

Une permanence certaine des bureaux de vote

Notre travail cartographique portant sur quatre élections présidentielles (de 2002 à 2017), nous aurions pu être confrontés à des modifications importantes des bureaux de vote sur chaque commune. Cela n’a pas été le cas puisque seule la ville de Fos-sur-Mer a vu se créer un nouveau bureau de vote. Ce dernier est d’ailleurs issu de la scission d’un précédent bureau de vote et facilite donc la transposition de l’un vers les deux autres. Les trois autres villes ayant une croissance démographique très faible, voire négative, nous n’avons souffert d’aucun changement majeur de la carte électorale.

Bureaux de vote et quartiers IRIS

Si l’évolution des bureaux de vote n’est pas problématique, l’association de cette carte «ௗpolitiqueௗ» avec celle, sociologique, des IRIS l’a été. Ce problème se pose à tout chercheur travaillant à cette échelle et est souvent résolu via des artifices statistiques. Laurent Beauguitte et Céline Colange ont traité ce sujet en profondeur dans le cadre d’un mémoire portant sur l’outil Cartelec (Beauguitte, Colange, 2013). D’autres chercheurs comme Bernard Alidières ont également discuté de ce problème dans leur travail : «ௗÀ Tourcoing, la délimitation en huit grands quartiers (pour les recensements de 1982 et 1990) des aires statistiques infracommunales rend très floue toute tentative de comparaison entre les cartes des résultats électoraux par bureau et les données du recensement par quartier INSEE. La superposition sur une même carte, des circonscriptions des bureaux de vote, des limites des huit quartiers INSEE (1982-1990) permet de constater que ces limites ne coïncident pas.ௗ» (Alidières, 2006, op. cit.).

Figure 5 : Les bureaux de vote et les IRIS de Bully-les-Mines

La carte ci-dessus illustre la non-concordance des IRIS et des bureaux de vote sur la ville de Bully-les-Mines, une des villes que nous étudions. On remarque premièrement que les IRIS sont

généralement moins nombreux que les bureaux de vote47. Deuxièmement, les bureaux de vote ne

recoupent quasiment jamais les IRIS et c’est un défi de faire correspondre ces deux entités. Deux solutions s’offrent à nous afin de résoudre ce problème. La première consiste à regrouper les différents bureaux de vote afin qu’ils correspondent aux frontières des IRIS. La seconde revient à scinder les IRIS afin que ces derniers soient concomitants avec les bureaux de vote. Nous n’avons pas retenu la première solution. Certes, tenter de reconstituer des ensembles électoraux superposables aux quartiers lNSEE par agglomération de bureaux de vote parait moins risqué, néanmoins le résultat «ௗgommeௗ» la plupart des disparités et réduit le nombre d’entités utilisables. L’intérêt même d’une cartographie infracommunale s’en trouve réduit. En effet, sur Bully-les-Mines et Grenay nous ne disposerions plus que de 9 entités au lieu de 13. À Fos-sur-Mer et Port-de-Bouc, nous aurions seulement eu 13 entités au lieu de 25.

Inversement, il est possible comme le souligne Bernard Alidières «ௗde conserver la carte électorale par bureau et d’utiliser les données de l’INSEE par quartier comme le font presque toutes les études. Mais cela revient à mettre en rapport des espaces de taille très différente par la superficie et par l’importance des effectifs englobés. […] Si l’on prend pour base de délimitation les îlots regroupés (Iris) qui sont plus proches de la taille de ces bureaux de vote, la comparaison de la carte des bureaux de vote et de celle des Iris ne laisse apparaitre pratiquement aucune coïncidence géographique entre ces deux types de découpage à l’échelle infra communale.ௗ» (Alidières, 2006, op. cit.).

47 Le cas de Bully-les-Mines reste pourtant exceptionnel puisqu’on dénombre 6 IRIS pour 9 bureaux de vote. À Fos-sur-Mer, seulement 5 IRIS se partagent 12 bureaux de vote.

Si dans notre cas, certains des problèmes énoncés par Bernard Alidières dans ses travaux ne sont pas d’actualité (transformation des quartiers IRIS au fil des ans) il n’en reste pas moins vrai que le recoupement des quartiers IRIS et des bureaux de vote reste complexe. La méthode utilisée pour pallier cette difficulté consiste à transférer les données de l’un des niveaux vers l’autre en utilisant la surface de chaque entité comme valeur pivot. C’est ce qui est effectué dans le projet Cartelec. La méthode consiste à découper les IRIS en fonction des bureaux de vote sur lesquels ils sont présents et d’attribuer en fonction de cette surface une partie des données de cet IRIS. C’est cette méthode qu’expliquent Laurent Beauguitte et Céline Colange : «ௗSur cette base, le principe du calcul est simple. Nous utilisons les surfaces des polygones d’intersection et celles des IRIS, afin de calculer la proportion que représente la surface d’un polygone d’intersection par rapport à celle de l’IRIS qui le contient. C’est ce rapport qui sera utilisé afin de calculer les populations des bureaux de vote. […] Par exemple, si la surface d’un polygone d’intersection représente 15 % de la surface de l’IRIS qui le contient. Si cet IRIS comporte une population de 3520 personnes, alors le calcul sera le suivant 3250 x 0.15 = 487.5.ௗ» (Beauguitte, Colange, 2013, op. cit., p.12-13).

Il ne faut pas sous-estimer les défauts de cette méthode : elle part du principe que la répartition des populations dans un IRIS est équitable or nous savons pertinemment que la concentration démographique dans un quartier varie grandement selon la structure de celui-ci. Un quartier IRIS peut comporter à la fois une zone d’HLM à très forte densité de population, un quartier pavillonnaire à densité plutôt faible et une zone industrielle inhabitée. Nous avons réduit ce risque en identifiant les zones non peuplées de chaque IRIS afin de les supprimer du calcul de surface. Nous travaillons ainsi sur des zones qui sont toutes habitées. De plus, nous avons effectué des corrections afin que les zones à très fortes densités de population ne soient pas sous-représentées par rapport aux zones pavillonnaires. Pour ceci, nous avons fixé pour limite supérieure de 10 % quant au rapport entre population d’un bureau de vote et population de l’IRIS redécoupé. Lorsque l’écart était supérieur à cette limite, nous étudions spécifiquement chaque ensemble afin de corriger les écarts de populations induits en rectifiant les pourcentages de population transférés sur chaque bureau de vote.

Malgré les défauts inhérents à ce procédé, nous pensons que cette méthode de recoupement par facteur de superficie est le compromis le plus juste entre une possibilité d’étudier des données à la fois sociologiques et politiques et une déformation de la réalité qui, si elle est existante, est néanmoins contenue.

Notre méthode de recoupement

Afin de résoudre le problème induit par le non-recoupement des IRIS et des bureaux de vote nous avons tout d’abord redécoupé les IRIS afin qu’ils épousent uniquement les zones habitées de la ville. Nous avons ensuite effectué l’intersection entre ces IRIS redécoupés et les bureaux de vote. À Grenay par exemple, l’IRIS 101 est divisé en 3, chaque zone correspondant à un bureau de vote.

Dans un second temps, nous avons calculé la surface relative de chaque zone par rapport à son IRIS d’appartenance. La partie supérieure du tableau permet de comprendre ce rapport entre la superficie de l’entité et la superficie de l’IRIS. Ainsi, à titre d’exemple la zone 10 représente 5.84 % de la superficie de l’IRIS 101. Dans un troisième temps, nous avons identifié les différentes zones à attribuer à chaque bureau de vote.

Pour terminer, nous avons effectué les calculs de transpositions à partir des chiffres bruts de chaque IRIS en calculant par exemple que le nombre d’ouvriers sur le bureau 301 serait égal à 53.20 % de ceux de l’IRIS 101 et 3.33 % de ceux de l’IRIS 103. (Les pourcentages et les moyennes ne peuvent pas être transposés car ils aboutissent à des calculs faux). Pour terminer, nous avons calculé les pourcentages de chaque donnée en fonction de la population de ces nouveaux bureaux de vote afin d’avoir des données comparables les unes aux autres.

Tableau 3 : Les calculs de redécoupage des IRIS de Grenay

IRIS 101 102 103

Numéro de zone temporaire (Surface de l’IRIS d’appartenance correspondant à

chaque bureau de vote)

10 (5.84 %) 8 (67.01 %) 1 (31.11 %) 11 (40.97 %)

9 (32.93 %)

2 (3.33 %) 12 (53.20 %) 3 (65.55 %) Total (100 %) Total (100 %) Total (100 %)

Bureau de vote (3 étant le numéro attribué à Grenay)

Zones faisant partie de

ce bureau Calcul à effectuer 301 12 + 2 301 = 53.20 % de IRIS 101 + 3.33 % de IRIS 103 302 3 302 = 65.55 % de IRIS 103 303 8 303 = 67.01 % de IRIS 102 304 10 + 9 + 1 304 = 5.84 % de IRIS 101 + 32.93 % de IRIS 102 + 31.11 % de IRIS 103 305 11 305 = 40.97 % de IRIS 101

La première carte ci-dessous à gauche représente les IRIS «ௗélaguésௗ» afin de supprimer toutes les zones inhabitées. La seconde montre la superposition de ces IRIS redécoupés avec les bureaux de vote. La troisième carte montre les bureaux de vote des deux villes.

3. L’utilisation de l’entretien

En plus de l’utilisation de l’outil statistique et de l’outil cartographique, nous avons également effectué de nombreux entretiens. Ils ont été l’occasion de discussions avec des élus, syndicalistes et professionnels ou avec les différents électeurs que nous avons rencontrés. Nous avons à chaque reprise conduit des entretiens semi-directifs. À la conduite de ces entretiens s’est associée une réflexion sur l’essence de cette méthode qualitative.