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De 1' utilisation traditionnelle de la chique de bétel et de ses ingrédients

Dans le document deviennent plantes (Page 91-95)

Comme nous l'avons vu, l'ingrédient psycho-actif de la chique de bétel est la noix d'arec, la graine du palmier Areca catechu L. Cette dernière est citée dans une liste de médicaments établie au VIlle siècle

La graine de palmier ou noix d'arec

La chique de bétel, drogue masticatoire stimulante de l'Asie

Feuilles de Piper betle au marché d'Ubud (Bali)

par l'Impératrice Komyo et déposée dans un temple à Nara, au Japon (Penso, 1986). La noix d'arec fut utilisée dans la médecine arabe puis-qu'elle est citée dans le célèbre ouvrage Quanum fi'tibb ou Canon de la médecine du grand médecin Hussein Ibn Abdullah Ibn Sînâ (980-1037) qui passa à la postérité sous le nom d'Avicenne. Plus tard, ce sont les grands explorateurs comme Marco Polo (1254-1324) et Vasco de Gama ( 1469-1524) qui firent connaître la noix d'arec et son utili-sation traditionnelle sous la forme de chique de bétel en Europe. Dans la médecine ayurvédique indienne, les graines de Areca catechu L.

sont utilisées pour le traitement de problèmes de la digestion, comme tonique du système nerveux et comme aphrodisiaque. En Inde tou-jours, la noix d'arec était aussi utilisée pour éliminer le ténia ou ver soli-taire. Jusqu'au milieu du

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siècle, elle figurait dans les pharmaco-pées européennes (en Suisse, dans Ph. Helv. V) et était préconisée comme vermifuge, aussi en médecine vétérinaire. Quant à l'autre ingrédient de la chique de bétel, les feuilles de Piper betle Forst., elles sont citées comme remèdes pour faciliter la digestion et contre les affections des voies respiratoires supérieures dans plusieurs systèmes de médecine en Inde et en Asie du sud-est.

L'utilisation rituelle de la chique de bétel pourrait être originaire de l'île de Penang en Malaisie. Elle est citée dans des écrits chinois du

Il" siècle après J. -C., ainsi que dans les traités de médecine indienne

Les plantes qui deviennent des drogues

datant du début de l'ère chrétienne. On utilise la noix d'arec coupée en fines tranches ou pulvérisée avec de la chaux, des cendres de bois ou des coquillages calcinés et pulvérisés. Le tout est enroulé dans une feuille fraîche de Piper betle Forst. et mastiqué longuement. Pour améliorer le goût, des épices sont assez souvent ajoutées comme par exemple la cardamone, le tamarin ou le clou de girofle. La mastication provoque une salivation assez importante de coloration rouge. Ce qui oblige les consommateurs qui sont très nombreux de cracher souvent.

L'auteur du présent livre, en visite à Karachi, capitale du Pakistan, il y a quelques années, a été frappé par les taches rouge-brun provoquées par les crachats dans les lieux publics et les trottoirs de la ville. À cet effet, il est intéressant de mentionner que très récemment le gouver-nement du Myanmar (anciengouver-nement Birmanie) a édicté une loi interdi-sant la vente de bétel dans la capitale Yangon (anciennement Rangoon) et ceci non pas pour des raisons pharmacologiques, mais à cause des copieuses expectorations rouges des fréquents utilisateurs qui ruinent l'apparence des rues de la ville. Cette loi a été adoptée car les touris-tes étaient choqués par ces vilaines taches rouges (Perrine, 1996).

L'investigation phytochimique de la noix d'arec a conduit à l'iso-lement et à la détermination de structure de divers alcaloïdes, dont les principaux sont l'arécaïdine et l'arécoline. L'alcaloïde le plus important est l'arécoline qui est un parasympathomimétique. Il provoque une vasodilatation, une stimulation du péristaltisme intestinal et une aug-mentation des sécrétions, notamment de la salivation. La mastication en présence de chaux ou d'autres éléments basiques permet à l'alea-bide sous forme de base libre de passer rapidement dans le circuit san-guin via les muqueuses de la bouche. La mastication prolongée pro-voque un effet stimulant, voire euphorisant, un peu similaire à celui induit par l'alcool. La noix d'arec contient aussi beaucoup de tanins, y compris des tanins condensés appelés phlobaphènes qui sont de cou-leur rouge. Ce sont eux qui donnent la coloration rouge à la salive.

Mais ils sont aussi très astringents et la mastication de la noix d'arec seule n'est pas très agréable. C'est sans doute la raison pour laquelle on utilise la feuille de Piper betle L. Ce poivrier ne contient pas les substances piquantes typiques du poivre (fruits de Piper nigrum L.), mais une huile essentielle au goût assez agréable qui possède des subs-tances aromatiques, légèrement anesthésiantes, rendant ainsi la masti-cation de l'ensemble plutôt agréable. Une chique de bétel comprend en général un quart ou une demi-noix d'arec. Une dose unique assez forte représente environ 4 grammes de noix d'arec pulvérisée. Il faut faire attention car la consommation de 8 à 10 grammes de poudre de

La chique de bétel, drogue masticatoire stimulante de l'Asie

la graine de Areca catechu peut provoquer une intoxication mortelle.

L'alcaloïde arécoline pur provoque à une dose de 2 mg un effet stimulant puissant. Une dose unique de 5 mg ne doit en aucun cas être dépassée (Ratsch, 2001).

Les consommateurs réguliers de la chique de bétel auront leurs dents fortement abîmées par le contact quotidien avec une base. Pire encore, ils risquent d'attraper un cancer de la bouche car les alcaloïdes de la graine d'arec sont transformés sous l'effet de la base en nitrosa-mines cancérigènes. La consommation de tabac étant fréquemment associée à celle du bétel, le potentiel cancérigène de la chique de bétel est encore augmenté (Bruneton, 1999). La chique de bétel n'induit pas une forte dépendance psychique. La noix d'arec ne se trouve sur aucune liste de stupéfiants interdits par la loi. Elle est en vente libre dans tous les pays asiatiques, ainsi qu'en Europe.

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Le kawa, la drogue

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