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De l'identification des substances actives du teonanacatl

Dans le document deviennent plantes (Page 68-72)

Après cette expérience incroyable, Hofmann se mit au travail et isola du champignon deux substances qu'il nomma psilocine et psilo-cybine. Elles dérivent de l'acide aminé tryptophane et sont classées

Les plantes gui deviennent des drogues

dans les alcaloïdes indoliques. La substance principale est la psilocybi-ne dont la structure chimique est 4-phosphoryloxy-N,N-diméthyltryp-tamine. Lorsqu'elle est pure, elle se présente sous forme de cristaux blancs qui sont solubles dans l'eau. Cette substance est accompagnée dans le champignon de la psilocine ou 4-hydroxy-N,N-diméthyltrypta-mine. Elle est moins stable que la psilocybine car il lui manque le grou-pe acide phosphorique. Elle est facilement oxydable et conduit alors à des produits de couleur bleue. Lorsque l'on écrase un peu le champi-gnon lors de sa cueillette, on peut observer une coloration bleuâtre de la chair à l'endroit contusionné, signe visible de la présence des subs-tances psychotropes. La détermination de structure de ces substances fut publiée pour la première fois en 1958. La psilocybine est active par voie orale à raison de 100 à 150 11g par kg de poids corporel. Elle ne provoque que peu d'effets physiques, à part la mydriase (dilatation de la pupille) et la myorelaxation, mais des effets psychiques importants : après une phase d'agitation, de vertiges et d'anxiété, les hallucinations apparaissent. Elles sont avant tout visuelles avec déformation des contours, accentuation des couleurs, distorsion de la perception du temps et de l'espace. L'intensité des effets dépend de la personnalité du sujet de et son environnement (Bruneton, 1999). Hofmann a aussi réalisé la synthèse totale de la psilocybine et rapporte qu'au lieu de célé-bration rituelle où le champignon sacré fut consommé. Il profita de dis-tribuer des pilules contenant chacune 30 mg de psilocybine pure aux convives présents. Maria Sabina, très sceptique, déclara qu'il manquait à la pilule l'esprit du champignon. Plusieurs personnes ingérèrent en même temps le champignon et d'autres la pilule. L'effet se manifesta plus rapidement chez les consommateurs de champignon car une par-tie du principe actif passait déjà dans le circuit sanguin via les muqueu-ses buccales lors de la mastication. L'effet se manifestait plus tard chez les consommateurs de la pilule car la libération du principe actif ne pouvait avoir lieu que dans l'estomac. En fin de compte, Maria Sabina déclara que la pilule avait la même puissance que le champignon et que les effets provoqués étaient finalement identiques. Avant de quitter la chamane, Hofmann lui fit don d'un flacon de pilules et Maria Sabina ravie expliqua qu'elle pourrait dorénavant donner des consultations même durant les saisons où le champignon ne pousse pas (Hofmann, 1998). La preuve était faite que la psilocybine était bien la substance

Les champignons hallucinogènes

active du champignon. Dix ans plus tard, Hofmann isola encore deux substances du champignon, à savoir la baeocystine et la norbaeocys-tine, qui semblent être des précurseurs biogénétiques.

À signaler que par la suite, d'autres dérivés de la N,N-diméthyl-tryptamine ont pu être identifiés dans diverses plantes tropicales pré-sentant des propriétés hallucinogènes. Et pas seulement dans les plan-tes ! Une substance de structure chimique très proche de celles de la psi-locine et de la psilocybine a été trouvée dans les sécrétions de la peau du crapaud commun Bufo vulgaris L. Il s'agit de la 5-hydroxy-N,N-diméthyltryptamine qui reçut le nom de bufoténine. Cette substance n'a guère de propriétés hallucinogènes, car elle est relativement polaire, mais son homologue méthylé, ou 5-méthylbufoténine, est plus lipo-phile et pénètre plus facilement dans le circuit sanguin pour provoquer des hallucinations intenses. Elle a été identifiée dans les sécrétions de deux glandes situées à la base de la nuque d'un crapaud commun de la rivière Colorado, en Arizona, dont le nom latin est Bufo alvarius. Ces sécrétions, lorsqu'elles ont été séchées, contiennent 15% de 5-méthyl-bufoténine. C'est la raison pour laquelle ce crapaud est très recherché.

Capturé vivant, il est « trait » une fois par jour par un massage de ses deux glandes qui fait jaillir un jet de sécrétion que l'on recueille et sèche.

Ces sécrétions séchées sont alors fumées, parfois mélangées à d'autres plantes hallucinogènes. L'effet provoqué est instantané, extrêmement puissant, mais de courte durée (10 minutes environ). Absorbées par

Bufo Marinus (Photo 1. Chevalley, prise à Ophiofarm, Servion)

Les plantes qui deviennent des drogues

Certains aiment le lécher. .. (Photo 1. Chevalley, prise à Ophiofarm, Servion)

voie orale, ces sécrétions induisent des problèmes gastro-intestinaux qui sont absents lorsqu'on les fume. En Arizona, une secte appelée Church of the Toad of Light (toad veut dire crapaud) a été créée il y a une vingtaine d'années, dans laquelle on vénère les sécrétions de Bufo alvarius (Ratsch, 2001). La presse mondiale rapporte depuis une vingtaine d'années qu'aux États-Unis et en Australie, le léchage de crapaud (toad lickin') permet de se droguer. Il s'agit d'un crapaud d'origine américaine (Amérique centrale), Bufo marinus. Les sécrétions de ce crapaud contiennent la bufoténine et des molécules proches, mais aussi des catécholamines comme la dopamine et l'adrénaline, ainsi que la sérotonine. Lécher ce crapaud provoque des hallucinations impor-tantes, mais elles sont précédées de nausées, voire de vomissements.

Les hallucinations ressemblent à celles induites par le LSD, mais sont moins intenses et durent moins longtemps. Les sécrétions de ce crapaud sont aussi séchées et fumées (Ratsch, 2001). Bufo marinus a été introduit en Australie où il est devenu très fréquent et souvent utilisé dans le but de se droguer. Ce qui a incité les autorités du Queensland à déclarer la bufoténine et ses dérivés comme substances interdites. Chez nous, Bufo marinus peut être acheté et certaines personnes le chérissent comme animal domestique !

Il est prudent de signaler à ceux qui seraient tentés de lécher des crapauds que les espèces communes de chez nous ne contiennent guère

Dans le document deviennent plantes (Page 68-72)