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Utilisation des réserves

1.3 Variations saisonnières des réserves glucidiques

1.3.2 Utilisation des réserves

Les réserves chez les ligneux sont importantes pour différentes raisons :

Au printemps, les réserves permettent la croissance des nouvelles feuilles et donc le retour à l’autotrophie du végétal (photosynthèse).

La survie hivernale dépend des substances de réserve (phase hétérotrophe du végétal). 1.3.2.1 Utilisation printanière des réserves

La seconde période d’hydrolyse coïncide avec le gonflement et le débourrement des bourgeons, alors que les températures continuent à augmenter. L’amidon est alors massivement mobilisé et les sucres solubles issus de son hydrolyse sont utilisés dans les tous premiers stades de croissance (Bonicel et al, 1987). Les réserves contribuent à la fourniture d’énergie pour la plante. Ainsi, chez Malus domestica, 20% du carbone trouvés dans les nouvelles pousses proviennent des réserves et 80% de la photosynthèse courante (Hansen et Grauslund, 1973). Une étude comparative réalisée sur le hêtre et le chêne adultes (Barbaroux,

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2002) montre que, lors de la mobilisation des réserves amylacées au printemps, le hêtre utilise essentiellement les réserves contenues dans les branches alors que les réserves de tous les organes du chêne sont sollicitées. Pour ces deux espèces, la mobilisation des réserves amylacées se produit tout d’abord dans les fines branches au moment du débourrement. Par contre, les réserves du tronc et des grosses racines sont mobilisées jusqu’à la fin de la mise en place des feuilles chez le chêne, alors que le hêtre présente de très faibles variations de teneurs dans ces deux organes (Barbaroux, 2002). D’autres études utilisant les radioéléments montrent que les réserves servant à l’élaboration de nouvelles pousses peuvent provenir d’endroits très éloignés, à savoir les racines (Quinlan, 1969 ; Hansen et Grauslund, 1973 ; Kandiah, 1979). Mais la quantité de réserve provenant des racines et intégrée dans des structures de la partie aérienne est sans doute faible, car cette utilisation est en compétition avec d’autres : perte par respiration, incorporation dans les nouvelles structures racinaires et dans les composés aminés. Cependant, il semble que la contribution des réserves à l’élaboration de nouvelles structures n’est importante que peu de temps. Toujours en utilisant du 14C, Hansen (1971), Hansen et Grauslund (1973) montrent que seul le développement des 5 à 6 premières feuilles du pommier dépend des réserves. Dès que la photosynthèse est suffisante, la plante cesse d’utiliser ses réserves (Glerum et Balatinecz, 1980 ; Kozina, 1986). D’autres travaux sur pommier suggèrent que le taux de croissance des parties aériennes au printemps ne dépend pas de l’importance des réserves (Priestley, 1963). Puisque les réserves sont, en général, en excédant par rapport aux besoins, leur quantité ne serait pas un facteur limitant de la croissance, au moins chez les espèces à floraison tardive. Kajji (1992) montre, chez le noyer, que l’essentiel des réserves est utilisé au printemps où l’on constate une remobilisation préférentielle de l’amidon formé le plus récemment (celui d’octobre par rapport à celui d’août). Une étude récente (Lacointe et al, 2004) réalisée sur un noyer formé de deux branches et double marquées radioactivement (une branche ombrée marquée au 13C et une branche en plein soleil marquée au 14C) montre que les réserves locales situées dans la branche porteuse sont mobilisées précocement et systématiquement au profit des nouvelles pousses, mais elles ne peuvent subvenir qu’aux besoins des premiers stades de croissance. De plus, cette étude montre que les zones de réserve majeures de la plante, constituées par le tronc et les grosses racines, mobilisent leurs réserves au profit des jeunes pousses. Cette mobilisation paraît dépendante de la vitesse de croissance de ces dernières, elle-même dépendante de l’environnement lumineux courant. Ces résultats indiquent alors un système très souple, permettant à la fois de répondre à une amélioration de l’environnement local en

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donnant aux branches précédemment ombrées une ‘nouvelle chance’, tout en évitant un gaspillage des réserves qui se ferait au profit de branches demeurées ‘peu rentables’.

La dépendance vis-à-vis des substances de réserve varie selon les espèces. Ainsi, chez certains ligneux à feuillage caduc de zones tempérées, dont la floraison se fait avant le développement végétatif, la croissance des pièces florales se fait exclusivement à partir des réserves (ex. saule, peuplier, bouleau ou érable, Fowells, 1965 cité par Loescher et al, 1990). D’autres espèces à feuillage caduc comme le pommier dépendent moins des réserves pour leur floraison et leur fructification. En effet, les feuilles de cette espèce sont presque pleinement développées avant l’anthèse.

1.3.2.2 Utilisations ultérieures

Chez le pacanier, Lockwood et Sparks (1978a, b) ont trouvé que la plupart des réserves marquées se retrouvent dans les premières feuilles formées. Mais on trouve aussi des réserves marquées dans des feuilles formées ultérieurement ainsi que dans les inflorescences mâles et femelles. Hansen et Grauslund (1973) retrouvent, eux aussi, des réserves incorporées dans les fleurs. D’une manière générale, les réserves sont utilisées quand de forts besoins se font sentir (après un accident comme une défoliation qui supprime toute photosynthèse ou lors de la formation de l’appareil reproducteur). Toutes les réserves formées une année ne sont pas utilisées l’année suivante (Kajji, 1992). En effet, certaines réserves peuvent subsister plusieurs années (Glerum et Balatinecz, 1980 ; Kozina, 1986).

1.3.2.3 Contrôle de l’utilisation des réserves racinaires

Ce point a été très étudié sur les tubercules de topinambours (fructane) ou de pommes de terre (amidon) (Halmer et Bewley, 1982). Mais il y a peu de données sur le contrôle de l’utilisation des réserves racinaires des plantes ligneuses. Les relations entre l’hydrolyse de l’amidon et la dormance ne sont pas claires, même si l’hydrolyse est concomitante à la levée de dormance (Cottignies, 1986 ; Bory et Clair Maczulajtys, 1988). Des gibbérellines et des cytokinines appliquées sur l’arbre provoquent le débourrement mais on ne sait pas si elles agissent directement sur l’hydrolyse de l’amidon (Cottignies, 1986). Toutefois, sur merisier, cette hydrolyse semble être stimulée par l’application d’hormones (McCamant, 1988 cité par Loescher et al, 1990).

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Figure sb.8 : Schéma représentant l’effet protecteur des sucres sur les membranes des cellules (Extrait de Hoekstra et al, 2001).

Cellules tolérantes

(a) Les cellules sont bien hydratées. Les lipides de la membrane sont dans un état semi-cristallin et ordonné.

(b) et (d) Lors d’une déshydratation partielle, la concentration des molécules amphiphiles susceptibles de déstabiliser les membranes augmente. (b) La présence de sucres, préférentiellement exclus de la surface des membranes, permet de garder un film d’eau autour des membranes des cellules tolérantes.

(c) Lors d’une déshydratation sévère, les sucres peuvent interagir avec les membranes, remplaçant ainsi les molécules d’eau et maintenant l’espacement des phospholipides. Les flèches indiquent le caractère réversible de cet effet pour une cellule tolérante.

Cellules sensibles

(a) Les cellules sont bien hydratées. Les lipides de la membrane sont dans un état semi-cristallin et ordonné.

(d) Contrairement aux cellules tolérantes, la faible teneur en sucres solubles des cellules sensibles ne permet pas de conserver un film d’eau autour de la bicouche phospholipidique.

(e) Lors d’une perte en eau plus sévère, on aurait une compaction des phospholipides de la membrane, occasionnant des lésions irréversibles.

Sucres Molécules amphiphiles

Cellule hydratée Déshydratation partielle Déshydratation sévère

Tolérant Sensible (a) (b) (a) (d) (c) (e)

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1.3.2.4 Rôle des sucres dans la résistance aux stress : Résistance à la déshydratation

La résistance à la déshydratation dépend de la capacité des plantes, ou de l’une de leur forme de dissémination (ex. les graines), à supporter la perte en eau. Elle met en jeu des mécanismes permettant aux macromolécules (structures membranaires, protéiques…) d’être préservées en l’absence d’eau. En réponse à la sécheresse ou à la déshydratation, de nombreuses plantes accumulent des disaccharides (saccharose, tréhalose) (Garg et al, 2002 ; Bernacchia et Furini, 2004), des oligosaccharides non réducteurs (tréhalose, raffinose, galactinol) (Taji et al, 2002) ou des polyols (mannitol, sorbitol) (Patonnier et al, 1999 ; Li et Li, 2005). L’accumulation de ces composés dans les cellules peut accroître la tolérance à la déshydratation chez les plantes par leur « effet osmotique » qui limite les pertes en eau de la cellule. Par exemple, chez le chêne ou le cornouiller, les monosaccharides, particulièrement le glucose et le fructose, seraient majoritairement responsables de l’ajustement osmotique consécutif à un stress hydrique (Gebre et Tschaplinski, 2002). Des peupliers soumis à un stress hydrique présentent un ajustement osmotique compris entre 0,23 et 0,48 MPa dont 48% peuvent être attribués à l’accumulation de solutés organiques, parmi lesquels on trouve le saccharose, le glucose et le fructose (Gebre et al, 1994). Dans certain cas, le rôle de ces solutés dans la tolérance à la sécheresse a été démontré comme étant différent de l’effet osmotique. Par exemple, l’augmentation de l’accumulation de mannitol observée chez les plants de Triticum aestivum transformés par la mannitol-1-phosphate déshydrogénase (mtlD)

d’Escherichia coli (Abebe et al, 2003) serait trop faible pour agir par un effet osmotique. De

plus, aucune différence d’ajustement osmotique n’a été constatée entre les plants transformés et les plants sauvages. Dans ce cas, le mannitol aurait plus un « effet protecteur » qu’un « effet osmotique ». En effet, dans le cas où, la déshydratation est modérée, les glucides sont préférentiellement repoussés vers la surface des protéines et des membranes lesquelles se trouveraient alors préférentiellement hydratées (figure sb.8) (Hoekstra et al, 2001). Si la déshydratation est plus sévère, les sucres, et plus particulièrement les disaccharides non réducteurs, tels que le saccharose, pourraient ‘remplacer’ l’eau en interagissant avec les groupements polaires des lipides grâce à leurs atomes d’hydrogène (Crowe, 1992 cité par Hoekstra et al, 2001).

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