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Les effets du gel sur les arbres

Les dégâts provoqués par le gel peuvent apparaître dans des circonstances variées. Ainsi, des gelées précoces sont susceptibles de détruire des plantes insuffisamment endurcies. En période hivernale, les effets du gel dépendent de son intensité plus que de sa durée. Il peut agir directement sur le végétal et produire des nécroses des bourgeons, le noircissement du xylème, l’éclatement des troncs et la mort des feuilles pour les arbres à feuilles persistantes. Enfin, des gelées de printemps, même peu importantes, sont susceptibles de détruire des bourgeons végétatifs ou floraux au début de la croissance.

2.2.1 Les dégâts du gel visibles sur les organes

Les dégâts provoqués par le gel sont très variables. Sur les arbres à feuilles persistantes, tels que les pins, les aiguilles peuvent se décolorer et brunir (figure sb.11).

En hiver, lorsque l’eau du sol ou des vaisseaux conducteurs viennent à geler, l’équilibre hydrique de la plante est perturbé. En effet, la transpiration des arbres en hiver n’est pas

(a) (b)

Figure sb.11 : (a) Aiguilles d’Abies mariesii n’ayant pas subi l’effet du gel (recouvertes par la neige). (b) Aiguilles ayant subi l’effet du gel (Yamazaki et al, 2003).

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entièrement arrêtée. Les arbres ressentent alors un stress hydrique. Dans la littérature, ce phénomène est appelé déshydratation hivernale (winter desiccation) ou sécheresse liée au gel

(frost drought) (figure sb.12). Ce type de stress provoque les mêmes symptômes qu’un stress

hydrique estival (perte des feuilles, chute brutale du potentiel hydrique, embolie). L’intensité de la déshydratation peut être amplifiée par un vent sec (Sakai et Larcher, 1987). La glace peut également se former autour des organes aériens des arbres et provoquer la rupture des branches (cas des tempêtes de verglas : ex. La crise du verglas au Québec de 1998) ou des conditions d’hypoxie au niveau aérien ou racinaire. Le tronc des arbres peut aussi se fendre sous l’action du gel, on parle alors de ‘gélivure des troncs’. Des facteurs prédisposant peuvent intervenir : des facteurs stationnels (le climat, qualité du sol, la topographie), des facteurs individuels (l’espèce, l’âge, …) et la structure des peuplements forestiers (Cinotti, 1989). Enfin, il existe des nécroses au niveau du cambium ou encore appelée ‘échaudure’ (Dellus et al, 2003). Elles sont provoquées par un gel précoce et forment un bourrelet cicatriciel.

2.2.2 L’embolie hivernale

Sous sa forme liquide, la sève xylémienne contient des gaz dissous qui, sous l’effet de la prise en glace de la sève, sont expulsés de la phase solide, se concentrent, et forme des bulles d’air en dehors de la phase solide. Au moment du dégel, ces bulles d’air peuvent soit se dissoudre à nouveau dans la sève, soit grossir et obstruer totalement les vaisseaux du xylème. On parle alors d’embolie hivernale (Cochard et Tyree, 1990 ; Améglio et al, 1995). Les espèces dont le diamètre des vaisseaux est important sont beaucoup plus sujettes à l’embolie hivernale. Ceci a été confirmé par de nombreuses études (Ewers, 1985 ; Sperry et Sullivan,

(a) (b)

Figure sb.12 : Symptôme de déshydratation hivernale : (a) sur Picea abies chétif (photo de W. Larcher, extrait de Sakai et Larcher, 1987) et (b) sur une plantation de thé (extrait de Sakai et Larcher, 1987).

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1992 ; Hacke et Sauter, 1996). Ainsi, grâce à leurs trachéides de faible diamètre (10-50μm) (Hopkins, 2003), les conifères subissent très peu d’embolie même après plusieurs épisodes de gel. Il faut attendre plusieurs dizaines de cycles pour voir le taux d’embolie augmenter significativement, en particulier pour des conifères en limites altitudinales de leurs aires de répartition. Par ailleurs, cette augmentation de l’embolie dans ces conditions est également liée à l’état hydrique du végétal (Mayr et al, 2007). Chez les espèces à zones poreuses comme le chêne (Cochard et Tyree, 1990 ; vaisseaux à très large diamètre : 300-500 μm, Quercus ssp, Hopkins, 2003) et le frêne (Cochard et al, 1997), un seul évènement de gel-dégel peut conduire à l’embolisation de la plupart des vaisseaux. Pour les espèces à pores diffus, deux scénarii sont retrouvés en fonction de l’espèce considérée. Le nombre de vaisseaux embolisés peut soit augmenter fortement après un premier épisode de gel (vaisseaux à large diamètre : 60-160 μm : Juglans regia, Améglio et al, 2002) puis diminuer grâce à l’existence de pression positive dans les vaisseaux du xylème au cours de l’hiver, soit augmenter progressivement au cours de l’hiver pour atteindre un maximum à l’approche du débourrement (pas de pression positive durant l’hiver, vaisseaux à diamètre moyen : 25-60 μm, Prunus persica, Améglio et al, 2002).

La création d’embolie gazeuse dans les vaisseaux du xylème au cours de l’hiver dépend donc à la fois de la taille de ces vaisseaux et des conditions évaporatives au dégel (Améglio et al, 2002).

A la reprise de la croissance, l’approvisionnement en eau et en nutriments des bourgeons et du cambium repose en partie sur la sève xylémienne (Dambrine et al, 1995 ; Tyree et Cochard, 1996 ; Decourteix et al, 2008). Il en résulte la nécessité pour les arbres d’avoir des vaisseaux du xylème capables de transporter ces éléments. Suivant les espèces, les stratégies de restauration de la conductivité hydraulique diffèrent. Certaines espèces démarrent leur croissance cambiale avant la reprise de la croissance des bourgeons végétatifs. Ceci permet la production de nouveaux vaisseaux fonctionnels et utilisables pour la reprise de la croissance (Tyree et Cochard, 1996 ; Cochard et al, 2001). Pour de nombreuses autres espèces, le débourrement des bourgeons commence avant la reprise de l’activité cambiale. Ces espèces sont alors obligées de rétablir leur conductivité hydraulique en éliminant les bulles d’air. On parle de réparation de l’embolie hivernale. Cette réparation est corrélée avec l’apparition de pressions positives dans le xylème originaires des racines ou des branches.

Chez certaines espèces d’arbres, une conductivité hydraulique optimale serait restaurée grâce aux pressions positives d’origine racinaire observées au printemps (Sperry et al, 1987 ; Borghetti et al, 1993 ; Ewers et al, 2001 ; Strati et al, 2003). Cette mise sous

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pression de la sève est appelée pression racinaire. Ewers et al (2001) ont montré, chez le noyer, que la pression racinaire est liée à l’absorption minérale et dépend de la température du sol. De plus, cette pression racinaire est corrélée positivement avec les températures du sol. Dans les branches de noyer, en l’hiver, les pressions positives sont corrélées négativement avec les températures extérieures (Améglio et Cruiziat, 1992 ; Améglio et al, 2001d) et sont associées à une forte teneur en sucres de la sève (Ewers et al, 2001). Chez le hêtre, on retrouve les deux mécanismes précédemment mentionnés : l’utilisation de nouveaux vaisseaux mis en place suite à la reprise de l’activité cambiale et la pression racinaire (Cochard et al, 2001).

Pour le noyer (Améglio et al, 2002) ou l’érable (O’Malley et Milburn, 1983 ; Tyree, 1983), la réparation de l’embolie peut aussi avoir lieu au cours de l’hiver puisqu’on observe des variations du taux d’embolie au cours de cette période. Chez l’érable, il a été très clairement démontré que les pressions positives hivernales proviennent directement de la branche et non des racines. En effet, en hiver, l’exsudation de sève est négligeable pour les souches racinaires alors qu’elle est importante pour les branches coupées (Marvin et Greene, 1951). Chez le noyer, Améglio et Cruiziat (1992) et Améglio et al (1995) ont montré qu’en hiver la sève xylémienne peut être sous tension ou sous pression et que l’alternance entre ces deux états est dépendante des températures de l’air. Pour des températures supérieures à +5°C, la sève est sous tension. Lorsque les températures sont inférieures à +5°C, et que la sève est toujours liquide (températures supérieures à -5°C), la sève est sous pression. Expérimentalement, un écoulement de sève se produit à l’extrémité coupée. On dit que ces arbres « pleurent à la taille ». La mise sous pression hivernale de la sève xylémienne a été largement étudiée chez de nombreuses espèces et notamment chez l’érable (O’Malley et Milburn, 1983 ; Tyree, 1983 ; Johnson et al, 1987). Les mécanismes proposés pour expliquer cette mise sous pression sont classiquement attribués, soit à des phénomènes purement physiques, soit purement physiologiques. Selon le « modèle physique », les pressions hivernales sont strictement le résultat d’alternances gel/dégel (O’Malley et Milburn, 1983 ; Tyree, 1983). Selon le « modèle physiologique », l’activité des cellules vivantes du xylème serait nécessaire pour permettre une augmentation de nature osmotique de la pression (Marvin, 1958, cité par Cruiziat et al, 2002). Aussi bien chez l’érable que chez le noyer, la pression est corrélée négativement aux faibles températures et positivement à une forte teneur en sucres solubles (glucose, fructose, saccharose) de la sève xylémienne (Améglio et al, 2001c). Donc, chez le noyer, les températures gélives de l’hiver pourraient expliquer les valeurs élevées de l’osmolarité de la sève xylémienne. Par ailleurs, l’accumulation des sucres

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dans les vaisseaux du xylème est facilitée par une protéine sensible au DEPC (diethylpyrocarbonate) (Améglio et al, 2004). Ces sucres solubles proviennent de l’hydrolyse des réserves amylacées favorisée par les mêmes conditions que celles de mise sous pression de la sève (températures comprises entre -5°C et +5°C). Dans ce contexte, le déversement des sucres dans les vaisseaux du xylème génèrerait un flux d’eau des tissus voisins vers les vaisseaux du xylème, ce qui permettrait la mise sous pression de la sève (Cruiziat et al, 2003). La pression de branche durant l’hiver est donc clairement sous l’influence des températures mais aussi des réserves carbonées. Ceci a été mis en évidence sur des arbres au statut carboné altéré par des défoliations successives. Les arbres défoliés présentent une diminution de leurs réserves carbonées qui s’accompagne de pressions osmotiques plus faibles que celles observées chez des arbres non-défoliés au statut carboné normal (Améglio et al, 2001c).

2.2.3 Les dégâts cellulaires

Les effets de la congélation extracellulaire peuvent résulter d’une augmentation importante de la teneur en solutés du milieu cellulaire, à la suite d’une diminution de la teneur en eau des cellules. En effet, le volume de la cellule ne peut descendre en dessous d’une valeur critique. Par ailleurs, au cours du réchauffement, le protoplasme peut rester coagulé à l’intérieur de la cellule si celle-ci est incapable de réabsorber l’eau après la fusion de la glace. Cette situation conduit à la mort de la cellule (Dereuddre et Gazeau, 1992).

La lyse cellulaire est caractérisée par l’éclatement ou la désorganisation des membranes au moment du réchauffement. Elle a d’abord été observée dans le parenchyme cortical d’espèces ligneuses (Scarth et Levitt, 1937). Au cours du réchauffement, la lyse cellulaire s’effectue avant que le protoplasme n’ait retrouvé son volume initial. Elle dépendrait en fait de l’aptitude de la cellule à résister à des variations de volume et donc sa capacité à modifier la surface de la membrane plasmique (Dereuddre et Gazeau, 1992). Enfin, par actions mécaniques, les cristaux de glace présents dans le milieu extracellulaire peuvent créer des déformations importantes de la membrane plasmique et de la paroi. Ces déformations disparaissent progressivement au cours du réchauffement (Dereuddre et Gazeau, 1992), même si on connaît peu de chose sur les dégâts cellulaires provoqués par la glace du milieu extracellulaire (Samygin, 1994).

Le gel peut induire sur les plantes diverses blessures pouvant toucher toutes les parties de la plante. La tolérance au gel passe par la formation de la glace dans le milieu extracellulaire. La prise en glace du milieu intracellulaire est, dans tous les cas, fatale. La mise

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en place de l’acclimatation au gel implique une séquence de processus qui sont interdépendants, chacun préparant la voie pour le suivant.