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Modifications biochimiques

2.4 L’acclimatation au gel

2.4.2 Modifications biochimiques

2.4.2.1 Modifications biochimiques liées à l’endurcissement

Accumulation de sucres solubles dans les tissus

Le rôle des sucres dans la tolérance au gel est resté longuement controversé. Il reste en effet à savoir si l’augmentation des teneurs en sucres est un effet ou une cause de la tolérance

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au gel. Pour répondre à cette question, des travaux sur des cultures cellulaires existent. Leborgne et al (1995) ont montré une corrélation positive entre le contenu en sucres solubles de ces cellules et leur tolérance au froid après une acclimatation, ainsi qu’une amélioration de cette tolérance lors d’un ajout exogène de sucres solubles dans la culture. Ces observations suggèrent donc que l’accumulation de sucres solubles pendant la phase d’acclimatation au froid pourrait être un mécanisme efficace de résistance au gel. Cette hypothèse a été confirmée dans les travaux de Travert et al (1997) qui comparent la résistance au gel de cellules en culture issues de deux génotypes d’Eucalyptus hybrides : Eucalyptus gunnii ×

Eucalyptus globulus qui résiste bien au gel et Eucalyptus cypellocarpa ×Eucalyptus globulus

qui est sensible au gel. Ces auteurs montrent que les cellules du génotype résistant accumulent plus de sucres, notamment du saccharose et du fructose, que les cellules du génotype sensible. D’autre part, l’incubation des cellules d’Eucalyptus dans des solutions contenant des sucres entraîne une augmentation de la résistance au gel lorsque le contenu en sucres solubles des cellules augmente. Dans ces travaux, les auteurs concluent à un rôle cryoprotectant des sucres solubles plutôt qu’à un effet osmotique.

De nombreuses études (Siminovitch et al, 1953 ; Kramer et Kozlowski, 1979b ; Levitt, 1980 ; Tamassy et Zayan, 1982 ; Ashworth et al, 1993b ; Tinus et al, 2000 ; Améglio et al, 2004) réalisées sur les plantes ligneuses montrent clairement, qu’au cours de l’année, les sucres solubles augmentent à l’automne et qu’un accroissement de la quantité de sucres solubles accompagne l’acquisition de la résistance au gel. La concentration en sucres solubles atteint un maximum en hiver lorsque les températures sont les plus froides et diminue au printemps. Cette diminution coïncide avec la perte de résistance. La nature des sucres solubles qui apparaissent pendant l’endurcissement diffère selon les espèces. Chez le noyer, par exemple, ce sont le glucose, le fructose et le saccharose qui s’accumulent majoritairement (Améglio et al, 2004). Pour le pommier, c’est le sorbitol, stocké dans le xylème qui semble jouer un rôle important dans l’endurcissement au gel (Ichiki et Yamaya, 1982). Les sucres peuvent jouer divers rôles dans la protection de la cellule contre le gel (cf. § 1.5.4). En plus des effets protecteur et osmotique, les sucres jouent un rôle de substrat du métabolisme énergétique comme le montrent les travaux de Hatano (1978).

Augmentation des protéines non membranaires et des acides aminés

De nombreuses protéines solubles sont synthétisées lors de l’acquisition de la résistance au gel. Il semble alors que la synthèse de protéines spécifiques soit nécessaire à l’endurcissement (Titov et Sherudilo, 1990). Ainsi, les déhydrines semblent particulièrement

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être associées à la résistance au gel (Lim et al, 1999). Ces protéines du groupe 2 de la famille des LEA (Late Embryogenesis Abundant) sont souvent synthétisées en réponse à une déshydratation (sécheresse, froid) et interviendraient dans la stabilisation des membranes cellulaires (Thomashow, 1999).

Certains acides aminés s’accumulent également pendant l’endurcissement au gel. Les résultats de Sagisaka (1974), sur le peuplier, indiquent que l’arginine est l’acide aminé majoritaire dans les rameaux pendant la phase d’endurcissement. La proline a été associée à la résistance au gel des végétaux. C’est aussi un excellent marqueur pour d’autres stress que le gel, comme la sécheresse ou la salinité élevée des sols (Delauney et Verma, 1993 ; Xin et Browse, 1998 ; Gleeson et al, 2005). Enfin, chez Picea mariana, une accumulation de tryptophane coïncide avec l’augmentation de la résistance au gel (Odlum et al, 1993).

Modifications membranaires

La composition des lipides membranaires a été reliée à la résistance au gel des plantes. En effet, elle permettrait d’accroître la fluidité des membranes en leur permettant de supporter des tensions élevées (Levitt, 1980 ; Yoshida, 1984). Chez les arbres, la quantité et la nature des lipides polaires varient pendant la période d’endurcissement. Par exemple, chez le mûrier

(Morus bombycis Koidz. Cv. Goroji), la composition en phospholipide de la membrane

plasmique varie au cours de l’endurcissement. Ainsi, la phosphatidylcholine diminue linéairement de septembre à décembre, parallèlement à l’augmentation de la phosphatidyléthanolamine (Yoshida, 1984). L’insaturation des acides gras (figure sb18) semble augmenter au cours de l’endurcissement (Yoshida, 1984) mais cela n’est pas généralisable à toutes les espèces d’arbres. Chez les arbres tels que le robinier, le développement de la résistance au gel se fait sans augmentation de la teneur en acide linolénique (C18:3) ou en acide linoléique (C18:2) par rapport aux lipides totaux ou aux phospholipides (Siminovitch et al, 1975). En revanche, chez des espèces comme le pêcher et le poirier, l’endurcissement s’accompagne d’une hausse de la teneur en acide linolénique (C18:3) (Dereuddre et Gazeau, 1992). Chez Arabidopsis thaliana, certains mutants fad (fatty

acid desaturation) possèdent une déficience dans la production d’acides gras insaturés et sont

sensibles au froid. Ils dépérissent après une longue exposition aux basses températures (Hugly et Somerville, 1992 ; Miquel et al, 1993). En contraste, la mutation fab1 (fatty acid

biosynthesis) induit une augmentation des acides gras insaturés et rend le mutant résistant aux

basses températures (> 0°C) (Wu et Browse, 1995). L’insaturation jouerait alors un rôle important dans l’augmentation de la résistance au gel.

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Augmentation de la teneur d’acide abscissique (ABA)

Peu d’études ont été réalisées sur le rôle de l’ABA dans le processus de résistance au gel des arbres. L’ABA s’accumulerait au début de l’endurcissement (Welling et al, 1997). Certaines études s’accordent pour dire que l’ABA pourrait avoir un rôle dans la voie de signalisation de l’endurcissement au gel (Sakai et Larcher, 1987 ; Qamaruddin et al, 1993 ; Welling et Palva, 2006). Il serait impliqué dans le contrôle photopériodique de la résistance au gel (Li et al, 2003a).

Nous avons donc vu précédemment que de nombreux travaux ont été réalisés pour mettre en évidence les modifications qui se produisent lors de l’acclimatation au gel. Les études effectuées sur le désendurcissement des ligneux sont beaucoup moins nombreuses.

2.4.2.2 Modifications biochimiques liées au désendurcissement

Le désendurcissement est associé à une réhydratation cellulaire (Kalberer et al, 2007) et relié à une diminution des osmolytes, notamment des sucres solubles (Ögren, 1997). Dans l’écorce de mûrier, le désendurcissement est associé à une diminution du ratio d’acides gras insaturés/saturés (de 2.1 à 1.6) et de la fluidité membranaire avec une augmentation du ratio stérols/phospholipides (de 0.48 à 0.77) (Yoshida, 1986). Peu de recherches ont été investies sur les changements protéiques durant cette phase.