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4. MATÉRIEL ET MÉTHODES

6.2 Effet de la coupe sur le lièvre

6.2.3 Utilisation de l'habitat par le lièvre

6.2.3.1 Comparaison de l'habitat utilisé par le lièvre avant et après coupe

Après la coupe, les lièvres ont été localisés dans des endroits où la végétation au sol était comparable à la situation avant coupe. En termes de nombre moyen de tiges d'arbres par parcelle, les habitats fréquentés avant et après coupe semblent identiques, bien que le nombre d'épinettes noires ait légèrement augmenté dans les habitats fréquentés après coupe. Des différences significatives sont toutefois enregistrées au niveau de la surface terrière de l'épinette noire, du bouleau à papier, de l'ensemble des conifères et de l'ensemble des feuillus, ainsi que pour la surface terrière totale, toutes essences confondues, qui sont significativement supérieures sur les sites fréquentés après coupe. Ceci indique que le lièvre se serait déplacé vers des portions de peuplements plus matures.

La strate arbustive est grossièrement de même nature dans les habitats fréquentés par le lièvre avant et après coupe. Cependant, on y observe la même tendance qu'au niveau de la composition du peuplement; les endroits à dominance strictement résineuse sont moins fréquents dans les parcelles où le lièvre était retrouvé après coupe alors que les endroits où le peuplement est mixte sont plus fréquents. Il semblerait que les lièvres se dirigent vers des peuplements résiduels, après la coupe, où les arbres feuillus sont plus abondants. On a en effet observé

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qu'en général les lièvres étaient retrouvés dans les lisières de bois entourant les bûchers, immédiatement après coupe, et que plusieurs y sont demeurés durant tout l'été.

Donc, dans l'ensemble, le lièvre a contré les effets à court terme de la coupe sur son habitat en se déplaçant vers un habitat lui offrant nourriture et couvert comparables à celui de l'habitat où il se trouvait avant coupe. Cette hypothèse est d'ailleurs confirmée par l'analyse de la distribution des lièvres selon les peulements forestiers (tableau 10), qui montre une nette tendance à fréquenter davantage des peuplements mélangés après coupe. Ces changements seraient par ailleurs attribuables aux coupes forestières car, normalement, le lièvre demeure dans le même type d'habitat tout au cours de l'été (Bider 1961, Ferron et Ouellet 1992).

6.2.3.2 Comparaison entre l'habitat utilisé par le lièvre après coupe et les témoins (bûches et non bûches)

Malgré le déplacement des lièvres causé par la coupe forestière, ces derniers ont réussi à se diriger vers des habitats où les plantes herbacées et les débris sont plus abondants au sol que dans la moyenne des témoins non bûches constitués de pessières noires, principal habitat disponible. Les débris sont très importants pour cette espèce puisqu'ils constituent souvent un bon refuge ou une aire de repos, tandis que les plantes herbacées représentent une source alimentaire d'importance (Wolff 1978).

De plus, après coupe, les lièvres continuent à rechercher des sites où le couvert est plus dense mais où les feuillus dominent. Cela se traduit par un nombre total de tiges de sapin baumier, de bouleau à papier et de feuillus par parcelle plus

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élevé et une densité en arbustes (résineux et feuillus) plus forte que sur les témoins non bûches. De même, les surfaces terrières en bouleau à papier et en feuillus (toutes espèces confondues) sont plus grandes dans les habitats fréquentés par le lièvre après coupe par rapport à l'habitat disponible. Toutefois, même si l'ensemble de ces facteurs tendent à prouver que le lièvre sélectionne des peuple-ments plus denses après coupe par rapport aux sites témoins, ceci n'apparaît pas au niveau du couvert latéral qui est pratiquement semblable entre les parcelles où le lièvre était retrouvé après coupe et les témoins non bûches. Ceci pourrait être attribuable au fait que les peuplements résiduels, âgés entre 50 et 120 ans et relativement homogènes, offraient une obstruction visuelle de 71 %, ce qui en fait un habitat acceptable en terme de couvert selon Litvaitis et al. (1985).

Cependant, puisque les lièvres avaient des domaines vitaux particulièrement étendus, il y a tout lieu de croire que d'autres caractéristiques de l'habitat étaient déficientes (voir section 6.1).

Nos résultats indiquent clairement qu'après coupe les lièvres occupaient des endroits autres que les bûchers. Ces milieux récemment perturbés sont très peu avantageux pour le lièvre, en particulier à cause du couvert réduit qui le rend vulnérable à la prédation, sa principale cause de mortalité (Sievert et Keith 1985).

6.2.4 Survie des lièvres

Nos lièvres ont affiché un taux de survie comparable avant et après coupe, de l'ordre de 50 % pour l'ensemble de la période estivale. Ce résultat étonne car normalement la dispersion, un couvert marginal ou un habitat fragmenté sont susceptibles d'augmenter la mortalité (Keith 1990, Sievert et Keith 1985). En effet, la coupe a entraîné un plus grand déplacement des lièvres dans les jours suivants et amené souvent une relocalisation partielle ou totale de leur secteur

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d'activité, ce qui aurait pu accroître les risques de prédation. Le bruit causé par les opérations forestières, bien que ponctuel, aurait pu aussi affecter une proie potentielle aussi aux aguets que le lièvre. Cependant, bien que 2 lièvres soient morts au moment de leur dérangement ou le lendemain, nous devons conclure que la majorité ont connu un taux de survie comparable à ce qu'il était avant coupe.

Le taux de survie annuel de nos lièvres (21 %) est inférieur à celui mesuré par Dolbeer et Clark (1975) au Colorado et en Utah (plus de 45 %), mais se rapproche de ceux rapportés par Meslow et Keith (1968) pour divers endroits dont le Maine (13-41 %) et par Boutin et al. (1985) au Yukon (10-40 %, recalculé).

D'autre part, tous nos lièvres dont la cause de mortalité a pu être établie et qui sont morts plus d'une semaine après leur marquage ont été victimes de prédation.

La prédation a aussi été rapportée comme cause de mortalité majeure par Sievert et Keith (1985) (87 % des cas).

Par ailleurs, il faut être conscients que la capture des lièvres et la pose d'un collier émetteur sont susceptibles d'accroître la mortalité. En utilisant des colliers à peine plus légers que les nôtres (30-40 g contre 42 g), Boutin et al. (1985) ont conclu que le marquage avait un effet minime puisque, dans la majorité des cas, le taux de survie après 1 semaine n'était pas inférieur à celui après 2 à 4 semaines. Dans notre étude, nous ne pouvons démontrer ou infirmer que le port d'un collier ait rendu les lièvres davantage susceptibles à la prédation.

Cependant, un tel effet ne saurait modifier nos conclusions en fonction de la coupe, lesquelles sont basées sur des comparaisons entre avant et après déboisement pour les mêmes animaux porteurs de collier.

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