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Chapitre III Approche spectro-temporelle de l’analyse quantitative

III. 5. Analyse descriptive multivariée des spectres LIBS résolus temporellement

III. 5.2 Application de la MFICA

III.5.2.2 Utilisation de la MFICA pour l’étude des raies

Dans ce qui précède nous avons supprimé du jeu de données certaines raies d’aluminium, notamment les raies renversées par l’auto-absorption, afin de simplifier l’interprétation et de nous concentrer sur les performances intrinsèques des méthodes chimiométriques testées. Cependant, il n’est pas toujours possible d’effectuer une telle sélection, notamment lorsque l’on a affaire à des spectres plus complexes (pouvant atteindre plusieurs centaines voire milliers de raies dans la bande spectrale 200-900 nm). Par conséquent il est important de comprendre comment la MFICA gère les spectres entiers, sans sélection préalable de bandes spectrales particulières. Pour cela nous avons effectué le traitement par MFICA des spectres entiers sous air et sous azote.

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Figure III. 14 Les composantes associées obtenus par MFICA en analysant tout le spectre sous air

Par rapport au jeu de données expurgé des raies auto-absorbées, nous pouvons noter que 4 composantes au lieu de 3 sont nécessaires pour décrire les données Figure III. 14. Ceci est dû au fait que les deux doublets de l’aluminium les plus intenses précédemment écartés, à 308.22/309.27 et 394.40/396.15 nm, ont un profil de raie qui évolue significativement sur une échelle de temps longue. Cette évolution est prise en compte par une composante supplémentaire, qui en quelque sorte ajuste la forme et le rapport des raies dans une tranche temporelle intermédiaire.

Plus généralement, le profil des raies est susceptible d’être affecté au cours du temps de plusieurs manières :

• Le décalage spectral des raies dû à l’effet Stark. L’effet Stark est dû au champ électrique local intense provoqué par les espèces chargées du plasma, en forte densité à délai court. Il entraîne le décalage des niveaux d’énergie des atomes et donc la levée de dégénérescences, et se manifeste dans les spectres par un élargissement et un décalage des raies.

• L’élargissement dû à l’effet Stark à délai court, ou dû à l’auto-absorption.

• La modification complète de la forme de la raie en cas de renversement pour les raies fortement auto-absorbées

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Figure III. 15 Comparaison des composantes obtenues sous air et sous azote dans la région spectrale entre 305 et 310 nm.

Figure III. 16 Comparaison des composantes obtenues sous air et sous azote dans la région spectrale entre 669 et 671 nm ainsi que les proportions associées.

139 Le comportement des raies d’aluminium sous air et sous azote est comparé dans les figures III.15 et III.16. Nous pouvons remarquer que l’ensemble de raies, entre 305 et 307 nm, est visible sur les deux premières composantes (délai < 2 µs sous air et délai < 1.1 µs sous azote). Il est peu affecté par l’élargissement et le décalage des raies, qui sont tout de même visibles. Nous pouvons aussi noter que les raies à 305.007 et 305.714 nm persistent sous azote jusqu’à un délai tardif (ces raies apparaissent sur la troisième et la quatrième composantes) et elles sont absentes sous air à ce délai-là. Ces résultats confirment les résultats obtenus par Saad [35] qui a expliqué ce phénomène par le fait que la population du niveau d’énergie supérieur de ces 2 raies est plus élevée que celle des autres raies en raison de l’excitation collisionnelle avec les atomes d’azote. L’apparition de cet effet d’excitation collisionnelle coïncide avec l’apparition des signaux des bandes moléculaires d’AlN sous azote. Cependant, cet effet disparait lorsque le plasma se développe dans l’air. Cela signifie que la présence de 20% d’oxygène dans l’atmosphère ambiante élimine l’excitation collisionnelle entre les atomes d’aluminium et les molécules de diazote.

Sur la figure III.15 (c et d), on peut voir les raies du doublet à 308.22 et 309.27 nm, dont le niveau inférieur est le niveau fondamental, qui sont renversées en raison d’une auto-absorption très prononcée. Au fil des composantes, le délai augmentant, les raies s’affinent et le renversement est moins marqué. Et nous pouvons noter que ces raies persistent plus longtemps, jusqu’à la dernière composante, sous azote que sous air. Ceci est dû au fait que l’oxygène consomme plus rapidement que l’azote les atomes d’Al pour former AlO.

Enfin, la figure III.16 (a et b), illustre la présence de la raie à 669.60 nm ayant un niveau d’énergie inférieur à 3.14 eV. Cette raie est observable jusqu’à la troisième composante (délai < 3.5 µs) sous air, et jusqu’à la dernière composante sous azote. Elle est moins sujette à l’auto- absorption que le doublet précédent. On observe cependant un élargissement et un décalage spectral très marqués, probablement liés à l’effet Stark, qui diminuent avec les composantes successives à mesure que la densité du plasma diminue. Sur la troisième, la raie est même suffisamment fine pour que l’on puisse distinguer la raie voisine à 669.87 nm. Nous pouvons remarquer que cette raie persiste aussi jusqu’à des délais tardifs sous azote mais pas sous air à cause de la consommation de tous les atomes d’aluminium par l’oxygène de l’air. Ainsi on peut remarquer que le rapport des deux raies diminue entre la troisième et la quatrième composante. Le rapport est indépendant de la température puisque les deux raies ont des énergies de niveau semblables. Ceci serait dû à des réactions chimiques que nous n'avons pas encore eu le temps d'élucider. Ainsi, l’analyse simultanée des composantes et des proportions permet d’optimiser

140 le choix d’une raie, les paramètres temporels de mesure ainsi que l’atmosphère ambiante selon l’objectif fixé. Pour une application analytique, les critères de sensibilité, de rapport signal sur fond, et de répétabilité peuvent être utilisés. On donne ci-dessous quelques exemples, qui sont cependant limités dans le cas présent puisque nous avons analysé un métal pur :

• Si l’on souhaite analyser une raie ionique, on choisira le délai le plus court.

• Si l’on s’intéresse aux raies dans la bande 305-307 nm, on préférera la composante (dans notre cas C2) pour laquelle les raies sont plus fines et avec un meilleur rapport signal sur fond. Ici aussi, pour minimiser la contribution des raies ioniques, on évitera les délais les plus courts. La tranche temporelle 0.3-1 µs sera favorable pour avoir le meilleur rapport signal sur bruit. Nous avons donc montré comment le traitement des spectres complets par la méthode MFICA peut être mis à profit pour orienter le choix de la raie analytique, des paramètres temporels de mesure et de l’environnement gazeux. Ceci doit maintenant être complété par l’étude de matériaux réels plutôt que de métaux purs, et fait l’objet de la section suivante.