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Chapitre I : Apport de la chimiométrie à l’analyse en ligne par LIBS dans le domaine nucléaire

I. 4.2.1.3 Les effets de matrice

I.4.3. Normalisation

La normalisation du signal d'émission de la raie d’intérêt a été proposée afin de s'affranchir de nombreuses sources de fluctuations (dues à l’ablation et aux variations des conditions expérimentales) déjà cités dans les paragraphes précédents et de fiabiliser l'approche quantitative par LIBS. En outre, les changements de la matrice affectent l'émission et la température du plasma ce qui a une forte influence sur la précision des mesures. On comprend donc que les trois paramètres de normalisation les plus importantes sont la masse ablatée, la température du plasma, et la densité électronique. Différentes normalisations ont été proposées et seront décrites dans les paragraphes suivants.

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I.4.3.1. Normalisation par la masse ablatée.

L'approche la plus générale de la normalisation, cependant, reste de faire le rapport entre l'intensité de la raie spectrale de l'analyte et celle d'un élément approprié qualifié d’étalon interne lorsqu’il est présent dans l’échantillon [58, 59].

Barnett et al ont identifié des critères pour la sélection des paires de raies. Ces critères affirment que l'analyte et l'étalon interne doivent avoir :

 des taux de vaporisation similaires ;

 des énergies d'ionisation comparables ;

 des poids atomiques similaires.

Les raies spectrales choisies pour le rapport devraient :

 avoir les mêmes énergies d’excitation ;

 être exemptes d'auto-absorption

 avoir une intensité similaire.

Nous remarquons que la normalisation par rapport à une raie de référence nécessite non seulement un choix judicieux de la raie d’émission mais aussi de l’élément, ce qui en fait une méthode plutôt complexe. En outre, l’étalonnage interne par une raie de la matrice revient à compenser les fluctuations de masse ablatée mais il ne corrige pas les fluctuations de la température. Par exemple, une amélioration de la droite d’étalonnage a été obtenue par l’équipe de Labutin, en normalisant la raie d’émission du chlore à 837.59 nm par une raie de magnésium [60]

Un autre type de normalisation est la normalisation par le signal acoustique L’intensité du signal acoustique généré par l’onde de choc lors de l’expansion du plasma est corrélée au volume ablaté [61, 62]. Zorov et al ont pu corriger l’effet de matrice sur la concentration de lithium contenu dans deux types d’alliages d’aluminium différents en normalisant par le signal acoustique [63].

I.4.3.2. La normalisation par la température du plasma

La température du plasma est calculée en appliquant la loi de Botzmann (cf section I.4) [64]. La loi de Boltzmann dans ce cas peut s’écrire sous la forme : y=ax+b où

y = Ln (Iki/gA), a = -1/(kT), x = Eij

31 La température est alors égale à : T = -1/ka où « a » est la pente de la droite. Le nombre d’atomes N0 est calculé en normalisant à 1 la somme de concentrations de toutes les espèces présentes dans le plasma. ∑ 𝐶𝑖 𝑖 = 1 𝑁0× ∑ 𝑍𝑖 (𝑇) × 𝑒 𝑏𝑖 𝑖

Après avoir calculé N0, la concentration de chaque espèce du plasma peut être calculée à partir de l’ordonnée à l’origine [65]. Cependant cette technique est limitée puisqu’elle exige l’identification de chaque espèce présente dans le plasma.

Un autre type de normalisation par la température du plasma est la normalisation par le continuum. L’intensité du continuum dépend de la matrice et elle est corrélée à la température du plasma et à la masse ablatée. Cette méthode consiste à normaliser le signal de la raie par le signal du fond continu dans une zone spectrale sans présence de raies d’émission mais près de la raie d’émission d’intérêt, ce qui peut être difficile dans des échantillons complexes [66-68]. Par exemple, Maury et al ont utilisé cette normalisation pour corriger l’effet de la variation de la pression du four de sodium sur l’intensité de l’indium. Mais cette méthode n’a pas donné de résultat satisfaisant avec le plomb à cause de l’interférence d’une raie de sodium induisant des fluctuations supplémentaires [68].

I.4.3.3. Calibration-Free LIBS (CF-LIBS)

La procédure dite Calibration-Free LIBS (CF-LIBS) détermine la concentration des éléments à l'aide d’une modélisation physique de l'émission de plasma, ne nécessitant pas de courbes d'étalonnage ni d’échantillons de référence [69]. Par conséquent, la CF-LIBS est plus adaptée à l’analyse en ligne, in situ ou en milieu hostile et sur des échantillons pour lesquels on ne dispose pas toujours d’étalons représentatifs. Le calcul de la température du plasma est un point crucial de la procédure. Les équations de Boltzmann et de Saha-Boltzmann sont utilisées pour le calcul de la température à partir de l’intensité de différentes raies mesurées dans le spectre [70, 71]. Cette normalisation est rigoureuse parce qu’elle tient compte des variations de l’ablation et de la température du plasma.

Ce modèle physique est basé sur des hypothèses spécifiques : conditions de l'équilibre thermodynamique local satisfaites, plasma mince et homogène, et ablation stœchiométrique.

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I.4.3.4. Discussion

Dans de nombreux cas, il s’avère que la correction par la masse ablatée (ou par une méthode équivalente) est suffisante pour un type de matériau donné (par exemples des alliages d’aluminium) mais pas entre différents matériaux [57, 72]. Ceci peut être dû à la variation de la température et de la densité électroniques du plasma d’un matériau à l’autre. La correction des effets de matrice revient donc à se placer dans des conditions de plasma équivalentes. C’est pourquoi normaliser le signal par la température est complémentaire de la normalisation par la masse ablatée. Cependant, le calcul de la température est soumis à plusieurs limitations dont :

- L’imprécision dans les paramètres spectroscopiques utilisés pour les calculs (les coefficients d’élargissement Stark, les coefficients de transition et les fonctions de partition).

- L’inhomogénéité spatiale et temporelle du plasma et la non vérification de l’équilibre thermodynamique local (ETL) quand on mesure le signal sur l’ensemble du plasma pour l’intégrer totalement. Ceci engendre une erreur sur le calcul de la température.

Une alternative permettant de se ramener à des conditions de plasma similaires serait de jouer sur la dimension temporelle du signal LIBS. Cet aspect est généralement occulté dans la littérature analytique sur la LIBS, dans laquelle le délai d’acquisition du signal par rapport au tir laser, et la porte d’intégration, sont fixés. Cependant, la cinétique de décroissance de l’émission du plasma dépend de la matrice, car elle dépend des conditions initiales du plasma juste après le tir laser, conditions qui dépendent elles-mêmes des propriétés physiques des matériaux, notamment l’efficacité d’absorption à la longueur d’onde du laser, les températures de fusion et de vaporisation, le potentiel d’ionisation, etc. On peut donc penser que cette cinétique est porteuse d’information sur la matrice et pourrait donc être exploitée en complément des spectres afin de diagnostiquer et maîtriser les effets de matrice.

L’exploitation simultanée des dimensions spectrale et temporelle du signal LIBS suppose de devoir traiter une grande quantité de données expérimentales. Pour ce faire, les méthodes d’analyse multivariée sont des outils très puissants ayant fait leurs preuves dans d’autres domaines de la spectroscopie. Leur intérêt pour répondre à notre problématique est développé dans la section suivante.

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