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Chapitre III Approche spectro-temporelle de l’analyse quantitative

III. 5. Analyse descriptive multivariée des spectres LIBS résolus temporellement

III. 5.2 Application de la MFICA

III. 5.2.1 Comparaison des différentes atmosphères

La méthode MFICA a ensuite été appliquée aux spectres obtenus sous les quatre atmosphères mentionnées à la section III.3. Dans tous les cas, 3 composantes permettent de décrire le jeu de données.

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Figure III. 11 Les composantes (a-c) et leurs proportions associées (d) obtenues par MFICA sous azote.

Les composantes sous azote sont semblables à celles sous air. La première composante (Figure III. 11.a) illustre la présence des raies ioniques et neutres d’aluminium avec les raies d’azote. La deuxième composante est associée aux raies neutres d’Al (Figure III. 11.b), tandis que la troisième composante illustre la présence des raies atomiques d’Al ainsi que la bande moléculaire d’AlN à 507.68 nm (Figure III. 11.c). Les évolutions des proportions pour la première et la deuxième composante sont similaires à celles sous air. L’émission de la molécule d’AlN apparaît à partir de 1 µs mais est cependant plus faible que celle d’AlO formée sous air. Notons au passage que dans l’air, aucun signal moléculaire d’AlN n’a été observé malgré la présence de 80% de N2 dans l’air. Comme discuté en détail par R. Saad [35], ceci est dû au fait

134 que les constantes d’équilibre des molécules AlO sont beaucoup plus élevées que celles des molécules AlN. Ces constantes sont données en annexe A. Dans l’air, la formation d’AlN est donc tout à fait négligeable devant celle d’AlO, même à des températures de plusieurs milliers de Kelvins.

Figure III. 12 Les composantes (a-c) et leurs proportions associées (d) obtenues par MFICA sous Néon

Figure III. 13 Les composantes (a-c) et leurs proportions associées (d) obtenues par MFICA sous Argon-Néon

135 Les composantes obtenues sous néon et argon/néon ainsi que leurs évolutions en fonction du temps sont représentées dans les figures III.12 et III.13. Sous néon, la première composante montre la présence des raies ioniques d’aluminium ainsi que les raies du néon, de même que la deuxième composante mais avec apparition des raies neutres d’aluminium sur cette dernière. La troisième composante illustre la présence des raies neutres d’Al avec disparition des raies du néon.

Sous Argon-néon, la première composante illustre la présence des raies neutres et ioniques d’Al de même que les raies du néon et d’argon. La deuxième composante montre la présence des raies neutres d’Al ainsi que les raies d’argon avec disparition des raies du néon. Sur la troisième composante, on observe la disparition des raies d’argon et on observe uniquement les raies neutres d’Al. Nous pouvons remarquer que le signal de l’argon persiste davantage que celui du néon, car l’énergie d’excitation des raies d’argon est plus basse que celle des raies de néon. L’évolution des proportions sous néon et sous argon-néon est semblable, on observe une diminution de l’intensité pour la première composante due au refroidissement du plasma et à la recombinaison ionique. Cette évolution est identique à l’évolution de la première composante sous air et sous azote de même que pour la deuxième composante montrant une augmentation de l’intensité à délai court, attribuée à la formation des atomes neutres, puis cette intensité diminue avec le refroidissement du plasma. Les proportions associées à la troisième composante sous gaz rare sont identiques à celles de la deuxième avec la domination des proportions de la troisième composante à partir de 10 µs indiquant la disparition des raies associées aux gaz à partir d’un délai de 10 µs.

En comparant les spectres obtenus par ablation sous atmosphère inerte (néon ou argon/néon) et sous atmosphère réactive (air ou azote) plusieurs différences apparaissent :

 Dans la première composante, les ions Al+ sont beaucoup plus présents par rapport aux atomes neutres sous néon et sous argon-néon par comparaison avec les résultats obtenus sous atmosphère réactive. De manière contre-intuitive, ceci est dû au fait que le plasma est initialement moins ionisé sous atmosphère inerte en raison du potentiel d’ionisation plus élevé pour le néon (21.6 eV) ou l’argon (15.8 eV) que pour l’oxygène ou l’azote (respectivement 12.1 et 15.6 eV). Ceci est cohérent avec la loi de Saha-Boltzmann [39], qui dit que pour une température de plasma donnée, le ratio ions/neutres est inversement proportionnel à la densité d’électrons.

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 L’émission des ions Al+ est plus longue sous atmosphère inerte, notamment sous néon. Compte tenu du fait que les plasmas réalisés sous les quatre atmosphères ont une dimension comparable [36] (ceci est un peu moins vrai dans le néon qui a une masse molaire inférieure à celle des trois autres milieux), ceci peut signifier que le plasma est initialement plus chaud, car le taux de recombinaison radiative dans le plasma est une fonction décroissante de la température [39], et se refroidit donc plus lentement. Cette température plus élevée peut aussi expliquer la persistance de l’émission de l’argon et du néon au-delà de 1 µs, car les raies de ces éléments observables dans les composantes ont des énergies d’excitation du même ordre, voire supérieures à celles de l’oxygène et de l’azote pour lesquels l’émission devient très faible à partir de ce délai.

On voit donc comment le traitement des spectres par la méthode MFICA permet de visualiser globalement l’émission temporelle des différentes espèces présentes dans le plasma, et d’en décrire qualitativement certaines caractéristiques, comme l’évolution de la température ou de la densité électronique, les recombinaisons ioniques ou la formation de molécules. Ainsi, nous avons clairement mis en évidence le potentiel exploratoire de cette méthode chimiométrique pour décrire et interpréter physiquement des spectres LIBS relativement simples. Ce type d’analyse est développé dans la section III.5.2.2, dans le cas de spectres un peu plus complexes, intégrant toutes les raies, y compris les raies renversées par auto-absorption.