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Usage des bioénergies au Québec

Sur la base des données disponibles, la bioénergie représentait 8 % (170 PJ) de l’apport énergétique de la province en 2016. De ce total, une fraction allait à la production d’électricité (27 PJ, 786 MW, 1,7 % de la puissance installée ou 0,2 % de l’électricité produite au Québec) et à la production de biocarburants à l’usage du secteur du transport (8 PJ). L’utilisation majoritaire (91 %) de la bioénergie au Québec est la production de chaleur dans les secteurs résidentiels (42 PJ) et industriels (90 PJ). En 2016, selon les données disponibles, le secteur du bâtiment commercial et institutionnel ne possédait pour ainsi dire pas d’installations de chauffage à la biomasse [20, 10]. Le Tableau 1 présente les consommations de ces trois secteurs par types de combustibles.

Le secteur du transport, quant à lui, était quasi entièrement dominé par les hydrocarbures avec 97 % de produits pétroliers en 2016.

Tableau 1 : Comparaison des consommations énergétiques dans les secteurs du bâtiment, de l’industrie et du transport en 2016 [20]

Secteur Type d’énergie Consommation

L’utilisation de bois de chauffage (une forme de biomasse) est bien ancrée dans le secteur résidentiel québécois.

En effet, des 328 PJ d’énergie consommée dans le secteur résidentiel, 13 % provient du bois de chauffage [20].

Il s’agit de la deuxième source d’énergie en importance du secteur résidentiel, après l’électricité. Cependant,

les systèmes traditionnels de chauffage au bois (sous forme de bûches) peuvent, selon le type de technologie utilisée, s’avérer peu efficaces et engendrer des problèmes d’émission de particules fines. D’ailleurs, le chauffage au bois dans le secteur résidentiel est la deuxième source d’émission de particules fines au Québec [21]. C’est justement afin d’améliorer la qualité de l’air et de forcer la sortie des appareils de combustion (poêles) vétustes que la Ville de Montréal a interdit, dès 2018, l’utilisation d’appareils ne répondant pas à des normes strictes, soit tous les foyers dont le taux d’émission de particules fines est supérieur à 2,5 g/h [22].

Un règlement sur les appareils de chauffage au bois vise à interdire, au Québec, la fabrication, la vente et la distribution d’appareils de chauffage au bois non conformes aux normes environnementales de l’Association canadienne de normalisation ou de l’United States Environmental Protection Agency (USEPA) [23] afin de réduire les émissions de particules fines dans le secteur résidentiel. L’USEPA compte réviser sa limite de particules fines à 2,5 g/h dans les prochaines années, ce qui accélérera la transition vers des systèmes plus efficaces et moins polluants. Il est important de distinguer le chauffage au bois traditionnel, sous forme de bûches, dans le secteur résidentiel d’une part, du chauffage résidentiel utilisant des granules ainsi que du chauffage du secteur des bâtiments commerciaux et institutionnels d’autre part : ces derniers sont plus efficaces et rejettent beaucoup moins de particules fines. Cette différenciation des technologies utilisées est importante, car le potentiel de développement du chauffage à la biomasse du secteur des bâtiments commerciaux et institutionnels est notamment élevé (voir section suivante) et ne devrait pas être limité par des considérations liées aux systèmes vétustes ou désuets.

Le GNR deviendra prochainement une solution de rechange pour les citoyens utilisant le gaz naturel (8 %). Les distributeurs offriront la possibilité d’acheter du GNR au lieu du gaz naturel pour notamment chauffer leur bâtiment. Les propriétaires de bâtiments résidentiels pourraient donc avoir une façon de réduire leur empreinte carbone sans modifier leur système de chauffage.

5.3.2 Bâtiment – Secteur commercial et institutionnel

Dans le secteur des bâtiments commerciaux et institutionnels, les bioénergies y étaient pratiquement absentes en 2016, même si 51 % de l’énergie utilisée dans ces bâtiments était consacrée au chauffage [20]. Le gaz naturel représentait 40 % de l’énergie utilisée, et la demande énergétique de ce secteur s’accroît rapidement.

Le GNR y est peu utilisé pour le moment, mais une forte croissance est possible pour les bâtiments utilisant déjà le gaz naturel comme source d’énergie pour le chauffage. À titre d’exemple, la Ville de Saint-Hyacinthe utilise le GNR qu’elle produit à partir de résidus organiques provenant de 25 municipalités et d'entreprises agroalimentaires de la région pour chauffer ses bâtiments. L’Université Laval est également devenue le premier grand établissement d’enseignement en 2019 à miser sur le GNR produit par la biométhanisation des déchets organiques de l’usine de Saint-Hyacinthe.

En outre, les plaquettes forestières et les granules de bois permettent d’obtenir une grande efficacité de combustion directe qui n’émet que très peu de particules fines. Plusieurs réseaux de chaleur à l’échelle communautaire ont été développés au Québec au cours des dernières années, alimentés en résidus forestiers et servant aux édifices publics; on peut citer notamment le cas de l’hôpital d’Amqui. Un autre exemple concret d'utilisation de biocombustibles solides dans le secteur commercial est celui de la chaufferie du Nordique Spa Stoneham, où des granules de bois torréfiés sont utilisés pour remplacer plus de 86 000 litres de propane par année. L'émission annuelle de l'équivalent de 129 tonnes de CO₂ est ainsi évitée grâce à ce projet inauguré en 2019.

5.3.3 Industriel

Le secteur industriel est celui qui consomme le plus d’énergie sous différentes formes (628 PJ en 2016) dont près de la moitié en électricité (49 %). Celle-ci sert surtout comme force motrice, mais quelques sous-secteurs industriels, les alumineries par exemple, utilisent l’énergie électrique comme intrant dans leurs procédés de transformation. Dans le bilan de 2016, la biomasse utilisée à des fins énergétiques par l’industrie (90 PJ) surpassait même les produits pétroliers d’environ 15 %. Pour sa plus grande part, cette utilisation correspond à la combustion de liqueur noire et autres biomasses résiduelles dans les usines de pâte de bois et les scieries.

En 2016, le gaz naturel répondait à 23 % des besoins du secteur industriel [20]. Le GNR, lorsque disponible, peut directement se substituer au gaz naturel. À titre d’exemple, L’Oréal achète uniquement, depuis 2017, du GNR pour ses installations au Québec.

Avec 12 % du bilan énergétique industriel, les produits pétroliers servent comme source de chaleur (propane et mazout) ainsi qu’au matériel roulant et aux génératrices sur les sites industriels éloignés (carburant diesel). Les deux raffineries de pétrole situées à Québec et à Montréal utilisent une fraction de leur matière première comme source de chaleur dans leurs procédés. Au Québec, le charbon est destiné à l’industrie métallurgique et répond à 2 % des besoins de l’industrie. Il est à noter que le gouvernement du Québec a pris l’engagement de limiter, voire d’éliminer, l’utilisation de charbon thermique sur son territoire d’ici 2030 par l’entremise de sa plus récente politique énergétique [5].

Au fil des années, plusieurs entreprises ont fait des efforts considérables pour diminuer leur consommation énergétique dans le but de réduire leurs coûts d’exploitation et leurs émissions de GES. Il faut également tenir compte du fait que parmi les grands émetteurs industriels se trouvent les fours à chaux et les cimenteries dont une partie importante des émissions de CO2 est d’origine minérale et donc en proportion directe avec la pierre qu’ils transforment. Ce genre d’émission est difficile à réduire. Cependant, une proportion non négligeable des émissions de GES de ces mêmes industries provient du combustible utilisé, souvent du coke de pétrole. Ce combustible peut être remplacé par des bioénergies. Par exemple, la cimenterie McInnis est actuellement en phase d’étude de faisabilité pour substituer la biomasse forestière résiduelle locale à près du tiers du coke de pétrole brûlé. Cette solution de rechange diminuerait significativement les émissions annuelles de GES de la cimenterie.

5.3.4 Transport

Selon les données compilées par la Chaire de gestion de l’énergie de HEC Montréal (voir Tableau 1), les bioénergies constituent moins de 2 % (8 PJ) de l’énergie consommée par le secteur des transports au Québec [20]. Le secteur des transports dépend lourdement des produits pétroliers (près de 98 % en 2016) et constitue l’un des principaux chantiers de décarbonisation du Québec. Les biocarburants offrent une solution de transition intéressante et immédiate, et ce, potentiellement à long terme, pour faire fléchir les émissions de GES alors qu’ils s’intègrent facilement aux approvisionnements sans ajout majeur d’infrastructures et de façon graduelle au fur et à mesure que leur disponibilité s’accroît. Ce constat est un élément abordé dans le rapport spécial sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5 °C du GIEC [6].

Les biocarburants peuvent donc se substituer graduellement à l’essence, au carburant diesel (grandement utilisé dans les secteurs agricoles, industriels et du transport lourd), au carburéacteur (aviation) ainsi qu’à d’autres combustibles fossiles liquides utilisés en transport tels que le mazout lourd (maritime). Par ailleurs, les travaux publiés dans le cadre du Projet Trottier pour l’avenir énergétique [24] suggèrent que les biocarburants seront particulièrement nécessaires au Canada au cours des prochaines décennies pour le transport lourd, pour lequel il n’existe pas de solution de rechange renouvelable viable à court et à moyen termes.

Les plus connus des biocarburants sont le biodiesel, le diesel renouvelable et l’éthanol [25]. Le Québec compte quatre usines de production commerciale de biocarburants et une installation de démonstration, qui produisent globalement environ 51 millions de litres de biodiesel et 175 millions de litres d’éthanol par année [20]. Selon le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles, les raffineurs québécois importent, pour différentes raisons, environ 275 millions de litres de biocarburants pour répondre à la demande intérieure actuelle [26]. La future usine Enerkem de Varennes, dont les travaux de préparation de site et de génie civil ont débuté à l’été 2019, transformera des matières résiduelles non recyclables en biocarburant (éthanol cellulosique) et devrait permettre d’ajouter jusqu’à 100 millions de litres d’éthanol à la production québécoise [27]. D’autres projets en cours, tels que Bioénergie La Tuque et l’agrandissement de la bioraffinerie de Varennes, pourraient augmenter la capacité de production québécoises à court terme [20].

Les biocarburants liquides ont l’avantage de réduire significativement les émissions de GES du secteur des transports tout en utilisant le réseau de distribution actuel et en n’exigeant aucune modification aux moteurs ou aux systèmes d’alimentation. Une récente étude publiée par Navius Research émet le constat, après analyse du cycle de vie, que l’éthanol vendu au Canada était en moyenne 52 % moins émissif de GES et que ce chiffre s’élevait à 87 % pour le biodiesel et le diesel renouvelable [28]. Au-delà de la réduction des émissions de GES, l’étude met également en lumière que la présence de la norme fédérale sur les biocarburants a eu pour effet de réduire de 0,42 % le prix à la pompe pour le consommateur. Mentionnons que l’ajout d’équipements de purification à l’urée installés sur les nouveaux moteurs industriels en réduit considérablement les émissions de NOX et de particules fines, ce qui permet une amélioration significative de la qualité de l’air dans les grandes agglomérations.

Le biodiesel est de plus en plus utilisé pour alimenter d’importants parcs de véhicules. Citons en guise d’exemple celui du service postal gouvernemental américain (United States Postal Service ou USPS) [29]. L’éthanol, quant à lui, est sans impact pour les moteurs jusqu’à une concentration de 15 %. Certains fabricants offrent également au Canada et au Québec une motorisation Flex fuel dont la concentration de biocarburant peut atteindre jusqu’à 85 %. La mise en disponibilité d’un carburant de ce genre par les raffineurs et les grossistes permettrait aux détaillants de le rendre accessible aux consommateurs québécois et ainsi de réduire considérablement les émissions de GES du parc automobile.

Les biocarburants liquides sont considérés comme un élément crucial de la transition énergétique en transport maritime et aérien, deux secteurs difficiles à électrifier et contribuant de façon non négligeable aux émissions de GES québécoises. Citons, en guise d’exemple, les efforts de la Marine américaine qui a mené, en 2016, au déploiement dans le Pacifique d’une flotte militaire alimentée en partie en bioénergie (Great Green Fleet) [30].

Le gaz naturel renouvelable (GNR) a également le potentiel d’aider à la décarbonisation du secteur des transports alors qu’il est appelé à remplacer le gaz naturel dans des parcs de véhicules à gaz naturel. Il constitue une solution particulièrement adaptée pour le transport lourd et moyen, alors que sa combustion produit moins de CO2 et de particules fines que les produits pétroliers, ce qui a l’avantage d’améliorer la qualité de l’air des centres urbains et aux abords des autoroutes tout en réduisant les émissions de GES de l’ordre de 15 à 25 % [31]. Cette baisse des émissions peut encore être accrue en augmentant la teneur en GNR du gaz naturel utilisé comme carburant pour véhicules jusqu’à être quasi carboneutre (99,4 %) [32]. C’est d’ailleurs une avenue qu’a empruntée la Ville de Saint-Hyacinthe avec ses 40 véhicules municipaux utilisant le GNR produit à son usine de biométhanisation [33].

Le Plan d’action 2017-2020 de la politique énergétique 2030 du gouvernement du Québec ainsi que le Plan d’action 2018-2023 de Transition énergétique Québec ont tous deux établi la nécessité de fixer une teneur minimale en biocarburant dans l’essence et le carburant diesel ainsi qu’en GNR dans le gaz naturel comme

mesure à instaurer [34, 35]. Le gouvernement a d’ailleurs adopté un règlement sur la quantité minimale de GNR en 2019, fixant une teneur minimale de 1 % de GNR en 2020 et de 5 % à l’horizon de 2025. Un règlement sur les biocarburants et le biodiesel est attendu incessamment.

Les deux plans proposaient également diverses mesures d’encouragement pour faire augmenter la production de biocarburants et de GNR au Québec ainsi que favoriser l’innovation dans ces secteurs. Citons à titre d’exemple les mesures suivantes :

 « contribuer au financement de la construction d’usines de démonstration de biocarburants » et « au financement des projets de biométhanisation des matières organiques » [35]; et

 « maintenir le crédit d’impôt remboursable pour l’éthanol et le biodiesel produits et livrés au Québec » [34].

5.4 Programmes existants visant à accélérer la transition vers les