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Optimisation du potentiel des bioénergies selon le type de biomasse

6.5.1 Biomasse forestière

La biomasse forestière est une source potentielle importante de matière première au Québec. En effet, la plupart des régions ont accès à une quantité importante de matière première. Environ 77,2 PJ seraient disponibles au Québec, en excluant la région de Montréal [45]. Les régions administratives les plus favorables au développement de la filière, selon Vision Biomasse [46], sont, sans ordre de priorité, les suivantes :

- l’Abitibi-Témiscamingue;

- le Bas-Saint-Laurent;

- Chaudière-Appalaches;

- le Saguenay–Lac-Saint-Jean; et - la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine.

Le potentiel de biomasse forestière sous forme de résidus primaires et secondaires est fonction du niveau d’activité d’aménagement et de transformation du bois passé et futur; ce niveau variera selon la vitalité économique du secteur forestier et des politiques visant ce secteur (p. ex. Stratégie nationale de production de bois).

Afin de répondre à la demande, il est important de pouvoir assurer à la clientèle un approvisionnement en matière première de qualité et en quantité suffisante. Actuellement, plusieurs régions ont développé un réseau structuré d’approvisionnement en biomasse forestière notamment autour de coopératives forestières.

Cependant, le manque de concurrence peut insécuriser la clientèle potentielle. Avoir accès à un seul fournisseur peut s’avérer problématique advenant le cas où celui-ci aurait des problèmes. De plus, la disponibilité des résidus forestiers dépend de la vitalité des activités d’aménagement visant la production d’autres produits (p. ex. sciage, pâte). Un nombre suffisant de projets de bioénergie est nécessaire afin d’avoir accès à plusieurs fournisseurs et à des professionnels compétents dans une même région.

Un aspect important de l’approvisionnement est d’avoir de la biomasse qui soit homogène, autant en taux d’humidité qu’en granulométrie. Puisque la qualité de la combustion est tributaire de ces facteurs, la qualité de l’approvisionnement est un facteur crucial pour un opérateur de chaufferie. Actuellement, au Québec, le manque de certification permettant d’assurer une qualité constante est problématique pour l’approvisionnement en plaquettes et en granules. La création d’une norme avec un cahier des charges pour les producteurs de biomasse permettrait d’assurer une qualité constante dans le temps (normalisation).

La biomasse forestière possède également des contraintes et des qualités intrinsèques. Sa faible densité énergétique ne lui permet pas d’être transportée à l’état brut sur de longues distances. De façon générale, un transport de la biomasse sur plus de 100 km sans transformation ou densification préalable (p. ex. production de granules ou de biocarburants) devient problématique. Des centres régionaux de collecte de la biomasse où

des activités de prétraitement (tamisage, séchage, densification) seraient réalisées permettraient de contourner ce problème [59].

Il est important de préciser que l’approvisionnement en résidus forestiers primaires peut être réalisé sans nuire à la productivité des sols. Les études réalisées au Québec montrent que la plupart des types forestiers peuvent supporter l’enlèvement des résidus d’aménagement sans conséquence sur la fertilité des sols, sauf en ce qui concerne les sites avec des sols à texture grossière, sableux ou pauvres en matières organiques [60].

La combustion directe de biomasse forestière résiduelle a un grand potentiel de réduction des émissions de GES à court terme. La maturité technologique, la quantité de biomasse disponible à court terme et les nombreux fournisseurs d’équipements permettent un déploiement rapide afin d’atteindre des cibles de réduction des émissions de GES d’ici 2030. Selon Vision Biomasse Québec, le potentiel de combustion directe d’ici 2025 est de 4 000 GWh (14,5 PJ), la biomasse forestière résiduelle se substituant à 400 millions de litres de combustible fossile [46]. L’obtention de la réduction des émissions de GES avant 2030 grâce à cette filière, de même que ses capacités à améliorer l’économie par la création d’emplois en région, en fait une filière d’intérêt à court et à moyen termes.

La biomasse forestière est également un intrant important pour les biocarburants. Le projet Bioénergie La Tuque (BELT) est présentement à l’étude et vise une capacité de production annuelle de 200 millions de litres de biodiesel en 2023. Ce projet, à terme, serait un des plus grands du Canada avec une production équivalant à 7 % de la consommation de diesel au Québec [20, 61].

La prochaine usine d’Enerkem à Varennes valorisera également la biomasse forestière, en plus des matières résiduelles des secteurs de la construction et des plastiques non recyclables. L’usine Enerkem produira 95 millions de litres d’éthanol par an.

Les résidus forestiers offrent, selon l’étude de WSP et Deloitte, le plus grand potentiel pour la production de GNR à l’horizon 2030 grâce aux technologies de seconde génération [42]. Le rapport produit par Aviséo Conseil estime que la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, avec l’abondance de sa ressource forestière et la présence du gazoduc d’Énergir, compte pour 37 % du potentiel total de production de GNR [43]; la Mauricie, l’Abitibi-Témiscamingue et le Nord-du-Québec présentent également un potentiel important. Étant donné les avancées technologiques nécessaires pour déployer cette technologie, ce sujet sera abordé plus en détail à la section 6.7 (Potentiel d’innovation technologique).

6.5.2 Biomasse agricole

Tel que la section 5.1 en faisait mention, la biomasse agricole peut être classifiée selon trois types de résidus : les résidus de cultures, les résidus de l’industrie agroalimentaire et les résidus de l’élevage (graisses, fumier, lisier ou fientes). Elle peut être utilisée pour générer des biocarburants ou du GNR.

L’étude de WSP et Deloitte considère uniquement la biomasse agricole végétale dans le potentiel technico-économique de 2018, qu’elle estime à environ 15 millions de gigajoules [42]. Il ne faut toutefois pas limiter les projets de biométhanisation à la biomasse agricole végétale, car la biomasse agricole animale (le fumier de bovins, le lisier de porcs et les fientes de poules et de poulets) a un potentiel technique estimé à environ 10 PJ [42]. Il est vrai que le potentiel méthanogène du fumier est plus faible que celui des résidus de cultures, mais le mélange de plusieurs types de biomasse, y compris le fumier, peut favoriser une augmentation de la production de biocarburant ou de GNR. D’ailleurs, plusieurs projets de biométhanisation de type agricole mixte (animal et végétal) et ICI (industries, commerces et institutions) se développent actuellement au Québec. C’est le cas du projet de coopérative énergétique à Warwick de COOP Carbone, où le fumier de plusieurs fermes de

la région et les résidus de fromageries locales seront utilisés pour générer du GNR qui sera directement injecté dans le système d’alimentation d’Énergir [62].

Les projets doivent idéalement être localisés à proximité du gazoduc ainsi que dans une région où la ressource agricole est abondante (pourcentage des terres agricoles et densité des fermes élevés). Les régions de la Montérégie, du Centre-du-Québec, de Lanaudière et de Chaudière-Appalaches présentent le potentiel le plus important [43]. Il sera toutefois plus complexe de développer des projets de biométhanisation dans les régions peu desservies par le réseau de gaz naturel, à moins qu’une industrie consomme localement le GNR. Des options de transport par camion sont présentement en phase de déploiement dans ces régions. Il est également important de noter que le potentiel de développement des projets de biométhanisation est étroitement lié aux critères d’implantation du MELCC, qui incluent notamment des distances séparatrices importantes des habitations. Tel qu’on l’a suggéré à la mesure phare 7, certains aspects liés aux lignes directrices de la biométhanisation du MELCC pourraient être revus pour maximiser le potentiel de développement des projets.

Les biocarburants représentent une autre voie de valorisation intéressante pour la biomasse agricole, car ils se substituent à des carburants transigés à fort prix (essence, diesel, carburéacteur). Le Québec compte plusieurs usines de biodiesel en activité, dont l’usine de la société Rothsay (Sainte-Catherine) qui produit 45 millions de litres de biodiesel annuellement à partir de résidus agroalimentaires (graisses animales et huiles de fritures recyclées) [20, 63]. Quant à l’éthanol, l’usine Greenfield de Varennes en produit 175 millions de litres par an à partir de maïs (dans le cadre d’un processus de production d’huile de maïs et de drêche de distillerie) [20, 64].

6.5.3 Biomasse urbaine

Le potentiel de la biomasse urbaine est également estimé par l’étude de WSP et Deloitte [42], et celle-ci peut être utilisée pour générer des biocarburants liquides, du biogaz ou du GNR. Les lieux d’enfouissement technique (LET) représentaient un potentiel technico-économique d’environ 7,5 PJ en 2018 [42]. La production de gaz des LET se déroule généralement sur une période de 20 à 50 ans. Le captage et le traitement de ce biogaz permettent de produire du GNR qui peut être injecté dans le gazoduc. Il est également possible de créer du biocarburant à proximité d’un LET. Le programme du PTMOBC, plusieurs fois abordé dans divers gabarits de mesures phares (voir Annexe 1), a permis le développement de plusieurs projets de biométhanisation au Québec.

La biomasse issue du traitement des eaux usées résidentielles, la biomasse issue de l’industrie agroalimentaire et la biomasse résidentielle résiduelle représentent également un potentiel technique d’environ 3 PJ qui continuera d’augmenter au fil des prochaines années [42]. Ces matières résiduelles sont utilisées pour produire du biogaz, des biocarburants et du GNR. Les résidus agroalimentaires sont également utilisés dans les projets de biométhanisation agricole en vertu de son potentiel méthanogène élevé.

Les déchets non recyclables peuvent également être une source d’approvisionnement pour les bioénergies.

L’entreprise québécoise Enerkem produit à faible coût des biocarburants à partir de ce type de déchets. La future usine de l’entreprise à Varennes transformera ce type de matières résiduelles en éthanol cellulosique et devrait en produire jusqu’à 95 millions de litres par an [27, 65].