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3. Les données.

3.1. Données sociales, culturelles et économiques.

3.1.1. Une réalité physique, économique et humaine fragmentée.

Fig. 3.1.1.1 : Reconstitution virtuelle de la mer intérieure.

Les cartes peuvent être consultées dans le document « Annexe 2 ».

Le climat de la région est de type océanique tempéré, sans gros écarts de température, avec une très forte pluviosité (1800 a 4000 mm). Les sols fertilisés et allégés par les cendres volcaniques se prêtent à l’agriculture et à l’élevage, mais sont sujets à des phénomènes de « wash-out »

(lessivage) et, dans les zones montagneuses, à des éboulements parfois meurtriers.

La région se situe en plein dans les

Malgré tout, la mer intérieure fournit une protection relative et a facilité les échanges de tout temps. Les excavations de Tom Dillehay (Université de Kentucky) à Monte Verde (près de Puerto Montt) mettent en lumière le site comme l’un des plus anciennement habités des Amériques1

et ont sérieusement relancé le débat sur les hypothèses de peuplement.

La population se concentre sur les pourtours accessibles de la mer intérieure et sur les îles, sauf dans le cas des contre-forts andins au sud-est de Puerto Montt et dans la province de Palena séparés par d’étroites vallées et descendant souvent à pic dans la mer. La côte Pacifique, inhospitalière et accidentée, est également peu peuplée, à l’exception notable des villages de pêcheurs de Maullín et Carelmapu (province de Llanquihue).

Les trois provinces ont des origines historiques très différentes qui exercent encore des effets permanents sur leur structure économique, culturelle et sociale.

La grande île de Chiloé (200 x 50 km)

est une ancienne colonie espagnole du XVIe siècle où ont eu lieu des processus complexes d’échanges transculturels. L’île côtière de Calbuco, proche de Puerto Montt, est une colonie fondée par les Espagnols en provenance d’Osorno, rescapés du grand soulèvement indigène de 1602, fonctionnant comme avant- poste de Chiloé mais développant certaines caractéristiques et prérogatives propres (participation des indigènes aux milices par exemple).

La province de Llanquihue, longtemps une marche vidée de ses habitants par les conflits opposant les espagnols et les indigènes, a été ouverte par le gouvernement comme territoire de colonisation au milieu du XIXe siècle. Les colons allemands et suisses, partant de Puerto Montt, y ont développé

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Les résultats préliminaires et à confirmer des dernières campagnes de fouilles feraient remonter la chronologie de la présence humaine sur le site aux alentours de –33 000, soit largement avant les dates proposées pour les migrations passant par le détroit de Béring. Pour une compilation sur la controverse très animée autour de ce sujet:

http://archaeology.about.com/library/excav/blmonteverde.htm Fig. 3.1.1.3 : Principales influences historiques sur la

l’agriculture et l’élevage commerciaux, avec l’appui de capitaux européens. D’autres tentatives d’implantation de colons à Chiloé n’ont pas toujours connu le même succès1.

Sur la côte pacifique et dans l’estuaire de la rivière qui draine le lac Llanquihue, zones exposées aux intempéries et moins propices à l’agriculture, on trouve les communautés de pêcheurs de Maullín et Carelmapu.

On a observé au XXe siècle une certaine migration intérieure de populations fuyant la misère et les spoliations de terres en direction des secteurs les moins accessibles de la province de

Llanquihue comme de la province de Palena. Cette dernière, à l’écart, n’est accessible que partiellement par la route, et ce depuis seulement quelques années. C’est une zone

montagneuse qui est restée longtemps inhabitée, où l’on distingue deux communes côtières,

Hualaihué et Chaitén, et deux communes à l’intérieur abritant des postes-frontière, Futaleufu

et Palena.

En fonction des carences locales et des besoins en main d’œuvre, les habitants de Chiloé vont eux aussi essaimer aussi loin que la Terre de Feu et la côte atlantique de l’Argentine.

L’écrivain Francisco Coloane (1910 – 2002) nous a laissé quelques récits impressionnants sur la vie des « puesteros » et chasseurs de phoques du grand sud qu’il a côtoyé dans sa jeunesse2.

Traditionnellement, les activités agricoles sont basées sur la micro-entreprise familiale, une agriculture en mode semi-autarcique basée sur la pomme de terre et le bétail mineur. Sur les côtes de la mer intérieure, un complément important est assuré par la pêche et surtout la récolte de fruits de mer, dont l’exploitation commerciale a vu se développer en parallèle la fréquence des accidents de plongée et de décompression. Consulter par exemple, à ce sujet : Rosas G. J. et al. (2000).

Des cycles de marée rouge (algues toxiques) viennent compromettre épisodiquement l’équilibre nutritionnel et économique des communautés côtières. Celui des habitants des communes andines est parfois précarisé par les hivers rigoureux. Le recours peu spécialisé à plusieurs sources de nourriture alternatives (agriculture, élevage de bétail mineur, produits de la mer) a toujours été un facteur de sécurité alimentaire dans ce contexte.

pacifique de Llanquihue (« cordillère de la côte »), entraînant ses propres risques spécifiques, de même que les fréquents glissements liés à la forte déclivité des terrains.

Ces dernières années ont vu un très important essor de l’aquiculture du saumon, à la recherche d’eaux propres sur les côtes de la mer intérieure.

Fig. 3.1.1.4: Cages à saumon dans un fjord près de Hualaihué.

Cet essor s’est accompagné de l’installation de centres de conditionnement du poisson comme d’infrastructures de soutien logistique, mais parfois les infrastructures publiques n’ont pas suivi et se voient surchargées, ce qui est le cas pour les routes et les centres de santé de Chiloé. Les ressources additionnelles (augmentation notable du parc automobile) et le trafic accru de camions ont augmenté de façon remarquable le nombre d’accidents de la route, phénomène que l’on retrouve d’ailleurs globalement dans tout le pays (Annexe 5).

Il existe à Chiloé d’intéressantes tentatives de diversification des fermes aquicoles, avec la conchyliculture notamment, mais celle-ci ne joue pour l’instant pas encore un rôle de premier plan.

On assiste parallèlement au développement des activités touristiques, notamment à Puerto

Varas et Frutillar (province de Llanquihue). A un tourisme traditionnel de villégiature en

janvier, février et mars, sont venues s’ajouter des activités dites « d’écotourisme » et sportives (trekking, rafting, kayaking, randonnées, pêche sportive, etc.) appuyées sur un important réseau de parcs nationaux comme sur l’initiative privée, et exerçant un attrait international.

Relevons au passage que la vocation touristique de la région a été identifiée et développée en premier lieu par le fils de Kaspar Jakob (Santiago) Roth, Ricardo Roth, qui fonda en 1913 la première entreprise de voyages du pays, Andina del Sud, mettant en valeur l’ancienne voie de transport lacustre vers la pampa argentine qui traverse le lac Todos los Santos.

On observe récemment aussi une discrète initiative pour développer le tourisme à la ferme à Chiloé et sur les îles, doublée de la mise en valeur des traditions culturelles spécifiques à l’île. Un projet de la Banque Interaméricaine de Développement, qui vise à la potentialisation de la vocation touristique de l’île, est actuellement en cours d’étude.

Les besoins spécifiques du tourisme, qui recherche une nature préservée et limpide, doivent motiver des choix à faire par rapport à l’exploitation forestière du bois natif, mais aussi par rapport à l’aquiculture intensive du saumon dans un certain nombre de cas.

Cette vocation touristique appuyée sur une croissance viable est mise en exergue dans la stratégie régionale de développement élaborée par le Mideplan.

Fig. 3.1.1.5 : Kaspar Jakob (Santiago) Roth

(1850 – 1924), de Herisau (Appenzell - Rhodes Extérieures). Paléontologiste et grand explorateur de la Patagonie, il fut élève de Carl Vogt à Genève. Certaines des collections qu’il a réunies se trouvent au Muséum de Zürich.