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3. Les données.

3.1. Données sociales, culturelles et économiques.

3.1.2. Les communautés rurales : l’apanage du service public.

3.1.2.1. Situation générale.

On peut consulter pour une référence étendue : le profil de santé du pays dans l’annexe 5 de ce travail, une récente description du système de santé du Chili avec la rétrospective des réformes (Manuel A. 2002) et aussi le rapport détaillé du PAHO : Profile of the Health Systems in Chile : http://www.americas.health-sector-reform.org/english/clhmchipr.htm.

Suite aux réformes des années 80, le système de santé du Chili s’articule sur quatre niveaux de structure (Peppers S. 2001):

• Le niveau de la régulation est géré par le Ministère de la Santé.

• Le niveau du financement comprend trois sources : l’Etat, les salariés et les entreprises. • Le niveau des assurances comprend quatre secteurs : 1) celui des forces armées, qui

couvre entre 3 et 4% de la population ; 2) celui de FONASA, organisme étatique, couvrant 65% de la population ; 3) le secteur des institutions privées (ISAPRES) qui couvrent environ 25% de la population, et 4) le secteur des mutuelles, qui intervient à plusieurs niveaux dans la fourniture de services. La couverture des forces armées et de FONASA revient au secteur public et se finance par des apports directs de l’Etat et par un

prélèvement de 7% sur les salaires. Les ISAPRES et les mutuelles appartiennent au secteur privé et se financent aussi, en partie, par un prélèvement sur les salaires. Les mutuelles reçoivent aussi un financement de la part des entreprises.

• Le niveau de la prestation de services : d’une part on trouve le secteur public, avec les hôpitaux des forces armées, du Service National de Santé, et les centres de soins

ambulatoires. D’autre part, on trouve le secteur privé avec des cliniques et des centres de consultations médicales, et les mutuelles avec les cliniques orientées vers les accidents de travail et les maladies professionnelles.

Selon les méthodes de calcul et les chiffres employés par les différents auteurs, la dépense annuelle totale du secteur privé (4% du PIB) pour 1998 se situait entre 500 et 900 USD per capita, celle du secteur public (2.5% du PIB) se situait entre 210 et 250 USD. La

dépense du secteur public a connu un maximum historique en 1973 avec 3.5% du PIB, et un minimum historique pendant les années 80 avec 0.85% (González Dagnino A. 1999). Bon nombre d’observateurs s’accordent à penser que le système public n’a pas retrouvé le niveau de fonctionnement qu’il avait jusqu’au début des années 70.

En termes de distribution géographique, la totalité des infrastructures médicales –certaines fort modernes et bien équipées- et administratives du système privé se situent dans les

centres urbains. Cette situation est liée au fait que le secteur s’est développé selon le principe

de l’offre et la demande : C’est dans les agglomérations que se trouve la plus forte proportion de patients solvables en termes de services de santé privés, les catégories dites moyennes à aisées de la population.

Le reste de la population –et notamment la population rurale- est couverte par le système public, qui a hérité de l’infrastructure vieillissante de l’ancien Service National de Santé. Les soins primaires ont été « municipalisés » lors des reformes de la fin des années 80 et le début des années 80, c’est à dire que la responsabilité formelle des soins primaires et une partie des charges de leur financement ont été transférées aux structures municipales. Les résultats de cette réforme sont mitigés et contestés (voir le chapitre consacré au débat politique actuel), l’accord semble se faire sur le fait que la « création de marché » espérée sur la base d’une subdivision par fonctions et par unités géographiques distinctes n’était pas au rendez-vous.

En règle générale, plus la commune est rurale, plus la proportion d’affiliés au système public (et des non affiliés, en général indigents, également couverts par le service public) est

importante (Fig. 3.1.2.1.1).

Affiliation au service public et ruralité

La surface des points est proportionnelle à la population dans la commune

Frutillar Maullín Calbuco Fresia Chonchi Quemchi Los Muermos Hualaihué Curaco de Vélez Cochamó Quinchao Dalcahue Pto Varas Castro Ancud Pto Montt 70 75 80 85 90 95 100 0% 20% 40% 60% 80% 100% Affilié s FONASA + Non a ffilié s a u x ISAPRES en %

Sur ce graphique, remarquons que les communes côtières et rurales de la province de

Llanquihue (Fresia, Maullín, Calbuco, Los Muermos) présentent une proportion supérieure d’affiliés au secteur public, par rapport aux communes rurales de l’île de Chiloé. Trois de ces communes (Fresia, Maullín et Los Muermos) connaissent un exode rural important et une diminution de leur population entre 1992 et 2002 : leurs économies demeurent en marge des transformations économiques que vit la région.

A l’inverse, Puerto Varas et Frutillar sortent du lot en raison d’un nombre important d’affiliés au secteur privé (ISAPRES) : Il s’agit de lieux de villégiature à population aisée et aux activités orientées vers le tertiaire. Les apparences sont trompeuses pourtant : pour Puerto Varas, en raison de l’extension de la commune dans la cordillère (plus de 100 km.) il existe une population rurale de plus de 8000 personnes dont une partie a des

conditions d’accès difficiles proches de celles qu’on rencontre un peu plus bas le long de la chaîne andine, à Cochamó, Hualaihué, Chaitén,

Futaleufu ou Palena. (voir chap. 2.3)

En somme, la population rurale se caractérise du point de vue couverture de santé par une immense majorité d’affiliés et dépendants du service public.

Fig. 3.1.2.1.2 : Distribution géographique

du taux d’affiliés à FONASA (public) plus divers (indigents) pour les communes où ces données sont disponibles.

3.1.2.2. Profils d’affiliation à FONASA (public) ou aux ISAPRES (privé).

L’ensemble des corrélations pour la variable « affilié aux services publics » permet de définir un profil-type de l’usager (Tableau 3.1.2.2.a). On remarque en premier lieu qu’il s’agit d’un ensemble de corrélations moyennes à faibles, avec peu d’éléments saillants. Cette population est donc elle-même très diverse ; les éléments spécifiques seront repris dans la discussion plus loin dans le texte. nous remarquons cependant une corrélation inverse avec les paramètres de revenu du foyer, de consommation (possession d’une machine à laver) et d’accès aux services de voirie (égouts). L’affilié-type au système public participe à des réunions sociales, perçoit des subsides et a tendance à se trouver en état de santé moyen, voire souffrant d’un handicap.

Le profil de l’assuré privé (tableau 3.1.2.2.b) tranche singulièrement avec celui de l’affilié aux services publics : En premier lieu il existe un groupe de corrélations plus fortes et plus

significatives, ce qui laisse entrevoir un groupe plus « pointu ». Il y a une forte corrélation avec le niveau de revenu, et une bonne corrélation avec les éléments de consommation, de niveau de vie, et d’équipement (voirie). L'affilié aux ISAPRES se sent en bonne santé, ce qui semble en rapport avec son niveau de consommation, et se trouve de préférence dans les endroits qui sont le but de la migration de la population dans la décennie. Il existe une corrélation inverse avec

Tableau 3.1.2.2.a : Corrélations significatives de "Affilié à FONASA (public)".

Item Coeff corrélation r (Pearson) p (2-tail) N coeff détermination r2

Affilié ISAPRES (privé) -0.565 0.023 16 0.319

Participe à des réunions sociales 0.565 0.023 16 0.319

Subsides en % du revenu 0.547 0.028 16 0.299

1-3.5 km au centre de santé -0.539 0.031 16 0.291

Perception état de santé moyen 0.536 0.033 16 0.287

Pop avec service d'égouts -0.53 0.042 15 0.281

Perception bon état de santé -0.524 0.037 16 0.275

Perception subj d'un handicap 0.522 0.038 16 0.272

Consultations med urg / hab / an -0.513 0.042 16 0.263

Possède une machine à laver -0.51 0.044 16 0.260

Revenu autonome du foyer -0.509 0.044 16 0.259

foyer. Relevons que les informations sur la consommation de ressources de santé des affiliés au secteur privé sont absentes dans les séries étudiées.

Tableau 3.1.2.2.b : Corrélations significatives de "Affilié aux ISAPRES (privé)".

Item coeff corrélation r (Pearson) p (2-tail) N Coeff détermination r2

Revenu autonome du foyer 0.823 0 16 0.677

Perception état de santé moyen -0.748 0.001 16 0.560

Perception bon état de santé 0.723 0.002 16 0.523

Percept état de santé moy a mauvais -0.719 0.002 16 0.517

Pop avec service d'égouts 0.691 0.004 15 0.477

Taux de var de la pop 92-02 0.686 0.003 16 0.471

Possède une machine à laver 0.685 0.003 16 0.469

Subsides en % du revenu -0.639 0.008 16 0.408

Analphabétisme (h + f) -0.606 0.013 16 0.367

Affiliés autres -0.595 0.015 16 0.354

Possède un frigo 0.579 0.019 16 0.335

Analphabétisme (hommes) -0.575 0.02 16 0.331

Affilié Fonasa (public) -0.565 0.023 16 0.319

3.1.2.3. L’offre et la demande des professionnels de santé.

En 1999 (Peppers S. 2001), les 2/3 des heures médicales travaillées l’ont été dans le cadre du système privé, qui offre des rémunérations significativement plus élevées.

Les salaires proposés par le secteur public étant fort modestes en comparaison, la plupart des

médecins actifs dans le secteur public trouvent un complément significatif de revenus grâce à une deuxième activité dans le secteur privé en ville.

Cette situation rend comparativement peu attirants les postes dans le secteur public de médecine rurale en raison de l’absence de clientèle solvable et de possibilités de revenu complémentaire à la campagne. Objet d’un tournus important, les postes de médecins ruraux restent chroniquement difficiles à pourvoir malgré quelques modestes efforts pour améliorer la compensation. On constate également des difficultés à trouver des travailleurs paramédicaux ruraux qualifiés, notamment des infirmiers et infirmières dont il existe une pénurie dans tout le pays.

Un enjeu important pour l’amélioration de l’offre de prestations de santé en milieu rural consistera donc en la création d’un ensemble de conditions techniques et pécuniaires qui rendront cette activité plus attirante et stimulante pour les professionnels de santé, se profilant en plein dans un plan de carrière et non comme une solution d’attente.

Enfin, il est essentiel de tenir compte des différences de présence du secteur privé dans les villes et les campagnes lors de l’interprétation des données : En effet, les différences dans

l’offre et la consommation de services de santé entre ville et campagne sont encore plus grandes qu’elles n’apparaissent dans les seules statistiques collectées par le secteur public

3.1.2.4. Des services publics concentrés en zone urbaine.

Le service national de santé du Chili a été conçu et développé autour de méthodes centralisées et des hiérarchies pyramidales caractéristiques de la première moitié du XXe siècle, comme un peu partout ailleurs dans le monde. L’idée fondamentale derrière ce type d’organisation est de réaliser une concentration optimale des ressources lourdes et onéreuses dans quelques centres, permettant en principe une optimisation et une rationalisation de leur emploi. Les spécialistes s’activent essentiellement dans les grands centres hospitaliers, les patients sont « triés » dans des centres périphériques avec un équipement relativement léger. Il y a relativement peu d’échanges entre les différentes structures périphériques de même niveau. Il existe aussi un clivage entre structures périphériques municipales et structures centrales dépendant des services de santé régionaux, interface où les tensions peuvent s’accumuler.

Le rôle du généraliste se cantonne souvent dans le suivi du patient et les consultations de médecine préventive, le patient étant fréquemment référé au spécialiste pour des questions spécifiques. Ces dernières années ont vu l’essor en prestige et en capacité de gain des spécialités, en raison inverse du devenir des généralistes.

La présence du système national de santé dans les zones rurales est assurée par des infirmeries et postes de soins visités périodiquement par des équipes tournantes multidisciplinaires qui assurent les contrôles de base (médecine préventive, contrôles des traitements, contrôles gynécologiques assurés par les sage-femmes, surveillance nutritionnelle et pédiatrique…).

Centre hospitalier : Chirurgie, urgences vitales, consultations spécialisées (deuxième niveau) Centre de santé municipal, hôpital rural ou consultation de quartier (premier niveau). Infirmerie de terrain Infirmerie de terrain

Conventions occasionnelles avec les services privés (en ville): sous-

traitance des urgences, du laboratoire, de certains examens complémentaires lorsqu’ils ne sont pas disponibles dans le secteur public

Equipe mobile rurale : médecin, accoucheuse, nutritionniste, pharmacien…

Fig. 3.1.2.4.1 : Organisation schématique du système

Le système de santé a toujours mis l’accent sur la prise en charge des femmes enceintes et des enfants. De ce fait la collecte des données sur l’état de santé de ces catégories est apparemment la plus régulière, et dans nombre de cas la principale source de renseignements disponible.

Bien entendu, la structure pyramidale de l’ancien Service National de la Santé a rendu

d’importants services dans la lutte contre les maladies infectieuses notamment, mais ses limites et sa rigidité sont apparues de plus en plus évidentes au fil du temps, alors que le système connaît encore de sérieux déboires de financement. En outre, la nécessité d’adresser

fréquemment les patients à des centres urbains de grande taille (et les séjours qui y sont liés) pose de véritables problèmes aux familles dans les zones rurales.

Nous n’écrirons pas à nouveau ici l’histoire des problèmes intrinsèques à la centralisation et la taille même des Centres Hospitaliers, mais la nécessité de nouvelles solutions se fait de plus en plus sentir.