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UNE PROTECTION SYMBOLIQUE CONTRE LE LICENCIEMENT

SECTION I UNE PROTECTION RENFORCÉE DE L’EMPLOI DE LA FUTURE MÈRE

A- UNE PROTECTION SYMBOLIQUE CONTRE LE LICENCIEMENT

Dès la prise en compte par le droit du travail national de la salariée enceinte, initialement dénommée « femme en couche », le législateur est venu garantir un droit à conservation de l’emploi pour cette dernière. En effet, lorsqu’est adoptée la première grande loi relative à la protection de la maternité, cette dernière vient, dans un article unique, inscrire le principe selon lequel, la période de suspension du contrat de travail de la femme accouchant ne saurait être à l’origine de la rupture de son contrat de travail117. Or, par une telle consécration, le législateur marque, dès 1909, son intention de protéger de façon réelle l’emploi de la salariée mère. Intention constamment réitérée, sous l’impulsion du législateur européen mais aussi international.

En effet, depuis 1919, l’ONU n’a eu de réaffirmer un certain nombre de principes protecteurs en la matière. Ainsi, pour l’ONU, le licenciement d’une salariée fondé sur son souhait de parentalité, peut être particulièrement préjudiciable pour elle dans la mesure où «

une baisse du revenu consécutive à la perte d’un emploi signifie moins de ressources disponibles pour élever un nouveau-né », ce qui, en l’absence d’offre de soins abordable,

peut se traduire à terme par « une augmentation, qui aurait pourtant pu être évitée, de la

mortalité maternelle et infantile »118. Ainsi, l’OIT s’est engagée dans une lutte étendue de l’emploi de la femme travailleuse. À ce titre, celle-ci est venue offrir une immunité à la travailleuse enceinte en affirmant que « les responsabilités familiales ne peuvent, en tant que

telles, constituer un motif valable pour mettre fin à la relation de travail »119. Or, cette immunité est d’autant plus importante qu’elle n’a eu de cesse d’être réaffirmée. Ainsi, à titre d’exemple, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes enjoint aux Etats d’interdire, sous peine de sanction, « le licenciement pour

cause de grossesse ou de congé de maternité » et la discrimination fondée sur le statut

matrimonial120. De plus, si les premières conventions relatives à la protection de la maternité se bornaient à prohiber les licenciements des femmes durant la période du congé maternité, ce dispositif a été étendu en 2000. Depuis, il est strictement interdit à l’employeur de licencier une femme pendant sa grossesse, son congé maternité, mais également « pendant

L. 27 nov. 1909, garantissant leur travail ou leur emploi aux femmes en couches.

117

BIT, Service des conditions de travail et de l’emploi, « Kit de ressources sur la protection de la maternité »,

118

Genève, 2012.

Art. 8, Conv. n°156, sur les travailleurs ayant des responsabilités familiales, 23 juin 1981.

119

Art. 11, Conv. sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, 18 déc. 1979.

une période suivant son retour de congé à déterminer par la législation nationale, sauf pour des motifs sans lien avec la grossesse, la naissance de l'enfant et ses suites ou l’allaitement »

et la charge de la preuve en la matière incombe à l’employeur121.

Néanmoins, le législateur international, n’est pas seul ouvrier de la construction des remparts renforçant le droit de la salariée mère d’être protégée dans son emploi. En effet, au niveau européen, la Charte Sociale Européenne, considérée comme une composante essentielle de l’architecture des droits de l’homme en Europe, vient, parmi les trente-et-un droits sociaux qu’elle édicte, poser le principe selon lequel, « les travailleuses, en cas de maternité, ont

droit à une protection spéciale »122. En outre, au titre de cette protection spéciale, les Etats signataires s’engagent à « considérer comme illégal pour un employeur de signifier son

licenciement à une femme pendant la période comprise entre le moment où elle notifie sa grossesse à son employeur et la fin de son congé de maternité, ou à une date telle que le délai de préavis expire pendant cette période »123. Dès lors, cette dernière réaffirme les principes internationaux précités en protégeant de façon accrue le contrat de travail liant la salariée souhaitant accéder à la parentalité et son employeur.

Par ailleurs, de tels principes sont également réaffirmés au niveau de l’Union Européenne. En effet, la Charte des Droits Sociaux Fondamentaux de l’Union pose notamment un principe général de protection à l’égard de tout licenciement injustifié124. De plus, au-delà de ce principe généralement exposé, le législateur revient sur cette protection en inscrivant explicitement un principe spécifique de protection des mères contre le licenciement, comme pour en souligner le particularisme ou du moins l’importance. Ainsi, « toute personne a le

droit d'être protégée contre tout licenciement pour un motif lié à la maternité »125. En outre, le législateur européen n’a eu de cesse d’étendre l’importance d’une telle protection. À titre d’exemple, en 1992, ce dernier adopte une directive relative à la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes,

Art. 8, Conv. OIT n°183, sur la protection de la maternité, C183, 15 juin 2000.

121

Part. 1, 8, Charte Sociale Européenne, 3 mai 1996.

122

Art. 8, ibid.

123

Art. 30, Charte des Droits Sociaux Fondamentaux de l’Union Européenne, 2016/C 202/02, 7 janv. 2016.

124

Art. 33, ibid.

accouchées ou allaitantes au travail au sein de laquelle il énonce que « les États membres

prennent les mesures nécessaires pour interdire le licenciement des travailleuses »126.

Dès lors, c’est fort des engagements le transcendant que le législateur national a entendu également reconnaître une immunité de la salariée donnant la vie, pour que travail et parentalité s’équilibrent. Ainsi, ce dernier a posé le principe selon lequel, l’employeur « ne

peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté, pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, et au titre des congés payés pris immédiatement après le congé de maternité ainsi que pendant les dix semaines suivant l'expiration de ces périodes »127.

Nul doute ne peut être formulé quant à l’attachement national à une telle protection dans la mesure où cette dernière constitue un principe général du droit du travail aux yeux de la Haute juridiction administrative128. L’employeur récalcitrant se livrant au licenciement d’une salariée en méconnaissance des principes exposés, s’expose à voir ce dernier sanctionné de nullité. En outre, conformément aux dispositions transnationales et européennes, l’employeur doit impérativement communiquer au juge l’ensemble des éléments lui permettant de justifier objectivement la rupture contractuelle de la salariée enceinte129. Ainsi, le législateur national, dans sa quête d’un rééquilibrage de la relation contractuelle unissant la salariée-mère subordonnée à son employeur directeur, vient s’ériger en réel garant de la parentalité en entreprise. Dès lors, « lorsqu'un doute subsiste, il profite à la salariée

enceinte »130, ce qui fait pencher la balance du côté de la salariée en cas de doute du juge, qui conserve son appréciation souveraine en la matière. Par ailleurs, si les juges ont longtemps été hostiles à la réintégration de la salariée131 licenciée en méconnaissance des principes exposés132, aujourd’hui une réintégration dans son emploi, ou à défaut, dans un emploi

Art. 10, Dir. 92/85/CEE, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la

126

sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail, 19 oct. 1992. Art. L. 1225-4, C. Trav.

127

CE, Ass, n°80232, 8 juin 1973, Publié au recueil Lebon.

128

Art. L. 1225-3, al. 1, C. Trav.

129

Art. L. 1225-3, al. 2, C. Trav.

130

LAHALLE (T.), « Maternité », JurisClasseur Travail Traité, Fasc. 28-30, [en ligne], 31 mai 2010, actualisation

131

28 mars 2018, [consulté le 10 mai 2019]. Cass. soc., 19 nov. 1996, n°93-40.509, Inédit.

équivalent, est de droit lorsque la salariée en fait la demande133. De plus, ces derniers étendent considérablement la protection dévolue à la mère en considérant, qu’au-delà de l’interdiction de notifier son licenciement à une salariée en état de grossesse ou dans la période suivant la naissance de son enfant, il est également strictement interdit de réaliser des mesures préparatoires à une telle décision, telles que le remplacement de la salariée avant l’échéance de la période la protégeant134.

Ainsi, l’immunité conférée à la salariée enceinte est étendue. Toutefois, cette dernière n’est, bien évidemment, pas absolue (B).