SECTION II UNE PROTECTION RENFORCÉE DE LA SANTÉ DE LA FUTURE MÈRE
A- LA NAISSANCE D’UN DROIT A AMÉNAGEMENT DU TRAVAIL
La plupart des femmes travaillent pendant une partie de leur grossesse. Dès lors, entre la conception de l’enfant à naître et l’accouchement, « la femme enceinte pourra être
confrontée dans son environnement professionnel à différents risques pour sa santé ou celle de l’enfant à naître »182. Ces risques varient au gré de l’avancement de la grossesse de la salariée mais également en fonction de son environnement de travail. En effet, la première phase de la grossesse se caractérise notamment par un accroissement des risques de malformation de l’embryon et du fœtus dans la mesure où les organes se mettent en place183. À titre d’exemple, certaines expositions à des risques biologiques peuvent entraîner une « naissance prématurée ou des malformations de l’enfant »184. Ces risques sont d’autant plus
redoutables que « plus de 260 substances chimiques sont reconnues réglementairement à
risque pour l’enfant à naître à différents stades de la grossesse »185. Dès lors, il est aisé de comprendre que, l’environnement de travail peut s’avérer particulièrement néfaste pour le développement de l’enfant. Ainsi, un ensemble de mesures de prévention et d’action ont été mises en place afin de protéger simultanément la future mère et son enfant.
Ainsi, l’employeur est contraint de proposer à la salariée un poste compatible avec sa maternité récente ou en devenir, notamment lorsque cette dernière est exposée à un risque particulier pouvant nuire à sa grossesse et à sa santé186. En outre, l’employeur doit évaluer, mesurer et quantifier les risques auxquels une salariée enceinte ou allaitante peut être confrontée. Particulièrement importante, cette évaluation est à l’origine d’un plan de prévention strict auquel l’employeur est contraint de se soumettre. Ainsi, à titre d’exemple, si l’évaluation révèle « l'existence d'un risque d'exposition au virus de la rubéole ou au
toxoplasme », l’employeur ne peut exposer la salariée enceinte, sauf à démontrer que cette
dernière est « suffisamment protégée contre ces agents par son état d’immunité »187. Également, l’employeur est tenu d’informer la salariée enceinte en début de grossesse des
DELAVAL (K.), « Grossesse, allaitement et travail - La femme enceinte, une salariée pas tout à fait comme les
182
autres », travail & sécurité, n°787, oct. 2017.
Ibid.
183
BAYEUX-DUNGLAS (C.), in DELAVAL (K.), « Grossesse, allaitement et travail - La femme enceinte, une
184
salariée pas tout à fait comme les autres », art. précité.
DELAVAL (K.), « Grossesse, allaitement et travail - La femme enceinte, une salariéepas tout à fait comme les
185
autres », précitée, art. précité.
Art. L. 4152-2, C. Trav.
186
Art. D. 4152-3, C. Trav.
effets néfastes des rayonnements ionisants sur l’embryon et le fœtus188 et il lui est strictement interdit d’affecter ou maintenir « une femme allaitant à un poste de travail
comportant un risque d'exposition interne » à de tels rayonnements189. Enfin, comme ultime exemple, l’employeur ne peut affecter une « femme enceinte ou allaitant aux travaux à l'aide
d'engins du type marteau-piqueur mus à l'air comprimé »190 ou à des postes exposants à des produits chimiques dangereux pour l’enfant comme le Benzène ou encore les agents classés toxiques pour la reproduction de catégorie 1 ou 2191. Ainsi, si cette liste non-exhaustive des postes sur lesquels la salariée enfantant ne peut être affectée peut paraître rébarbative, celle- ci ne fait que mettre en exergue l’importance qu’entend donner le législateur à la protection de la salariée enceinte.
Néanmoins, conscient de la singularité de chaque grossesse, le législateur a entendu protéger la femme enceinte de façon bien plus large. Ainsi, cette dernière peut être temporairement affectée dans un autre emploi, « à son initiative ou à celle de l'employeur, si son état de santé
médicalement constaté l’exige »192. Toutefois, une telle affectation est encadrée. En effet, en cas de désaccord avec l’employeur, ou si le changement intervient à la seule initiative de ce dernier, il appartient au seul médecin du travail d’établir « la nécessité médicale du
changement d'emploi et l'aptitude de la salariée à occuper le nouvel emploi envisagé »193. De plus, l’employeur est limité dans le temps et dans l’espace. En effet, le changement d’affectation temporaire de la salariée est subordonné à son accord194 et l’employeur ne peut y déroger195. En outre, ce changement, ne peut excéder la durée de la grossesse et doit inéluctablement cesser à compter du moment où l’état de santé de la salariée lui permet de retourner son emploi initial196. Ainsi, la logique s’opère en plusieurs temps. D’une part, l’employeur cherche à aménager le poste de salariée afin de lui permettre d’accéder à la parentalité sans nuisance aucune sur sa santé ou celle de son enfant. Si cela n’est pas possible il est tenu, dans un second temps, de lui proposer un poste compatible avec son état
Art. D. 4152-4, C. Trav. 188 Art. D. 4152-7, C. Trav. 189 Art. D. 4152-8, C. Trav. 190 Art. D. 4152-10, C. Trav. 191
Art. L. 1225-7, al. 1 C. Trav.
192
Art. L. 1225-7, al. 2, C. Trav.
193
Art. L. 1225-7, al. 3, C. Trav.
194
Cass. soc., 22 janv. 1981, n° 78-41.620, Publié au bulletin.
195
Art. L. 1225-7, al. 4, C. Trav.
de santé, tout en prenant en compte les prescriptions du médecin du travail et en maintenant sa rémunération197.
Néanmoins, il est des situations où l’employeur se trouve dans l’impossibilité de procéder à tout aménagement de poste et où aucun reclassement interne n’est possible. Dès lors, le « contrat de travail de la salariée est alors suspendu jusqu'à la date du début du congé de
maternité et, lorsqu'elle a accouché, durant la période n'excédant pas un mois »198. En outre, dans une telle hypothèse, l’employeur doit impérativement faire connaître à sa salariée, par écrit, les raisons de cette impossibilité199 mais également maintenir sa rémunération, déduction faite des indemnités journalières qui lui sont versées du fait de cette suspension200.
Enfin, il convient de souligner, qu’au-delà de ces aménagements généraux, une attention particulière est donnée au travail de nuit. Ainsi, la salariée peut être « affectée sur sa
demande à un poste de jour pendant la durée de sa grossesse et pendant la période du congé postnatal »201. Tel est le cas « lorsque le médecin du travail constate par écrit que le poste de
nuit est incompatible avec son état »202. En outre, « cette période peut être prolongée pendant le congé postnatal et après son retour de ce congé pour une durée n'excédant pas un mois »203. Ainsi, comme pour en souligner l’importance, le législateur consacre un paragraphe entier au travail de nuit, dont les mécanismes d’aménagements sont en tous points similaires aux travaux dangereux204. Dès lors, il est aisé de constater que le législateur cherche à appréhender dans leur entièreté l’ensemble des situations pouvant porter atteinte à la santé et à la sécurité de la mère afin de garantir une protection optimale à cette dernière.
Réelle bible de la protection des salariées, le Code du travail se pose ainsi en promoteur de la parentalité en adaptant le lieu de travail à la présence de femmes donnant la vie. Toutefois, cette adaptation dépasse les frontières du lieu de travail dans la mesure où le législateur permet à la femme enceinte de se retirer temporairement du monde du travail afin de donner la vie (B).
Art. L. 1225-13, C. Trav.
197
Art. L. 1225-14, C. Trav.
198
Art. L. 1225-14, al. 1, C. Trav.
199
Art. L. 1225-14, al. 3, C. Trav.
200 Art. L. 1225-9, C. Trav. 201 Ibid. 202 Ibid. 203 Ibid. 204
B- LA NAISSANCE D’UN DROIT À SUSPENSION DU CONTRAT DE