• Aucun résultat trouvé

ÉVOLUTION DES PRATIQUES

Chapitre 2 : Spécialisation des guitares classique et flamenca flamenca

3. Essor du toque flamenco

3.3. Une progression paradoxale

Les noms cités jusqu’à présent permettent d’établir qu’il existe des interprètes de la guitare flamenca talentueux, connus et reconnus : de même que la guitare classique, et à la différence de la

601

La cantaora Pastora Pavón Cruz (Séville, 1860-1969), célèbre sous le nom de La Niña de los Peines, est la soeur de Tomás et Arturo Pavón et l’épouse de Pepe Pinto. Elle se produit d’abord à Séville, puis Madrid et Bilbao, avant de retourner à Séville, à Malaga et danss d’autres villes andalouses. En 1921, elle réalise une série de spectacles au Madrid-Cinema et au Teatro Maravillas, à Madrid. Puis elle parcourt diverses villes espagnoles, accompagnée à la guitare par Habichuela. Sa carrière très riche lui donne l’occasion de chanter avec les plus grands artistes, comme Antonio Pavón et Ramón Montoya. Elle est considérée comme la chanteuse la plus exceptionnelle de son époque. Elle réalise une discographie très riche. Elle est amie avec Manuel de Falla, Federico García Lorca et avec le peintre Julio Romero de Torres, qui réalise plusieurs portraits d’elle. Elle inspirera également de nombreux poètes. José Blas Vega et Manuel Ríos Ruiz, « Peines, La Niña de los », in Diccionario enciclopédico ilustrado…, op. cit., vol. 2, p. 580-583.

602 Eulalia Pablo Lozano, « Adela Cubas. Una guitarrista profesional », in La Nueva Alboreá, octobre-décembre 2008, p. 54-55.

603 Femme de lettres, Carmen de Burgos y Seguí (Almeria, 1878-1932) est rédactrice pour Diario Universal (1903) et Heraldo de Madrid (1907). Elle fonde et dirige la Revista Crítica en 1908 et collabore à Solidaridad Obrera en 1915. Elle utilise les pseudonymes Colombine et Perico el de los palotes. Antonio López de Zuazo Algar, « Burgos y Seguí, Carmen de », in Catálogo de periodistas españoles del siglo XX, Madrid, 1980-1981, p. 52.

604

Carmen de Burgos, Confesiones de artistas, Madrid, V. H. de Sanz Calleja Editores, [1910-1920], 2e éd., vol. 1, p. 221-225.

190

guitare populaire, le développement de la guitare flamenca passe par des individualités précises, des artistes de talent.

Ceci est perceptible notamment à travers la personnalité charismatique du tocaor Ramón Montoya. Celui-ci naît à Madrid en 1879 (ou 1880 selon certaines sources) dans une famille gitane vivant du commerce de bovins. Il passe les premières années de sa vie à travailler avec ses parents et apprend la guitare en autodidacte. Comme les autres tocaores, il commence par jouer dans les

cafés cantantes en tant qu’accompagnateur et acquiert une grande renommée en Espagne et à

l’étranger. Le 12 janvier 1922, à l’occasion d’un spectacle au cabaret madrilène de l’Ideal Rosales, un article anonyme de ABC commente la prestation des guitaristes flamencos : Joaquín Rodríguez (XIXe-XXe siècles)#, connu sous le nom El Hijo del Ciego, est présenté comme un « grand guitariste », tandis que Ramón Montoya est mentionné comme « l’“as” des tocaores »605. Il parvient en effet à dépasser les autres tocaores de son milieu, une excellence qui le fait rejoindre, en un sens, l’élite des artistes concertistes classiques. Son succès international au XXe siècle atteste que le flamenco offre l’opportunité à certains hommes d’origine modeste de se hisser au rang de grands artistes606.

Selon José Blas Vega, son talent est d’abord reconnu grâce à sa créativité pour improviser des

falsetas. Ramón Montoya apparaît comme une source de développement et de renouvellement du toque flamenco, une des spécificités de la guitare flamenca étant qu’en l’absence de partitions, les

innovations passent nécessairement par les interprètes, qui sont aussi, par la même occasion, des compositeurs. Sa musicalité, sa créativité et son inventivité révèlent des ressources de la guitare auparavant insoupçonnées. C’est pourquoi, lors des réunions artistiques nocturnes auxquelles il participe, il reçoit pour ses falsetas les éloges des artistes flamencos, ses continuateurs, mais aussi des guitaristes classiques607. Cette appréciation unanime, de la part de ses pairs, quelle que soit leur spécialité, contribue à faire accéder progressivement la guitare flamenca au rang d’art supérieur, pour reprendre la hiérarchie esthétique utilisée à l’époque, alors que la guitare est encore considérée comme un instrument populaire sans raffinement.

En outre, la guitare accède peu à peu à un statut de soliste, en partie grâce au talent de Ramón Montoya. En développant ses falsetas, il crée une concurrence avec le cantaor qu’il accompagne, et au service duquel il est censé se mettre. Ses falsetas s’allongent, perturbant l’équilibre traditionnel

605 « el gran tocaor de guitarra Joaquín Rodríguez y el “as” de los tocaores, amón Montoya », [Anonyme], « Los “ases del arte flamenco” », in ABC, op. cit., 12 janvier 1922, p. 22. Cet article est analysé du point de vue de la réception au chapitre 8.

606 Sandra Álvarez Molina, Polémiques autour de l’espagnolisme..., op. cit., p. 26.

607

José Blas Vega et Manuel Ríos Ruiz, « Montoya Salazar, Ramón », in Diccionario enciclopédico ilustrado…, op. cit., vol. 2, p. 506.

191

qui fait du cantaor le soliste. La guitare commence à prendre de l’indépendance vis-à-vis du chant et de la danse608. Vers 1905, celui qui est surnommé El Majo de la guitarra élabore une nouvelle technique de piqué spectaculaire, inspirée du mode de jeu classique, ce qui marque le début de la virtuosité dans le domaine de la guitare flamenca. Il développe son jeu instrumental contre la volonté des chanteurs qui se plaignent qu’il leur ôte l’inspiration et qu’il leur ravit le rôle de protagoniste. Ces avancées font naître une rivalité entre Ramón Montoya et certaines vedettes du chant. Bien que fondamentalement positive pour la guitare, sa progression vers une expression soliste savante risque de détruire l’équilibre entre les différents arts.

Néanmoins, le virtuose ne cesse pas d’accompagner les meilleurs représentants du cante, car il est le seul capable de répondre à leurs exigences musicales. C’est ce qui explique la formation d’un tandem privilégié avec Antonio Chacón, de 1914 jusqu’à la mort de ce dernier, en 1929. Tous deux laissent à la postérité quatorze disques doubles enregistrés ensemble609. Grâce à Ramón Montoya, la guitare flamenca, qui avait beaucoup de points communs avec la guitare populaire, acquiert certains traits de la guitare classique et savante, tels que l’indépendance vis-à-vis du chant et de la danse, et le jeu soliste, en concert ou dans les enregistrements. La guitare flamenca réalise paradoxalement une fusion entre la permanence de traits populaires – comme la transmission orale – et une complexité croissante.

Par ailleurs, un événement est révélateur de la progression paradoxale de la guitare flamenca : le premier Concours de Cante Jondo, organisé à Grenade en juin 1922 par Manuel de Falla, Federico García Lorca, Ignacio Zuloaga, Andrés Segovia, Manuel Jofré#, José María Rodríguez Acosta et Miguel Cerón. Ceux-ci sollicitent le Centro Artístico de Grenade pour organiser un Concours visant à faire découvrir et à purifier les éléments de la musique populaire andalouse qui demeurent authentiques et qui peuvent encore être sauvés, dans un contexte où le folklore est victime d’une commercialisation destructrice610. Le 21 février 1922, le journal El Sol évoque la préparation du Concours dans les mois qui précèdent :

608

Gaëlle Rio (éd.), La Nuit espagnole : flamenco, avant-garde et culture populaire, 1865-1936, Paris, Paris-musées, 2008, p. 13.

609 En dehors de tels duos, Ramón Montoya sera surtout le créateur de la guitare flamenca de concert, dans les années 1930-1940. Il est aussi pionnier dans le domaine des enregistrements : après son premier disque en tant qu’accompagnateur en 1910 pour la maison Gramófono avec les chanteurs Juan Breva, Niño de las Marianas et El Niño de la Isla, il enregistrera en 1936 ses premiers disques de guitare soliste avec la compagnie française BAM. Il est le premier à composer et à enregistrer des pièces solistes sur la plupart des formes de cante. José Blas Vega, « Ramón Montoya », Historia del flamenco, op. cit., p. 77-79.

610

Tania Fernández de Toledo, El centro artístico literario y científico de Granada (su labor científica). 1885-1989, Granada, Caja General de Ahorros, 1989, p. 69.

192

Hier soir, au Centro Artístico, l’écrivain Federico García Lorca a donné une conférence sur l’importance artistique et historique du « cante jondo » et a exposé en quelques mots la signification du Concours qui, selon lui, doit sauver l’âme de la musique populaire […]. La conférence a été illustrée par une interprétation à la guitare de seguidillas et de soleares, par l’artiste grenadin Manuel Joffre [sic]611.

Comme l’indique cet extrait, le 19 février 1922, Federico García Lorca donne une conférence dans laquelle il explique la différence qui existe pour lui et pour les autres organisateurs du concours entre le cante jondo et le chant flamenco. Les deux formes musicales diffèrent, à ses yeux, du point de vue des origines, de la structure, du rythme et de l’esprit : le premier est le vrai chant andalou primitif et authentique, constitué de chants gitans élaborés à partir de la siguiriya ; il est le seul doté d’une véritable beauté artistique. En revanche, le second acquiert sa forme définitive au XVIIIe siècle, subit l’influence néfaste du cuplé, à cause de sa commercialisation612. Cette conférence, qui se fonde sur les idées de Manuel de Falla, compositeur de musique « classique », révèle l’intérêt que les élites savantes portent à la musique populaire, leur objectif étant de « sauver l’âme de la musique populaire » (« salvar el alma de la música popular »), comme on peut le lire dans l’extrait ci-dessus. Il s’agit d’une attitude surplombante, qui considère l’évolution du flamenco comme néfaste : ces intellectuels veulent plonger dans les traditions anciennes, qui sont perçues comme plus authentiques et plus pures. Ces notions ne sont pourtant pas dénuées de complexité.

Par exemple, concernant la guitare, Manuel Jofré (XIXe-XXe siècles), qui est également l’un des organisateurs du concours, joue pour appuyer les dires du poète. Originaire de Grenade, il est invité pour « illustrer » les propos de Lorca, donc d’une certaine manière, il alterne avec la voix du conférencier. Il n’offre pas réellement de concert soliste dans cette circonstance précise. Néanmoins, il n’est pas non plus accompagnateur d’un chanteur : il est capable de jouer seul, mais toujours lié à une parole et à une voix. Il interprète un répertoire populaire andalou avec les

seguidillas, et flamenco avec les soleares. Les dernières font certes partie du cante jondo décrit par

Lorca, car elles sont dérivées de la siguiriya gitana613. Les premières en revanche, ne font pas partie du flamenco, mais simplement du folklore populaire. La distinction effectuée par Lorca ne semble donc pas clairement mise en lumière par son intervention. De fait, les résultats du Concours

611 « Anoche, en el Centro Artístico, dió una conferencia sobre la importancia artística e histórica del “cante jondo” el literato D. Federico García Lorca, que expuso en breves palabras la significación del Concurso, que, a su juicio, salvará el alma de la música popular [...]. / La conferencia fué ilustrada con interpretación en la guitarra de seguidillas y soleares por el artista granadino Manuel Joffre [sic]. », [Anonyme], « Conferencia de García Lorca », in El Sol, op. cit., 21 février 1922, p. 4.

612 Federico García Lorca, « Importancia histórica y artística del primitivo canto andaluz llamado “cante jondo” », in Christopher Maurer (éd.), Conferencias I, Albolote, Alianza Editorial, 1984, p. 49-52.

193

sont mitigés, en partie pour cette raison, comme le rappelle Tania Fernández de Toledo, suivant en cela l’interprétation des organisateurs du concours eux-mêmes : peu de gens prennent conscience de la véritable finalité du concours, surtout parmi les critiques, artistes et écrivains venus de loin pour répondre à l’appel de Manuel de Falla614.

Le jour du début du Concours, le 13 juin 1922, Antonio Gallego y Burín commente les événements qui doivent avoir lieu les deux nuits suivantes615 :

Les plus grandes éminences du chant participeront à la fête : la guitare sonnera, jouée par les maîtres les plus adroits, puis nos danses apporteront leur note de couleur et de mouvement... [...]

Et ceci est une fête, comme le dit Pedrell, « civilisatrice d’art ». Qui épure les valeurs. Qui exalte les émotions vives. Qui ressuscite les notes anciennes et très espagnoles. Qui restaure les nuances de notre esprit. Une fête grâce à laquelle le courage spirituel de quelques hommes veut arracher à la déformation ce qui, comme nos « cantes jondos », a une suprême ligne de beauté et de grandeur616.

Dans cet article, Antonio Gallego y Burín évoque avec enthousiasme et de façon élogieuse les artistes qui s’apprêtent à participer au Concours. Cependant, l’un des paradoxes du concours est que les organisateurs considèrent le cante jondo exclusivement comme un « folklore », au sens où il s’agirait de vestiges du passé, sur le point de disparaître, et qu’il faut par conséquent étudier et sauver de façon urgente617, alors qu’en réalité, le flamenco est pleinement vivant. Il évolue parce que c’est un art, qui revêt un aspect créatif, et ce n’est pas seulement un folklore populaire censé être figé. Toutefois, les organisateurs du concours ne perçoivent pas cet aspect en 1922 : ils voient seulement les méfaits de la « flamenquisation » de la société, la mode qui édulcore le flamenco, en

614 Tania Fernández de Toledo, El centro artístico..., op. cit., p. 73.

615

Journaliste, critique d’art et historien de l’art, Antonio Gallego Burín (Grenade, 1895-Madrid, 1961) effectue des études de lettres et de droit. Il publie son premier article dans La Gaceta del Sur en 1911. Il fonde le journal Renovación en 1919 pour combattre le caciquisme politique. Il collabore à La Alhambra (1918-1919), est chroniqueur théâtral dans Noticiero Granadino (1919) et ses travaux érudits paraissent dans Revista del Centro de Estudios Históricos de Granada y su reino. Il est professeur d’histoire de l’art aux universités de Salamanque et de Grenade. En tant que président de la Sección de Literatura del Ateneo de Granada (1927), maire (1938) et directeur général des Beaux-Arts (1951), il impulsera la vie culturelle de Grenade. Dans le domaine littéraire, il est l’auteur d’un essai lyrique, El poema del convento (1918). Il fera jouer des autos sacramentales en 1927 et dirigera le Teatro Universitario. Celia del Moral et José Ortega, « Gallego Burín, Antonio », in Diccionario de escritores granadinos: siglos VIII-XX, Granada, Universidad de Granada, 1991, p. 22.

616 « Las mayores eminencias del canto tomarán parte en la fiesta: sonará la guitarra tocada por los más diestros maestros, y luego nuestras danzas pondrán sobre los ojos su nota de color y movimiento... [...] / Y eso es esta fiesta, como Pedrell dice: civilizadora en arte. Depurativa de valores. Exaltadora de emociones vivas. Resucitadora de viejas y españolísimas notas. Restauradora de matices de nuestro espíritu. Una fiesta en la que la valentía espiritual de unos cuantos hombres quiere arrancar de la deformación lo que, como nuestros “cantes jondos”, tienen una suprema línea de belleza y de grandiosidad. », Antonio Gallego y Burín, « El Concurso de “Cante jondo” », in El Sol, op. cit., 13 juin 1922, p. 3.

194

en faisant un genre commercial, sans art et sans saveur, une simple « espagnolade »618. Conscient que cette facette commerciale est la plus accessible au public, ils veulent détruire les idées fausses et révéler ce qu’est le cante jondo « authentique », ce qui les conduit à n’inviter à participer au Concours que des amateurs. Ils refusent la candidature des professionnels de plus de vingt-et-un ans619. Ce choix est immédiatement critiqué par plusieurs professionnels du flamenco, de sorte que les organisateurs finissent par inviter les plus grands artistes, comme Antonio Chacón ou La Niña

de los Peines, au titre d’invités de luxe620.

La guitare n’est pas particulièrement mise en valeur lors de ce Concours. Certes, de grands accompagnateurs interviennent aux côtés des chanteurs, tels que Ramón Montoya ou El Niño de

Huelva#. Cependant, de même que pour le chant, le premier prix prévu, à savoir le prix José María Rodríguez Acosta621 n’est attribué à aucun guitariste par le jury du Concours, formé par Andrés Segovia, Manuel Jofré et Amalio Cuenca (1866-vers 1940)# 622. Un deuxième prix est accordé au Grenadin Pepe Cuéllar#, âgé de vingt-et-un ans. Un troisième prix extraordinaire de 250 pesetas est octroyé, en outre, au Sévillan José Cortés, surnommé Pepe de la Flamenca# et âgé de trente-trois

ans623.

En somme, l’ambition affichée pour ce concours par Antonio Gallego y Burín dans l’article cité ci-dessus n’est pas complètement atteinte : les « maîtres les plus adroits » (« los más diestros

maestros ») ne sont pas mis à l’honneur, puisque seuls les amateurs concourent. Felipe Pedrell, qui

soutient l’initiative de loin en raison de son grand âge, estime selon le journaliste que la fête va être « civilisatrice d’art » (« civilizadora en arte »), car elle « ressuscit[e] » la tradition et doit l’« arracher à la déformation »624. En dépit de ces estimations, les résultats sont à nuancer : d’abord, même si de très grands artistes, comme Montoya, participèrent, le règlement n’était pas propice à des innovations ou à des interventions originales, qui n’eurent par conséquent pas lieu625. Ensuite, bien que le Centro Artístico ait transformé le concours en un événement international, les étrangers

618 Federico García Lorca, « Importancia histórica y artística del primitivo canto andaluz llamado “cante jondo” », Conferencias I, op. cit., p. 51.

619 José Manuel Gamboa, Una historia del flamenco, Madrid, Espasa, 2005, p. 205.

620 Ibidem, p. 204.

621 Le peintre José María Rodríguez Acosta (Grenade, 1878-1941) étudie à la Escuela de Artes y Oficios de Granada. En 1901, il s’installe à Madrid et effectue un premier voyage à Paris en 1911. En 1914, il fait construire à Grenade la propriété qui deviendra en 1934 le siège de la Fondation qui porte son nom. Son œuvre relève du naturalisme et du costumbrismo du premier tiers du XXe siècle, avec des influences du symbolisme découvert à Paris. Francisco Calvo Serraller, « Rodríguez Acosta, José María », in Enciclopedia del arte español del siglo XX, Madrid, Arco/Ifema, 1991-1992, vol. 1, p. 360.

622

Tania Fernández de Toledo, El centro artístico..., op. cit., p. 73-74.

623 José Manuel Gamboa, Una historia del flamenco, op. cit., p. 206.

624 « resucitadora de viejas y españolísimas notas » et « arrancar de la deformación » Antonio Gallego y Burín, « El Concurso de “Cante jondo” », El Sol, op. cit., p. 3.

195

présents apprécièrent l’élégance, la beauté, le charme des nuits grenadines sans comprendre l’enjeu et l’intérêt profond du Concours626. Enfin, selon José Manuel Gamboa, la déception de Manuel de Falla le conduit à s’éloigner définitivement du flamenco tandis que, paradoxalement – et contrairement à l’objectif poursuivi –, les premiers bénéficiaires furent les professionnels qui obtinrent à la suite de ce Concours des sollicitations plus nombreuses dans des lieux plus vastes qu’auparavant627. Toutefois, ce Concours demeure la première initiative d’envergure qui révèle l’intérêt de nombreux artistes de diverses disciplines, provenant de l’élite savante, pour le flamenco. Il donne de la visibilité au genre, impulse la création d’autres initiatives similaires et donne lieu, de nouveau grâce à Manuel de Falla, à l’enregistrement sonore de cantes qui n’aurait pas pu avoir lieu auparavant, en raison du faible intérêt commercial que cela représentait628.

Ce deuxième chapitre nous permet de conclure sur l’évolution de la pratique des guitares classique et flamenca, entre 1883 et 1922 : toutes deux ont pour caractéristique constante d’être très influencées par le populaire, même si chacune de ces deux pratiques diffère clairement de la guitare populaire décrite au chapitre 1. Celle-ci est jouée par des artistes souvent anonymes. Le répertoire et la technique qu’ils utilisent sont généralement passés sous silence dans la presse, car ce type de guitare essentiellement jouée dans l’espace public, souvent en voyage, dans la rue, n’est pas considéré comme un art, mais comme une source de bruit parmi d’autres. On sait seulement que cette pratique populaire est de plus en plus influencée par le flamenco, quant au répertoire et à la