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ÉVOLUTION DES PRATIQUES

Chapitre 2 : Spécialisation des guitares classique et flamenca flamenca

2. Renouveau de la guitare classique

2.3. Accroissement du répertoire

Par rapport aux guitares populaire et flamenca, une des spécificités de la guitare classique réside dans l’existence d’un répertoire sous forme de partitions, qui fixent clairement certaines exigences correspondant à différents paramètres des œuvres composées tels que la tonalité, le rythme, le tempo, l’agogique*, ou encore les nuances. La consignation par écrit de ces indications facilite l’interprétation, la préservation et la transmission de ces œuvres, et permet une plus grande fidélité aux souhaits du compositeur. Le premier « âge d’or » du répertoire classique de la guitare remonte au premier concerto moderne pour l’instrument, composé en 1808 par l’Italien Mauro Giuliani (1781-1829)444.

441 Dans la position de base, les cordes sont pincées avec les doigts de la main droite, selon deux techniques, le buté et le tiré. L’arpège consiste à pincer régulièrement des cordes les unes après les autres. Pour cela, la plupart des musiciens utilisent des ongles longs, taillés et polis. En modifiant la façon d’attaquer les cordes, il est possible de produire une vaste palette de sons, doux ou claquants.

442 Richard Chapman, Enciclopedia de la guitarra..., op. cit., p. 18.

443 Eusebio Martínez de Velasco et Martín Rico, « D. Francisco Tárrega y Eixea, guitarrista y compositor español », in La Ilustración Española…, op. cit., 22 avril 1883, p. 3.

444

Richard Chapman, Enciclopedia de la guitarra..., op. cit., p. 18. Compositeur, guitariste et chanteur italien, Mauro Giuliani (Bisceglie, 1871-Naples, 1829) exerce d’abord une activité de concertiste à Vienne (1806-1818). Il rentre en Italie en 1819 et obtient le titre de virtuose de chambre de l’Archiduchesse Marie-Louise de Parme. Parmi ses compositions nombreuses et variées, on peut retenir quatre concertos pour guitare et orchestre (op. 30, 36, 70 et 129). « Giuliani, Mauro », in L’enciclopedia della Musica, Novara, Istituto Geografico De Agostini, 1995, p. 82.

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Toutefois, pendant la majeure partie du XIXe siècle, les grandes pièces solistes faisaient globalement défaut pour la guitare. Elle servait souvent de simple interlude, ce qui se produit encore en 1899, comme cela est rapporté dans un article de La Correspondencia de España daté du 7 mai445 : elle joue en duo avec la bandurria au théâtre madrilène Martín, entre le deuxième et le troisième acte de La Pasionaria (1883), drame de Leopoldo Cano y Masas (1834-1944)446. Cet intermède est constitué par le prélude de la zarzuela El anillo de hierro (1878), composée par Pedro Miguel Marqués (1843-1918). Il ne s’agit ni d’un morceau soliste, ni d’un mouvement virtuose, ni d’une pièce d’envergure pour la guitare. Celle-ci n’intervient pas dans un concert qui lui est spécialement dédié et ne se fait d’ailleurs entendre que de façon très ponctuelle.

De plus, au long du XIXe siècle, la guitare classique por lo fino était fréquemment jouée par des jeunes femmes cultivées, comme cela se produit encore au Centro Gallego en octobre 1894, lors d’une soirée littéraire et musicale : « Les demoiselles Arribas# exécutèrent plusieurs compositions à la guitare et à la bandurria, démontrant leur talents artistiques exceptionnels, de même que Mademoiselle Acevedo (Carmen), une pianiste remarquable »447. Les deux artistes citées ne jouent pas en tant que professionnelles dans le contexte d’un concert rémunéré. Au contraire, il s’agit d’une occasion informelle, lors d’une veillée intime à laquelle assistent des familles galiciennes, quoique celles-ci soient nombreuses, selon ce qui apparaît dans l’entrefilet anonyme. Le répertoire n’est pas précisé. On peut simplement repérer que la guitare et la bandurria sont mentionnées ensemble – même s’il est possible qu’elles jouent alternativement, puisque rien n’est précisé. Ceci laisse supposer qu’elles interprètent un répertoire fortement lié à des thèmes populaires, qui n’a encore rien de novateur. De fait, jouer de la musique classique fait partie des critères de bonne éducation, la femme ayant pour rôle au XIXe siècle de briller en société. Le répertoire habituel des salons reste donc vivace au tournant du siècle.

La forme instrumentale la plus répandue pour la guitare devient alors la fantaisie sur des thèmes d’opéras célèbres. Ainsi, une certaine Mlle Bounichon# intervient au sein de l’Association des Professeurs et amateurs de musique (Asociación de Profesores y aficionados* a la música), le 8 février 1886 pour interpréter des variations sur El Carnaval de Venecia de Cano# et Mi patria,

445 [Anonyme], « Martín », in La Correspondencia…, op. cit., 7 mai 1899, p. 2.

446 Général, académicien, poète et auteur dramatique, Leopoldo Cano y Masas (Valladolid, 1844-Madrid, 1934) participe à la campagne de Catalogne sous les ordres du Général Martínez Campos. Il devient célèbre pour ses travaux de mathématicien et sa production littéraire, essentiellement dramaturgique. Juan Arencibia de Torres, « Cano y Masas, Leopoldo », in Diccionario biográfico de literatos, científicos y artistas militares españoles, Madrid, E. y P. Libros Antiguos, 2001, p. 421.

447 « Las señoritas Arribas ejecutaron varias composiciones en guitarra y bandurria, demostrando sus excepcionales talentos artísticos, lo mismo que la señorita Acevedo (Carmen), una pianista notable. », [Anonyme], « [Sans titre] », in La Correspondencia…, op. cit., 22 octobre 1894, p. 3.

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fantaisie sur des airs espagnols448. Cette dénomination de « fantaisie » inclut aussi bien des pièces techniquement simples que des œuvres très élaborées. Les compositeurs y déploient leur potentiel créatif et technique, afin de donner naissance à des œuvres virtuoses. L’interprète joue en soliste, certes, mais ces pièces ne font pas partie du renouveau de la guitare.

En outre, en cette fin de XIXe siècle, sont encore souvent jouées des transcriptions, comme cela apparaît dans un article du 23 avril 1885 : Madame Glech# accompagne à la guitare Madame Relter dans la Sérénade de Charles Gounod (1818-1893), mélodie sur un poème de Victor Hugo initialement composée pour voix et piano. Dans sa version pour voix et guitare, elle est chantée au deuxième acte de la comédie de Beaumarchais Le Mariage de Figaro (1778) au théâtre madrilène La Comedia449. Le répertoire de la guitare « classique » est encore essentiellement composé de transcriptions, qui sont aussi bien jouées par des hommes que par des femmes.

Toutefois, en parallèle, le renouvellement du répertoire se produit dans deux directions : d’une part, les transcriptions se multiplient et se diversifient et, d’autre part, les guitaristes entreprennent de créer un répertoire spécifique pour leur instrument. Cette amplification du répertoire est impulsée par Francisco Tárrega. Elle est manifeste dans les programmes de concerts qu’il donne, par exemple au Círculo de la Unión Mercantil de Barcelone, le 13 juillet 1889450 :

Première Partie :

Mélodie des Vêpres Siciliennes………...Verdi Miscellanées de Marina………...Arrieta

Fantasía Española...Tárrega

Aria de basse, La Sonámbula : M. Planas. Piano : M. Giménez……...Bellini

Romance sans paroles………...………Mendelssohn Marche funèbre par M. Tárrega…………...………...Thalberg Les Noces de Figaro : Mlle Mata. Piano : M. Goula (fils)……...Mozart

448 [Anonyme], « Correo de teatros », in La Correspondencia…, op. cit., 7 février 1886, p. 2. [Anonyme], « Concierto de la asociación de Profesores y aficionados a la música », in La Correspondencia…, op. cit., 8 février 1886, p. 3.

449 « En el segundo acto cantó muy bien la señora Relter la serenata de Gounod, acompañándola á la guitarra la Sra. Glech. », [Anonyme], « “El matrimonio de Figaro” en la Comedia », in La Correspondencia…, op. cit., 23 avril 1885, p. 3.

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Deuxième Partie :

Aria de Don Carlo : M. Planas. Piano : M. Giménez……….……..……….Verdi Gran trémolo, par M. Tárrega………….………...Gottschalk

Variations sur Le Carnaval de Venise………....Tárrega

La Tradita, mélodie dramatique : Mlle Mata. Piano : M. Goula (fils)….……..Goula (père) Estudio de concierto………..…………..………….Tárrega Aires nationales españoles………...Tárrega

Ce programme contient en partie des transcriptions, comme l’arrangement d’une mélodie tirée de l’opéra des Vêpres siciliennes (1855) de Giuseppe Verdi (1813-1901). De même, Tárrega transcrit des pièces de Marina (1871), zarzuela d’Emilio Arrieta451. D’autres arrangements d’œuvres pour piano font partie de ce programme, comme le Trémolo (1869) de Louis Moreau Gottschalk (1829-1869), une des Romances sans paroles de Félix Mendelssohn (1809-1847), ou encore la Marche funèbre (1845) de Sigismund Thalberg (1812-1871). En effet, le répertoire s’accroît en premier lieu grâce aux arrangements d’œuvres pianistiques de virtuoses contemporains, en particulier les pianistes franco-belges Émile Prudent (1817-1863), Henri Rosellen (1811-1876) et Sigismond Thalberg. Ces nouvelles transcriptions contribuent fortement au développement de la technique guitaristique qui atteint alors des sommets inégalés452. Nombre d’arrangements sont réalisés par Francisco Tárrega lui-même, qui transcrit aussi des chefs-d’œuvre de compositeurs baroques comme Jean-Sébastien Bach (1685-1750), ou romantiques comme Frédéric Chopin (1810-1849), dont l’œuvre est quasi exclusivement pianistique. Il transcrit enfin des pièces de ses contemporains espagnols, Isaac Albéniz453 et Enrique Granados454. En réalisant de telles transcriptions, Francisco Tárrega augmente un répertoire encore très limité à son époque455.

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La zarzuela Marina est transformée en opéra en 1887.

452 « Guitarra », Diccionario de la música española..., op. cit., p. 107.

453 Isaac Albéniz naît à Camprodón (Gérone) en 1860 et meurt à Cambo (Pyrénées françaises) en 1909. Enfant prodige, il se forme de façon autodidacte et donne des concerts dès l’âge de quatre ans. À six ans, il est envoyé à Paris pour étudier le piano mais l’enfant, trop indiscipliné, n’est pas accepté au Conservatoire. Avec sa sœur, il parcourt le Nord de l’Espagne en tant que concertiste. Il entre au Conservatoire de Madrid à huit ans et donne alors des concerts dans toute l’Espagne. Il se produit en Amérique à douze ans. De retour à Madrid en 1875, il est protégé par le comte de Morphy, secrétaire particulier d’Alphonse XII, et obtient une pension pour étudier au Conservatoire de Bruxelles. En 1880, il commence une carrière de pianiste virtuose – il réside à Barcelone, puis à Madrid entre 1885 et 1889. En 1886, il compose la Suite española pour piano (Granada, Cataluña, Sevilla, Cádiz, Asturias, Aragón, Castilla et Cuba). Il s’établit à Paris en 1892. Il est admiré pour ses qualités de pianiste et de compositeur : sa facilité à écrire ainsi que son style méridional, plein de couleur, de vivacité, de clarté et d’élégance, attirent les éditeurs. Il compose sa suite Iberia, dont le premier des quatre cahiers est publié en 1906 : son pays natal est évoqué à travers la distance géographique. Une place préférentielle mais non exclusive y est accordée au caractère andalou (Evocación, El puerto, El Corpus de

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En outre, il crée le premier répertoire spécifique pour guitare. Le programme ci-dessus spécifie qu’il interprète trois de ses compositions – Fantasía española, Aires nacionales españoles et

Estudio de concierto – mais Francisco Tárrega est l’auteur d’une production beaucoup plus

vaste456. D’un point de vue esthétique, à l’exception des œuvres à finalité didactique, sa musique s’inscrit dans le cadre de la musique de salon de la fin du XIXe siècle : elle se caractérise par un goût prononcé pour les pièces brèves et une certaine virtuosité457. En particulier, Capricho Árabe (1888) et Recuerdos de La Alhambra (1897) sont considérées pendant un temps comme l’expression la plus aboutie de la virtuosité guitaristique458.

Francisco Tárrega est donc le principal initiateur du renouveau de ce répertoire. Toutefois, il semble accorder peu d’importance à ses compositions, et ne les écrit souvent qu’après les avoir jouées plusieurs fois. Elles sont éditées tardivement dans la vie de l’artiste, à partir de 1902459. Selon Domingo Prat, en 1889, au moment du concert dont nous avons donné le programme, Francisco Tárrega n’a pas conscience du rôle qu’il est en train de jouer dans l’élévation de la littérature guitaristique et ne perçoit ni la nouvelle fonction de la guitare, ni sa transformation, sous ses doigts, en véritable instrument de concert : ceci est perceptible à travers l’agencement des œuvres, dans un programme apparemment dépourvu de fil directeur460

.

En dépit de ce manque de conscience de son rôle novateur, Francisco Tárrega est rapidement reconnu sans conteste comme un classique. Une douzaine d’années après sa mort seulement, ses

Sevilla, Triana, Almería, Rondeña, El Albaicín, El Polo, Lavapiés, Málaga, Jerez et Eritaña). José Subirá, Historia de la música española..., op. cit., p. 794-796.

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Premier prix de piano à 15 ans à l’académie fondée par le pianiste barcelonais Juan Bautista Pujol, Enrique Granados, né à Lérida (Catalogne) en 1867, étudie l’harmonie avec Felipe Pedrell. Dans ses programmes de concerts, il inclut ses œuvres de jeunesse, empreintes de romantisme et d’évocations de l’Espagne, telles que Danzas españolas, écrites vers 1890. Il interrompt sa carrière de concertiste entre 1891 et 1895. En 1898, il crée à Madrid son chef d’œuvre lyrique, l’opéra María del Carmen. ésidant à Barcelone, il fonde l’académie Granados en 1901. Il se rend à Paris en 1905 : il partage alors son activité professorale à Barcelone avec des concerts. Il compose de brefs opéras, prépare des œuvres pianistiques comme Goyescas et des œuvres vocales comme Tonadillas. L’opéra Goyescas est accepté à l’Opéra de Paris mais la Grande Guerre empêche sa création. Il est créé avec succès à New York, avant la mort subite de l’auteur, qui se produit lors de son retour en Europe, en 1916. Ibidem, p. 797-799.

455 Richard Chapman, ibid, p.18.

456 On peut citer par exemple Capricho Árabe, Danza Mora, Sueño, Recuerdos de la Alhambra, Gavota María, Pavana, Minuetto, Mazurca, Mazurca Marieta, Mazurca Adelita, Mazurca Sueño, Jota Aragonesa, Lágrima, Endecha, Oremus, La Alborada, La Mariposa, Estudio en forma de Minueto, Gran Vals, Isabel Vals, Las dos hermanitas, Vals, Danza Odalisca, Polca Rosita, ou encore El Columpio. Francisco Tárrega est aussi l’auteur de plusieurs Préludes. Domingo Prat, « Tárrega Eixea, Francisco », Diccionario de guitarristas, op. cit., p. 315.

457 Ramón García Avellano, ibid, p. 182.

458

Javier Suárez-Pajares, « Los virtuosismos de la guitarra española: del alhambrismo de Tárrega al neocasticismo de Rodrigo », La musique entre France et Espagne..., op. cit., p. 237.

459 Ramón García Avellano, « Tárrega Eixea, Francisco », in Diccionario de la música española e hispanoamericana, [Madrid], Sociedad General de Autores y Editores, 1999, vol. 10, p. 182.

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œuvres entrent par exemple dans la collection de la Biblioteca Musical Circulante461

: les

responsables s’enorgueillissent d’avoir reçu de la Maison Éditoriale Orfeo-Tracio la collection de ses œuvres complètes, comme l’indique un article de La Correspondencia de España daté du 13 décembre 1922462.

Toutefois, Tárrega n’est pas le seul artisan de ce renouvellement, qui est perceptible dans les programmes de concerts d’autres guitaristes après lui, comme le Catalan Miguel Llobet. Celui-ci joue dans la capitale espagnole à La Comedia en 1902, comme le rapporte Cristóbal De Castro (1874-1953) dans l’article « Fruit du temps : Llobet et sa guitare » publié dans La Correspondencia

de España le 3 décembre :

Et l’étonnement augmenta encore lorsqu’on vit que dans le programme du concert figuraient les noms de Haydn, de Mozart, de Mendelssohn, de Beethoven, d’Albéniz, de Sors… Comment les grands patriarches de la musique et les poètes modernes de la mélodie allaient-ils descendre de l’immortelle évidence de leur célébrité à la grossière trivialité des falcetas [sic] de tavernes ?

[…]Llobet interpréta merveilleusement le programme musical raffiné.

Entre les mains de ce jeune artiste, délicat et poète, raffiné et rêveur, la guitare s’aristocratise et s’anoblit463.

Lors de ce concert, l’artiste barcelonais joue des œuvres de compositeurs classiques au sens restreint comme au sens large, puisqu’il alterne des transcriptions de pièces des classiques viennois (Haydn, Mozart, Beethoven), du compositeur romantique Felix Mendelssohn ou même de son contemporain Isaac Albéniz, avec des pièces du guitariste Fernando Sor. On perçoit la hiérarchie qui prévaut dans l’esprit des auditeurs464 : si elle est capable d’interpréter des œuvres d’un tel raffinement, qui sont devenues des classiques, la guitare peut être socialement réévaluée. Or en 1902, elle manifeste de cette façon des qualités encore insoupçonnées, comme l’indique Cristóbal

461 Fondée en 1919 sur une proposition de l’Académicien, musicologue et critique Víctor Espinós Moltó (1871-1948), la Biblioteca Musical Circulante est un centre créé en vue de la diffusion et du développement de la culture musicale. Elle revêt dès sa fondation un caractère de service public ouvert à tous. « Historia », in Biblioteca musical Víctor Espinós, site Internet de la ville de Madrid : < http://www.madrid.es/portales/munimadrid/es/Inicio/Ayuntamiento/Cultura-y-Ocio/Biblioteca-Musical-Victor-Espinos?vgnextfmt=default&vgnextoid=2bdac435a6b5b010VgnVCM100000d90ca8c0RCRD&vgnextchannel=0c369e 242ab26010VgnVCM100000dc0ca8c0RCRD&idCapitulo=4913186 >, consulté le 28 juin 2014.

462 [Anonyme], « La biblioteca musical circulante », in La Correspondencia…, op. cit., 13 décembre 1922, p. 1.

463 « Y subió de punto la extrañeza viendo que en el programa del concierto figuraban los nombres de Haydn, de Mozart, de Mendelssohn, de Beethoven, de Albéniz, de Sors... Los grandes patriarcas de la música y los modernos poetas de la melodía, ¿cómo iban á descender desde el inmortal seguro de su fama á la tabernaria ordinariez de las falcetas [sic] ? // […] Llobet interpretó á las mil maravillas el refinado programa musical. // La guitarra en manos de este artista joven, delicado y poeta, fino y soñador, se aristocratiza y se ennoblece. », Cristóbal de Castro, « Fruta del tiempo: Llobet y su guitarra », in La Correspondencia…, op. cit., 3 décembre 1902, p. 1.

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La réception du public est étudiée plus précisément en troisième partie. Cet article est analysé en détail dans cette perspective au chapitre 7.

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de Castro465. La personnification de la guitare, qui contribue à la rehausser, est renforcée par la métaphore aristocratique. Le renouvellement du répertoire s’avère donc capital dans le processus de considération sociale de la guitare. De plus, comme Francisco Tárrega dont il est le disciple au conservatoire municipal de Barcelone, Miguel Llobet enrichit la production guitaristique de ses propres compositions, en particulier des gloses de mélodies catalanes traditionnelles telles que El

Testament d’Amèlia et L’Hereu Riera, datées de 1900466.

Tárrega et Llobet ne sont pas les seuls guitaristes à jouer un rôle dans ce processus de renouvellement du répertoire. Jaime Bosch publie par exemple en 1892, sous le nom de Jacques Bosch, Dix mélodies pour guitare et chant avec des textes en français de Georges Montière, enregistrées par A. Beutiot et éditées par l’imprimeur Delanchy467.

Une partie de ce nouveau répertoire est mentionné dans la presse d’information générale, comme dans la notice nécrologique consacrée au guitariste et compositeur Antonio Cano# (1811-1897), le 22 octobre 1897 dans La Correspondencia de España. Celle-ci revient sur une partie de la cinquantaine d’œuvres dont il est l’auteur468 : il est rappelé que ses travaux comptent plusieurs fantaisies sur des thèmes d’opéras comme Faust (1859) de Gounod, Lucia di Lammermoor (1835) de Donizetti ou encore L’Africaine (1865) de Giacomo Meyerbeer (1791-1864). Antonio Cano est aussi l’auteur de deux collections de compositions originales pour guitare. De plus, il est mentionné qu’en 1894, l’éditeur Zozaya publie sa méthode intitulée Método abreviado de guitarra, sachant qu’il avait déjà publié une première méthode en 1850469. Dans sa carrière, Antonio Cano a donc lui aussi alterné entre transcriptions d’airs d’opéras étrangers, ouvrages didactiques et compositions personnelles spécifiques pour guitare.

Dans la deuxième décennie du XXe siècle, des guitaristes à la fois compositeurs et interprètes suscitent même l’intérêt de journaux spécialisés tels que El Sol : Daniel Fortea# (vers 1878-1953) est par exemple présenté par Adolfo Salazar (1890-1958)470 le 27 avril 1919 comme un des artistes

465 Poète et journaliste espagnol, Cristóbal de Castro naît à Iznájar (Cordoue) en 1880 et mourra à Madrid en 1953. Il se consacre avec succès à la littérature après des études de droit et de médecine. Il est rédacteur de nombreux journaux madrilènes comme La Época, El Globo, La Correspondencia de España, El Gráfico, Diario Universal, España Nueva, El Liberal et El Heraldo de Madrid. Il fonde et préside la Asociación de Publicistas españoles y americanos. Il est l’auteur de poèmes, de romans et de pièces de théâtre. « Castro (Cristóbal de) », in Enciclopedia universal ilustrada europeoamericana, Madrid, Espasa-Calpe, 1989 [1911], XII, p. 380.

466 « Llobet, Miguel », in Diccionario de música clásica Salvat, España, Salvat, 2000, p. 362.

467 Celsa Alonso, La Canción Lírica Española en el siglo XIX, Madrid, Ediciones del ICCMU, 1998, p. 338.

468 [Anonyme], « El guitarrista Cano », in La Correspondencia…, op. cit., 22 octobre 1897, p. 1.

469 Domingo Prat, « Cano Curriela, Antonio », in Diccionario de guitarristas, op. cit., p. 74-75.

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Hommes de lettres et critique musical espagnol, Adolfo Salazar (Madrid, 1890-México, 1958) étudie la musique avec Manuel de Falla et Bartolomé Pérez Casas. Il collabore à d’importants journaux comme El Sol. Il est fondateur et secrétaire de la Sociedad Nacional de Música et vice-président de la Section Musique de l’Ateneo de Madrid en 1918. Critique renommé en Espagne, il publie notamment Música y Musicos de hoy (1928) et Sinfonía y ballet (1929). Adolfo Salazar émigrera au Mexique en 1939 où il exercera en tant que chercheur au Colegio de México. Il sera aussi