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À travers ce paragraphe, nous allons tenter de mettre en lumière un mode d’utilisation du pouvoir qui, à bien des égards, peut paraître archaïque, mais qui reflète en réalité la tradition historique et juridique de la France. Effectivement, l’analyse primaire, qui signifie par-là instinctive, consistant à soutenir que cette technique est à contre-courant de la tendance actuelle de la décentralisation, est d’une pertinence relative. Pour notre part, cette opération s’inscrit dans la tradition du droit français, c’est-à-dire d’un État unitaire décentralisé. En y regardant de plus près, à travers l’OIN, c’est l’idée du jacobinisme et du colbertisme qui est consacrée. Dès lors, la décentralisation de 1983 s’accompagne de ce contrôle de l’État, et c’est sans doute une des raisons qui a permis sa mise en œuvre. Elle est technocratique au sens grec du terme218.

Cette opération résulte de la compétence de l’État, puisque l’OIN ne peut naître que d’une décision émanant du pouvoir règlementaire (P1). Il en va de même concernant la vie de l’opération ; autrement dit, son fonctionnement est essentiellement effectué par l’État (P2).

217 PARIS-SACLAY, « Un projet urbain pour une ville campus » 26/03/2013, 17 p. PARIS-SACLAY,

« Établissement public Paris-Saclay Rapport d’activités » 27/03/2013, 20 p. SENART., « Contrat de

développement territorial » Brochure contrat de développement territorial ; SENART., « Un développement à très grande vitesse, on track for high-speed développement. » ; SENART., « 10 communes à vivre à 30 km de Paris » ; ORLY RUNGIS SEINE AMONT., « Charte de développement durable » ; ORLY RUNGIS SEINE

AMONT., « Orly-Rungis Seine Amont ». 2008 ; LA DEFENSE SEINE ARCHE., « Vers un territoire durable » Mars 2012 ; LA DEFENSE SEINE ARCHE., « Réflexions pour un territoire : Vers un projet stratégique et

opérationnel » ; EUROMEDITERRANEE., « EcoCité Marseille-Euroméditerranée » Dossier de presse

Signature du protocole financier, jeudi 30 juin 2011 »

EUROMEDITERRANEE., « Rapport d’activités 2010 » ; EUROMEDITERRANNE., « Marseille le cœur d’une grande métropole méditerranéenne. » ; MARNE LA VALLEE., « Le développement durable, une démarche transversale » ; MARNE LA VALLEE., « Le renouvellement urbain, une mission nouvelle pour les EPA » ; MARNE LA VALLEE., « Cluster Descartes le pôle d’excellence dédié à la ville durable » ; MARNE LA VALLEE., « Villages nature » ; MARNE LA VALEE., « Commission nationale du débat public Bilan du débat public sur le projet Villages Nature » ; 21/07/2011 ; .EPA SEINE AVAL., « Protocole »

EPA SEINE AVAL., « Rapport d’activités » ; BORDEAUX EURATLANTIQUE., « Règlement intérieur du conseil d’administration » ; BORDEAUX EURATLANTIQUE., « Création d’un périmètre provisoire de zone d’aménagement différé (ZAD) » 9/06/2010. 2 p.

218 LE PETIT LAROUSSE 2012, « n. f. Souvent péjoratif. Système politique dans lequel les responsables

politiques sont supplantés par les techniciens et les fonctionnaires dans la prise de décision. » Durant l’époque de la Grèce ancienne, Platon (IVe siècle av J.-C.- voulait que le gouvernement soit lié au philosophe, habitué aux

raisonnements les plus évolués à travers une formation mathématique et logique poussée, ce qui peut être vu comme une certaine forme de technocratie. Concernant Platon, les dirigeants politiques ne sont pas obligés d’expliquer ce qu’ils font des textes, car ces derniers n’ont pas de rapport avec les lois car il relève des cas particuliers de la réalité. Cette idée est très bien exprimée dans la métaphore du capitaine et du navire dans Le Politique en 289. Plus tard, dans le Gorgisas, Platon fait une comparaison entre la médecine et la cuisine, analogie entre une technocratie et une démocratie. Le concernant, c’est au médecin, c’est-à-dire à l’expert, qu’il faut se fier.

À travers ces deux paragraphes, le but est de montrer que, si le XXe siècle était marqué par la tendance générale de la décentralisation, présente dans le droit de l’urbanisme, depuis les lois Defferre de 1983, le début du XXIe siècle est marqué par une volonté de recentralisation notamment par l’intercommunalité, dont les exemples les plus significatifs sont l’existence d’établissements et de coopération intercommunale219. Dans ce paragraphe, nous mettrons en évidence l’aspect unilatéral de l’État au niveau local qui décide de la création et de la vie de l’opération.

Paragraphe 1 : Une création de l’opération à la discrétion du pouvoir règlementaire

La création se manifeste par un processus officieux et non codifié où se côtoient aspects politiques et juridiques encadrés par une intervention de la haute administration (A). Cela étant, cette création en amont encadre également de répondre à la condition de l’existence d’une OIN, à savoir la détermination de l’intérêt national (B).

A. Un caractère procédural succinct imposé par le Code

Le droit de l’urbanisme est marqué par le sceau d’une procédure à la fois complète et solide. Cette rigidité et ce formalisme qui sont à mettre au crédit du droit de l’urbanisme, devraient se retrouver pour les OIN. Pourtant, à la lecture du Code, force est d’admettre que cela n’est pas le cas. Il suffit d’un décret en Conseil d’État pour que l’OIN existe (article L. 102-1220 et suivants du Code de l’urbanisme).

219 On retrouve ici peu ou prou la philosophie de la déconcentration.

220 L’article L. 102-1 du Code de l’urbanisme modifié par l’ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015

dispose que : « L'autorité administrative compétente de l'État peut qualifier de projet d'intérêt général tout

projet d'ouvrage, de travaux ou de protection présentant un caractère d'utilité publique et répondant aux deux conditions suivantes : 1° Être destiné à la réalisation d'une opération d'aménagement ou d'équipement, au fonctionnement d'un service public, à l'accueil et au logement des personnes défavorisées ou de ressources modestes, à la protection du patrimoine naturel ou culturel, à la prévention des risques, à la mise en valeur des ressources naturelles, à l'aménagement agricole et rural ou à la préservation ou remise en bon état des continuités écologiques ; 2° Avoir fait l'objet : a) Soit d'une décision d'une personne ayant la capacité d'exproprier, arrêtant le principe et les conditions de réalisation du projet, et mise à la disposition du public ; b) Soit d'une inscription dans un des documents de planification prévus par les lois et règlements, approuvée par l'autorité compétente et ayant fait l'objet d'une publication. »

Un décret de cette catégorie est pris après avis obligatoire du Conseil d’État (section consultative des travaux publics), mais c’est le gouvernement qui demeure souverain en la matière. Ce dernier est obligé de prendre l’avis221 du Conseil d’État222, sans pour autant le suivre. Dans le cas d’un refus, trois solutions s’offrent à lui : il peut maintenir son projet initial malgré les réserves ou l’opposition, ou bien adopter le texte tel que le Conseil d’État l’a remanié, ou enfin renoncer à son projet. Il n’y a en réalité qu’une seule obligation dans le cas où il choisit de retenir une autre rédaction, qui constitue donc un nouveau projet.

Cette nouvelle version doit également être soumise à la consultation du Conseil d’État, entraînant une nouvelle procédure. On l’aura bien compris : le Conseil des ministres peut amener des modifications au texte, mais comme le présente le Conseil constitutionnel, c’est

« à la condition d’être éclairé par l’avis du Conseil d’État223 ».

Le décret en Conseil d’État n’est que la procédure qui vise à mettre en place l’OIN. Il faut dès lors que ce décret satisfasse à la notion d’intérêt national, qui doit être apprécié et réputé pour dépasser largement l’échelle communale. À la suite de cette décision, des études et des réflexions vont être menées pour voir si le statut d’OIN est applicable à l’opération envisagée.

À l’origine, il y a une zone du territoire où plusieurs projets coexistent avec une discorde entre les différents acteurs locaux. Celle-ci pouvant durer plusieurs années, comme à Marseille, où Gaston Defferre, alors maire de l’époque, évoquait un grand projet dans cette ville au moment des lois de décentralisation (1983). Dix ans plus tard, Euroméditerranée sortait de terre.

221 LEBRETON G., « Droit administratif général » 9e édition, Dalloz p 247. L’explication ci-après n’est pas

propre au décret pris après avis du Conseil d’État. Mais il a la même logique que pour ces derniers. « Il est

fréquent que l’Administration prenne des avis avant d’édicter des choix inopportuns. Du point de vue du positivisme sociologique, cette procédure consultative est très importante, car elle constitue l’un des modes d’expression de la conscience collective, dont les membres des organismes consultatifs sont en principe une émanation. Ces avis peuvent être de trois sortes : ils sont « facultatifs » quand l’autorité qui les provoque n’est obligée, ni de les demander, ni de les suivre ; « conformes », lorsqu’elle est tenue à la fois de les demander de s’y conformer. » L’Administration conserve son pouvoir discrétionnaire dans les deux premiers cas. 2002, 118,

chron. GUYOMAR et COLLIN.

222 Cette exigence se manifeste à la fois pour la délimitation du périmètre de l’opération mais également la

création de l’Établissement public d’aménagement (EPA) lorsqu’ils existent pour certaines OIN.

223 CC 3 avril 2003, JO 12 avril 2003 « loi relative à l’élection des conseillers régionaux et des représentants au

Parlement européen ». Dans sa décision, le Conseil a censuré une disposition en raison du non-respect de la

procédure de consultation. Voir les notes de G. DRAGO, AJDA 2003, p. 948 et de M.-T. VIEL, AJDA 2003, p. 1624.

Étant donné le peu de formalisme, l’intervention de l’État peut être spontanée, ou faire suite à une forte demande d’une institution locale. Dans ce dernier cas, l’État est sollicité comme une institution neutre capable de débloquer une situation qui semble inextricable. C’est l’hypothèse que l’on retrouve dans les OIN des villes de Marseille, Saint-Etienne, Nice et Bordeaux.

Ce sont les services ministériels qui s’occupent du projet. Ce qu’il est intéressant de noter, c’est qu’il s’agit d’une phase non codifiée, mais dans les faits, ce sont toujours les mêmes procédés qui se manifestent pour la mettre en place.

Afin de mieux comprendre cette phase en amont de la création d’une OIN, nous allons nous pencher sur la genèse de l’OIN « Éco-Vallée ». La plupart de toutes les OIN mises en place dans la même période ont une procédure semblable à celle-ci. De plus, l’objet d’étude de l’Éco-Vallée est la raison d’être de notre thèse.

Comme nous le supposons, une OIN se crée sur un territoire ayant un enjeu ou bien qui se démarque par ses caractéristiques.

Beaucoup d’études avaient été commandées par les collectivités locales sur la Basse vallée du Var par les collectivités publiques (Conseil général et CANCA224).

Le but de ces études était de donner à ce territoire un rayonnement national en raison de ses nombreux atouts, qui étaient mal exploités, pour en faire la métropole de la Côte d’Azur avec le Var au milieu. Ce territoire est passé d’une zone à enjeux parmi d’autres, pointée par la DTA comme une zone à intérêt225, qui allait elle-même se substituer en zone d’intérêt national226.

Les acteurs locaux conjointement avec les services du ministère de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire ont demandé au gouvernement de déléguer une mission interministérielle pour constater l’intérêt de la plaine. C’est une mission qui a donc été chargée de déterminer si l’opération de la plaine du Var relevait de l’intérêt national227.

224 Communauté d’Agglomération de Nice Côte d’Azur devenue Communauté Urbaine Nice Côte d’Azur.

225 P.-P. DANNA L’Opération d’intérêt national plaine du Var et la DTA des Alpes-Maritimes Aspects

juridiques et géopolitiques, Nice le 12 février 2008, Verbatim d’une conférence-débat du GIR MARALPIN, p. 10.

226 Cette qualification fera l’objet d’un développement ultérieur.

227 La plupart de ces missions sont constituées d’un énarque, d’un polytechnicien, d’un mineur et quelquefois

Lorsque la mission s’est terminée, ils ont remis leur rapport au Gouvernement. Ce dernier a été transmis à Monsieur ESTROSI, alors président du Conseil Général des Alpes- Maritimes, afin de l’informer que le gouvernement « allait prendre en considération cette

OIN ».

Lorsque le Gouvernement a décidé d’attribuer le régime juridique d’OIN à la plaine du Var, une mission de préfiguration228 avec la nomination sur place d’un représentant en qualité de préfigurateur a eu lieu229. Ce dernier a donc dû étudier en profondeur les différentes problématiques du territoire (les sites Natura 2000, l’inondabilité de la plaine, les problématiques des terres agricoles), regarder les études déjà réalisées, et envisager des ébauches de solutions à apporter.

Il y a eu également la mise en place de budgets230. Pour la plaine du Var, ces travaux ont duré une année231. La mission suivante du préfigurateur est d’établir un « pré-rapport » qui sera soumis aux seuls élus locaux en faisant la demande. La concertation avec les élus locaux se limite à cela. S’ensuit une version définitive qui sera transmise au Premier ministre. Le travail « de terrain » du préfigurateur s’arrête ici, pour le moment232.

C’est à ce moment précis du projet que le pouvoir politique reprend le dessus. On met en place une réunion ministérielle qui va se prononcer sur le rapport de préfiguration233. Après l’approbation, ladite réunion va mettre en place les décrets qui donneront naissance à la vie de l’OIN. Elle va notamment proposer « son périmètre et les grands items de

l’opération »234.

Dès lors, va s’installer toute une série de réunions organisées par le ministère en charge de l’urbanisme incluant les directions générales du ministère chargées de la mise en place du décret. Ce décret, ainsi élaboré, est transmis généralement par le directeur de cabinet

228 ECO-VALLEE., « Projet de territoire de l’Éco-Vallée Opération d’intérêt national » décembre 2011 p. 9

« Le 21 mai 2007, il y a eu l’installation d’une mission de préfiguration pour préparer la création de l’EPA. »

229 Il s’agit généralement d’un personnage issu de la haute Fonction Publique, et le plus souvent d’ingénieurs des

Ponts.

230 T. MARTIN, Ancien directeur-général adjoint de l’EPA Euroméditerranée, Marseille, entretien du 26 mai

2010.

231 Cette durée est très variable selon les opérations. Concernant celle d’Euroméditerranée, elle a duré trois ans. 232 La précision « pour le moment » ne s’applique que pour l’opération de la plaine du Var, puisque le

préfigurateur, M. T. BAHOUGNE, est aussi devenu le premier directeur général de l’EPA créé par la suite. Il s’agit d’un fait unique que l’on ne retrouve dans aucune autre opération.

233 En pratique, il n’est jamais désapprouvé. Ce fut le cas pour le projet de l’île Seguin.

234 T. MARTIN, Ancien directeur-général adjoint de l’EPA Euroméditerranée, Marseille, entretien du 26 mai

avec la volonté du ministre. Ce projet de décret est alors soumis pour avis au Conseil d’État. Après l’avis obligatoire du Conseil d’État, le décret rentre en vigueur235.

Se mettront en place plusieurs décrets portant notamment sur la création généralement d’un Établissement public d’aménagement (EPA)236, de Zones d’aménagement concertées (ZAC), ainsi que diverses procédures d’expropriation. Cet ensemble sera piloté par un Conseil d’administration237. Cette procédure, décrite pour l’Éco-Vallée, est peu ou prou la même pour les autres Opérations d’intérêt national en général et plus particulièrement celles de la première catégorie (opérations d’aménagement, villes nouvelles, aménagements).

Il y a donc une sorte de « droit coutumier »238 de création des OIN de cette catégorie qui semble exister.

B. La problématique relative à la détermination de l’intérêt national

L’absence de définition du mécanisme juridique d’OIN provient également de l’inexistence d’explications ou du moins de critères permettant l’identification de l’intérêt national. Le défaut de régime juridique provoque un vide autour de la notion d’intérêt national ; aucun texte dans le droit positif ne définit ce qu’est l’intérêt national, et l’État ne s’en est pas chargé non plus.

Dans la mesure où il s’agit d’un décret qui s’occupe de la création d’une OIN, le pouvoir règlementaire va également préciser ce qui relève de l’intérêt national. Il déterminera donc ce qui, pour lui, représente l’intérêt national. Cela va à l’encontre de l’idée de la décentralisation de 1983, mais reste conforme à la logique de déconcentration de l’urbanisme ainsi qu’à la réaffirmation d’un État unitaire depuis une dizaine d’années.

Cette notion d’intérêt national est intimement liée à la logique qui préside des notions comme la puissance publique et l’intérêt général. D’ailleurs, si nous devions faire une analyse

235 ECO-VALLEE., « Projet de territoire de l’Eco-Vallée Opération d’intérêt national » décembre 2011 p. 9.

Décret de création de l’Opération d’intérêt national le 7 mars 2008.

236Ibid., p 9. Décret portant création de l’EPA plaine du Var le 30 juillet 2008. 237 Ibid., p 9. Premier Conseil d’administration de la plaine du Var

238 DUFFIN-BRICCA S., « Introduction générale au Droit » 6e édition 2012-2013 Gualino lextenso éditions,

p. 111. « Historiquement, la coutume constitue la source première du droit. En ancien droit, elle jouait un rôle

prépondérant dans les pays de droit coutumier, puis elle a tendu à disparaître avec la Révolution à cause du véritable culte voué à la loi et de la place accordée au Code civil (…) Bien que non écrite, elle n’en est pas moins une véritable règle juridique, obligatoire, qui est appliquée et dont la méconnaissance est sanctionnée par les tribunaux (…) La coutume n’existe que par la réunion de deux éléments, un élément matériel constitué d’un usage, présentant certains caractères, et un élément psychologique lui conférant force obligatoire. Elle peut prendre plusieurs formes selon ses modes de formation. »

avec le droit privé, on pourrait la rapprocher de notions telles que « bon père de famille ». En droit européen, on peut évoquer l’intérêt communautaire ou encore les exigences impératives.

Il s’agit de notions qui, par leur évocation, parlent aux individus sans pour autant qu’ils soient capables d’en donner une définition exacte. On peut s’interroger de l’intérêt de la largesse d’une telle définition. La réponse peut provenir sans doute du fait qu’elle donne au gouvernement toute la latitude pour qualifier ce qu’elle entend par « intérêt national » pour éviter une limitation trop importante. Cela étant, un des buts fondamentaux du droit est l’accessibilité et l’intelligibilité de ce dernier, vis-à-vis du citoyen.

La question est la suivante : du législateur ou du pouvoir règlementaire, qui a la prérogative pour déterminer l’intérêt national ? Plus spécifiquement, est-il légal au regard du droit et de la jurisprudence française de laisser au seul pouvoir règlementaire le soin de déterminer l’intérêt national de l’OIN ? Cette question nécessite qu’on se penche sur les articles 34 et 37 de la Constitution de 1958. Cette dernière a fait le distinguo entre le pouvoir règlementaire et le pouvoir législatif. L’article 34 définit le domaine de la loi, tandis que l’article 37 définit celui du règlement. Le principe est le suivant : tout ce qui ne relève pas de la loi relève du règlement. Cette coutume a pu créer un débat doctrinal. Certains spécialistes, comme le doyen VEDEL, avaient affirmé que, désormais, la compétence de principe revenait au pouvoir règlementaire.

A contrario, et conformément au principe établi, Monsieur CHAPUS soutient que le

législateur est compétent et cela d’autant plus qu’il tire sa compétence d’une disposition constitutionnelle. Selon ce dernier, le législateur décide de ne laisser déterminer l’intérêt national239 au pouvoir règlementaire que parce qu’il le veut bien. Si tel est le cas, cela ne pourra se faire qu’à travers une habilitation législative. Sachant que l’OIN a pour effet de réduire les prérogatives communales en matière d’urbanisme, d’après la doctrine de Monsieur CHAPUS, l’opération devrait être instituée par le législateur.

Néanmoins, la thèse de M. CHAPUS est battue en brèche par la jurisprudence du Conseil constitutionnel240, qui admet l’existence d’un pouvoir règlementaire autonome, pour

239 La thèse du Professeur CHAPUS, sur ce point précis, est liée plus spécialement à la création des services

publics nationaux, mais si on raisonne par analogie avec l’OIN, on peut affirmer que l’un des caractères essentiels de ce service public est qu’il est créé pour servir l’intérêt général national.

240 Décision numéro 86-207 DC, 26 juin 1986, loi autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures