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Une forte spécialisation des travaux académiques

Section 2. Un état de la littérature relative à la gauche radicale

A. Une forte spécialisation des travaux académiques

Les travaux académiques portant sur la gauche, et plus particulièrement la gauche radicale, sont souvent monographiques, conduisant à une forte spécialisation et à une relative autonomie de l’étude des entreprises politiques les plus à gauche du champ politique. L’étude du communisme en fournit une parfaite illustration en constituant progressivement un sous-champ de la recherche (même si cette logique de spécialisation est aujourd’hui moindre), par ailleurs particulièrement clivé.

1 Notamment : Bell David (ed.), Western European Communists and the Collapse of Communism, Berg, 1993 ; Bull Martin, « The West European Communist Movement : Past, Present and Future », in Bull Martin et Heywood Paul (eds.), West European Communists Parties After the Revolutions of 1989, St. Martin Press, 1994, p. 203-222 ; March Luke et Mudde Cas, « What’s Left of the Radical Left ? The European Radical Left after 1989 : Decline and Mutation », in Comparative European Politics, 3, 2005, p. 23-49 ; Botella Joan et Ramiro Luis (eds.), The crisis of communism and party change : the evolution of West European communist and

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La présentation classique adoptée par de nombreux manuels et synthèses relatifs aux partis politiques français en atteste en ce qu’elle repose, au-delà des variantes, sur une tripartition, voire une quadripartition des partis de gauche (socialisme, communisme, extrême gauche, et régulièrement l’écologie). Dès l’introduction de son ouvrage classique, Jean Touchard s’interroge sur

l’hétérogénéité de la gauche1 et sur l’usage du pluriel pour qualifier la gauche française2. Michel

Winock distingue quant à lui quatre gauches différentes : la gauche républicaine, la gauche socialiste,

la gauche communiste et l’ultragauche3 (ou le gauchisme4). De même, François Platone5 et Eric

Agrikoliansky6 distinguent ainsi le PCF des partis d’extrême gauche. Le découpage retenu pour la

publication de deux dictionnaires sur la gauche reprend la même distinction7, tout comme François

Borella8 qui distingue les partis du système du pôle conservateur libéral, les partis du système du

pôle socialiste et communiste et enfin, les partis hors système (extrême droite, écologiste et extrême gauche). Cette présentation est désormais datée, notamment en ce qui concerne la classification des

écologistes ou les partis étudiés9 (le PSU, par exemple, y figure en bonne place). Mais elle tend

également à cloisonner parti communiste et partis d’extrême gauche sur le seul critère de la participation aux institutions. Ces partis se distinguent fortement quant à leur participation au fonctionnement des institutions, mais leur investissement lors des différentes compétitions électorales contraint fortement les agendas partisans, même si les militants des différents partis de la gauche radicale n’y accordent pas la même valeur.

Les synthèses régulièrement actualisées publiées sous la direction de Pierre Bréchon, tout comme

le récent ouvrage dirigé par Pascal Delwit10 consacrent des chapitres distincts au PCF11 et à l’extrême

gauche12 pour le premier, et traitent séparément le PCF1, le NPA2 et LO3 pour le second. Les partis de

1 Touchard Jean, La gauche en France depuis 1900, Editions du Seuil, Paris, 1977.

2 C’est d’ailleurs le pluriel que Jean-Jacques Becker et Gilles Candar retiennent, tout comme Fabien Conord.

Cf. Becker Jean-Jacques et Candar Gilles (dir.), Histoire des gauches en France. Tome 2. XXe siècle : à l’épreuve de l’histoire, Editions La Découverte, Paris, 2005 ; Conord Fabien, Les gauches européennes au XXe siècle,

Editions Armand Colin, Paris, 2012.

3

Winock Michel, La gauche en France, op. cit., p. 26-29.

4 Terme qu’il utilisait dans la rédaction du complément à l’ouvrage de Jean Touchard. Cf. Touchard Jean, La

gauche en France depuis 1900, op. cit.

5

Platone François, Les partis politiques en France, Editions Milan, Toulouse, 2007, p. 24-27.

6

Agrikoliansky Eric, Les partis politiques en France, op. cit., p. 81-97.

7 Hatzfeld Hélène, Mischi Julian, Rey Henri (dir.), Dictionnaire de la gauche, Editions Larousse, Paris, 2007 ; Cosseron Serge, Dictionnaire de l’extrême gauche, Editions Larousse, Paris, 2007.

8

Borella François, Les partis politiques dans la France d’aujourd’hui, op. cit.

9 Publiant avant l’émergence électorale des partis trotskistes (LO, LCR), François Borella les évoque rapidement, contrairement au PSU auquel il consacre de larges développements. Cf. Borella François, Les partis politiques

dans la France d’aujourd’hui, op. cit., p. 219-236.

10 Delwit Pascal (dir.), Les partis politiques en France, op. cit.

11 Greffet Fabienne, « Le Parti communiste français : l’espoir du retour », in Bréchon Pierre (dir.), Les partis

politiques français, op. cit., p. 155-180.

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la gauche radicale font également l’objet de trois contributions dans l’ouvrage de Guillaume Bernard

et Eric Dusquesnoy4, portant respectivement sur le PCF5, l’altermondialisme6 et l’extrême gauche7, et

de quatre dans l’ouvrage dirigé par Bertrand Geay et Laurent Willemez8, ce dernier ouvrage se

distinguant cependant par un chapitre consacré aux tendances de la gauche du PS9. Le même

principe de spécialisation est partiellement et indirectement à l’œuvre dans les ouvrages d’Irène

Pereira10, Philippe Raynaud11 ou encore Xavier Crettiez et Isabelle Sommier12. Ces trois ouvrages

reposent sur des programmes de recherche différents, mais partagent une même ambition de rationalisation scientifique de l’hétérogénéité des acteurs de la gauche radicale et une logique de décloisonnement de l’étude de la gauche radicale en ce qu’ils ne limitent pas leurs travaux aux seuls acteurs politiques de la gauche radicale. Irène Pereira tente d’en rendre compte par la construction d’idéaux-types et les outils de la sociologie pragmatique. Philippe Raynaud fait le choix d’une exposition/discussion de quelques philosophes perçus comme des auteurs influents à l’extrême gauche. Enfin, Xavier Crettiez et Isabelle Sommier tendent à une démarche plus encyclopédique visant à appréhender l’ensemble des « acteurs de la contestation » à travers les différentes « figures

du rebelle »13 et la définition de sept familles rebelles distinctes14. Ces travaux partagent une hypothèse initiale particulièrement forte et non explicitée résidant dans l’exclusion de l’étude du PCF comme acteur de la contestation. Ainsi, alors même que d’importants développements sont consacrés à certaines composantes du FG, Irène Pereira n’explicite pas son choix d’exclure le PCF de son étude. De même, les partis politiques figurent en bonne place parmi les acteurs des différentes figures de rébellions étudiées par Xavier Crettiez et Isabelle Sommier : les partis autonomistes sont

1 Delwit Pascal, « Le parti communiste français et le Front de gauche », in Delwit Pascal (dir.), Les partis

politiques en France, op. cit., p. 59-85.

2 Salles Jean-Paul, « De la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) au Nouveau parti anticapitaliste (NPA) : l’impossible mutation ? », in Delwit Pascal (dir.), Les partis politiques en France, op. cit., p. 109-126.

3 Lanuque Jean-Guillaume et Lévy Pierre, « Lutte ouvrière, monolithe du trotskisme ? », in Delwit Pascal (dir.),

Les partis politiques en France, op. cit., p. 127-147.

4

Bernard Guillaume et Dusquesnoy Eric (dir.), Les forces politiques françaises, op. cit.

5 Andolfatto Dominique, « Construction et déconstruction », p. 219-228.

6 Courtois Stéphane, « De l’internationalisme à l’altermondialisme », in Bernard Guillaume et Dusquesnoy Eric (dir.), Les forces politiques françaises, op. cit., p. 229-233.

7

Pina Christine, « Entre permanences révolutionnaires et évolutions nécessaires. Les extrêmes gauches », in Bernard Guillaume et Dusquesnoy Eric (dir.), Les forces politiques françaises, op. cit., p. 235-252.

8

Geay Bertrand et Willemez Laurent (dir.), Pour une gauche de gauche, op. cit. Deux chapitres sont consacrés aux partis trotskistes et un au PCF.

9 Lefebvre Rémi, « Militer au parti socialiste pour le transformer. L’engagement à la « gauche » du PS », in Geay Bertrand et Willemez Laurent (dir.), op. cit., p. 217-237.

10

Pereira Irène, Les grammaires de la contestation, op. cit.

11 Raynaud Philippe, L’extrême gauche plurielle, op. cit.

12 Crettiez Xavier et Sommier Isabelle (dir.), La France rebelle, op. cit.

13

Ibid., p. 13-28.

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ainsi appréhendés comme relevant d’une forme de rébellion contre l’Etat1, tandis que de nombreux

partis (droite radicale, extrême gauche notamment) sont étudiés comme partie prenante d’une

« radicalisation idéologique »2. Cependant, pour la gauche, seuls les partis situés « à la gauche des

partis historiques »3 sont étudiés.

Un second trait caractéristique des travaux portant sur la gauche radicale s’ajoute à la prédominance des études monographiques : les partis de la gauche radicale ont fait l’objet d’un intérêt très variable de la recherche en science politique. Alexandre Dézé fait très justement remarquer que les « petits partis », c’est-à-dire ceux n’étant pas en capacité d’exercer le pouvoir,

sont moins étudiés en science politique4. Si les travaux sont nombreux sur le PCF5 – ce parti ayant

longtemps été le plus étudié en France6 –, mais aussi sur la LCR et dans une moindre mesure sur LO7

(ces deux partis restant cependant bien moins étudiés que le PCF), les nouvelles entreprises

partisanes comme le PG ou la FASE8 ne font que très rarement l’objet d’analyses universitaires, pas

plus que l’étude des partis de droite ou du centre comme le relèvent Florence Haegel9 et Julien

Fretel10. Existant depuis novembre 2008, le PG est une entreprise politique encore largement

méconnue11. A titre d’exemple, aucun chapitre n’est consacré à ce parti dans les manuels consacrés

aux partis politiques français12 publiés après la création de ce parti, sans pour autant qu’il en soit

totalement absent. En comparaison, la transformation de la LCR en NPA à la même époque a été

1

Crettiez Xavier et Sommier Isabelle (dir.), La France rebelle, op. cit., p. 47-149.

2

Ibid., p. 151-215.

3 Ibid., p. 179.

4

Dézé Alexandre, Le Front national : à la conquête du pouvoir ?, op. cit., p. 55.

5 Stéphane Courtois relève une forte disparité entre l’étude du communisme avant 1989 qui « a fasciné des

générations d’historiens et de politistes » et l’après-1989 « encore largement inexploré ». Cf. Courtois Stéphane,

« Il y a un quart de siècle… », in Communisme, Editions Vendémiaire, Paris, 2014, p.6.

6

Lavabre Marie-Claire et Platone François, Que reste-t-il du PCF ?, op. cit., p. 10. Le FN est aujourd’hui l’un des partis les plus étudiés. Cf. Dézé Alexandre, Le Front national, op. cit., p. 19 ; Crépon Sylvain, Enquête au cœur du

nouveau Front national, Nouveau Monde Editions, Paris, 2012, p. 19.

7

Pour une synthèse de la littérature académique relative aux partis de l’extrême gauche trotskiste, cf. Salles Jean-Paul, La Ligue communiste révolutionnaire (1968-1981). Instrument du Grand Soir ou lieu

d’apprentissage ?, Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2005, p. 22-28.

8

Les travaux portant sur la FASE sont très rares. Irène Pereira s’est cependant intéressée à son appareillage idéologique qu’elle considère relever d’une « grammaire nietzschéenne ». Cf. Pereira Irène, Les grammaires de

la contestation, op. cit., p. 159-161.

9

Haegel Florence, Les droites en fusion, op. cit., p. 18-23.

10

Fretel Julien, Militants catholiques en politique. La nouvelle UDF, thèse de science politique, Université Paris I, 2004, p. 11.

11

Les livres de cadres de ce parti représentent une source importante, en particulier celui d’Eric Coquerel, riche en détails sur ce nouveau parti et le fonctionnement du FG, même s’il n’est pas exempt d’illusions héroïques.

Cf. Coquerel Eric, Au cœur du front de gauche, Editions Arcane 17, Paris, 2012.

12 Bréchon Pierre (dir.), Les partis politiques français, op. cit. ; Delwit Pascal (dir.), Les partis politiques en

France, op. cit. ; Lambert Frédéric et Lefranc Sandrine, 50 fiches pour comprendre la science politique, op. cit.,

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bien mieux étudiée1. L’étude du PG est encore moins détaillée dans La gauche radicale en Europe,

ouvrage pourtant rédigé par des intellectuels proches du FG2. Néanmoins, le PG a fait l’objet de

quelques travaux portant sur la fonction d’élaboration programmatique3 et son corpus doctrinal4, sur

le rôle de la mobilisation référendaire de 2005 dans le processus de dissidence du groupe

Mélenchon5 et de la résistance à la construction européenne6. Sans étudier spécifiquement le PG, ni

même les dissidents socialistes, Rémi Lefebvre fournit, par son analyse du militantisme à la gauche du PS, de nombreux éléments de compréhension de la trajectoire du groupe Mélenchon, permettant de penser la dissidence comme une opportunité de se reconvertir dans un engagement moins

coûteux sur un plan identitaire7. Plus généralement, la dissidence du groupe Mélenchon et de la

construction du PG doivent être appréhendées au regard de l’évolution du PS et de l’engagement socialiste, même si cette dissidence ne doit pas être réduite à une simple réaction mécanique aux

1

Plusieurs travaux évoquent avec précision ce processus de transformation organisationnelle et militante, cf. Johsua Florence, « Le parti doit changer de bases », op. cit. ; Bonnemaison Didier, « Changement de nom : de la LCR au NPA », in Orfali Birgitta (dir.), La banalisation de l’extrémisme à la veille de la présidentielle.

Radicalisation ou dé-radicalisation ?, Editions l’Harmattan, Paris, 2012, p. 87-106 ; Bonnemaison Didier, « De la

Ligue Communiste Révolutionnaire au Nouveau Parti Anticapitaliste », in De Waele Jean-Michel et Seiler Daniel-Louis, Les partis de la gauche anticapitaliste en Europe, op. cit., p. 305-322 ; Salles Jean-Paul, « De la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) au Nouveau parti anticapitaliste (NPA) : l’impossible mutation ? », op.

cit. ; Mathieu Romain, « La gestion du fait religieux dans la construction d’une nouvelle offre partisane. La

« candidate voilée » du NPA », in Grabias Fanny, Marti Gaëlle et Seurot Laurent (dir.), Le fait religieux en droit

public, Presses universitaires de Nancy / Editions universitaires de Lorraine, Nancy, 2014, p. 123-149.

Concernant les transformations sociologiques de la LCR, cf. Descourrière Line, Le recrutement des militants de

la LCR, mémoire de science politique, Université Lille 3, 2002 ; Rizet Stéphanie, La distinction militante, op. cit. ;

Rizet Stéphanie, « Qu’est-ce qui fait courir les militants de la ligue communiste révolutionnaire ? », in

Sociologies pratiques, 15 (2), 2007, p. 69-81 ; Johsua Florence, « La dynamique militante à l’extrême gauche », op. cit. ; Joshua Florence, « Les conditions de (re)production de la LCR. L’approche par les trajectoires

militantes », in Haegel Florence (dir.), Partis politiques et système partisan en France, op. cit., p. 25-67 ; Johsua Florence, De la LCR au NPA (1966-2009) : sociologie politique des métamorphoses de l’engagement

anticapitaliste, thèse de science politique, Institut d’études politiques de Paris, 2011 ; Johsua Florence,

« Repenser la production sociale de la révolte. A partir d’une étude des transformations du recrutement à la LCR depuis 2002 », in Revue française de science politique, 63 (5), 2013, p. 841-864.

2 Ducange Jean-Numa, Marlière Philippe et Weber Louis, La gauche radicale en Europe, Editions du Croquant, Bellecombe-en-Bauges, 2013, p. 45-46.

3

Ducruet Mathilde, L’activité programmatique dans un parti en construction : le cas du PDG, mémoire de science politique, EHESS, 2010.

4 Pereira Irène, Les grammaires de la contestation, op. cit., p. 116-120.

5

Mathieu Romain, « « Respectez notre non ! ». Du 29 mai 2005 à la construction du Parti de gauche (2005-2008) », in Cahier d’histoire immédiate, 47, 2015, p. 15-39.

6 Reungoat Emmanuelle, Résister, c’est exister ? Comprendre la construction des résistances à l’intégration

européenne au sein des partis politiques français (1979-2009), thèse de science politique, Université Paris I,

2012 ; Escalona Fabien et Vieira Mathieu, « Le sens et le rôle de la résistance à l’UE pour le parti de gauche », in

Politique européenne, 43 (1), 2014, p. 68-92. La centralité de l’enjeu européen dans la dissidence du groupe

Mélenchon peut également être appréhendée comme la manifestation, en poursuivant l’analyse de Florence Haegel quant à la création du MDC, du MPF, du RPF et de CPNT, d’un clivage « imparfaitement pris en charge

par les organisations dominantes », ici la question nationale face à la construction européenne. Cf. Haegel

Florence, « Pertinence, déplacement et renouvellement des analyses en termes de clivage en France », in

Revue internationale de politique comparée, 12 (1), 2005, p. 38.

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transformations affectant le PS1. Enfin, les travaux de Benoît Verrier sur la trajectoire politique de

Jean-Pierre Chevènement et la création du MDC2 permettent d’effectuer de nombreuses analogies

avec la trajectoire du groupe Mélenchon. Enfin, le PG apparaît dans les travaux portant sur le PCF3,

les chroniques électorales4 et/ou de vie politique5 et enfin, dans certaines approches comparatives.

Cependant, le PG n’en constitue pas pour autant l’objet principal de ces travaux, ce parti n’apparaissant le plus souvent que comme partie prenante d’une coalition dominée par le PCF, sans réelle prise sur le fonctionnement de cette coalition. La rareté des travaux portant sur le PG peut recevoir plusieurs types d’explications. La première, et probablement la moins importante, tient à son caractère récent puisque ce parti n’existe que depuis 2008. Cependant, la création simultanée du NPA a suscité davantage d’intérêt et le PG ne peut être considéré comme une organisation entièrement nouvelle en ce que ce parti succède à plusieurs organisations, dont la principale était fortement structurée. Une deuxième explication réside dans la position occupée par ce parti dans le champ politique : issu de la dissidence d’un groupe militant marginal au PS, s’associant avec un parti en déclin, et intégrant un espace de la gauche radicale perçu comme saturé d’organisations. Le recours à un leadership charismatique autour de la figure de Jean-Luc Mélenchon a également facilité la catégorisation de ce parti comme celle d’un leader sans militants. Enfin, un troisième type d’explication possible réside dans la spécialisation de l’étude des partis politiques français, le PG se trouvant à l’intersection de plusieurs sous-champs disciplinaires.

La coalition dont le PG est, avec le PCF, l’une des organisations fondatrices n’est guère plus étudiée, hormis dans des études électorales et par les spécialistes du PCF (dans une perspective monographique et diachronique), en particulier Dominique Andolfatto, Fabienne Greffet et Julian

1 Sur les transformations du PS, cf. Lefebvre Rémi et Sawicki Frédéric, La société des socialistes. Le PS

aujourd’hui, Editions du Croquant, Bellecombe-en-Bauges, 2006 ; Barbony Thierry, Les changements d’une organisation, op. cit. ; Lefebvre Rémi, Les primaires socialistes. La fin du parti militant, Editions Raisons d’agir,

Paris, 2011.

2 Verrier Benoît, « Chronique d’une rupture », art. cit. ; Verrier Benoît, Loyauté militante et fragmentation des

partis, op. cit.

3

Mischi Julian, Le communisme désarmé, op. cit., p. 279-280 ; Greffet Fabienne, « Le Parti communiste français : l’espoir du retour », op. cit., p. 164 ; Andolfatto Dominique et Greffet Fabienne, « Le Parti communiste français : une reconversion sous contraintes », in De Waele Jean-Michel et Seiler Daniel-Louis, op.

cit., p. 163 ; Andolfatto Dominique et Greffet Fabienne, « Le parti de Marie-George Buffet : la survie, à quel

prix ? », in Communisme, 97-98, 2009, p. 141-173 ; Delwit Pascal, « Le parti communiste français et le Front de gauche », op. cit., p. 59-85.

4

Cautrès Bruno, « Le vote Mélenchon. Le poids de l’héritage communiste et les limites d’une dynamique », in Perrineau Pascal (dir.), Le vote normal. Les élections présidentielle et législatives d’avril-mai-juin 2012, Presses de Sciences Po, Paris, 2013, p. 111-131.

5

Andolfatto Dominique, « Chronique du PCF du 1er janvier 2005 aux élections européennes de 2009 », in

Communisme, 97-98, 2009, p. 175-203 ; Andolfatto Dominique, « Manœuvres à la gauche du PS (2005-2009) », in Histoire et Liberté. Les cahiers d’histoire sociale, 38, 2009, p. 19-28 ; Andolfatto Dominique, « Splendeurs et

misères du Front de gauche. Jean-Luc Mélenchon, le PCF et les élections de 2012 », in Communisme, Editions Vendémiaire, Paris, 2013, p. 465-511 ; Andolfatto Dominique et Courtois Stéphane, « France : la chute de la maison communiste », in Communisme, Editions Vendémiaire, Paris, 2014, p. 63-98.

40

Mischi. En resituant l’émergence d’une coalition dans le temps long de l’évolution de sa principale composante, ces travaux ont mis en exergue l’importance de la variable historique sur la coalition. D’une part, les travaux portant sur la géographie du vote en faveur du FG ont démontré les

similitudes avec les cartes du vote communiste1. Dominique Andolfatto a également pu mettre en

exergue une (relative) dynamique électorale dans des centres urbains et universitaires sans tradition

de vote communiste2. D’autre part, ces travaux nous invitent à penser l’entrée en coalition comme

intéressée et contingente. Pour les cadres communistes, le FG constitue une nouvelle tentative de

contrer l’érosion de leurs résultats électoraux3 et de limiter les effets de la domination induite par les

alliances avec le PS. En ce sens, la mise en place d’une coalition se nourrit de l’expérience accumulée par les cadres communistes pour (tenter de) répondre au déclin de l’influence électorale du PCF. Ces travaux soulignent enfin la forte conflictualité intra-partisane résultant de ce choix tactique qui

rencontre l’hostilité des segments les plus orthodoxes4 qui craignent un effacement du PCF et

conduit à une (légère) amélioration des résultats électoraux combinée paradoxalement à de

nombreuses pertes électives5. Ces approches ont cependant une limite en ce qu’elles conduisent à

surévaluer le poids de la principale composante de la coalition, délaissant de ce fait l’étude des dynamiques d’interaction entre les acteurs coalisés. Dès lors, une approche complémentaire réside

dans l’étude du fonctionnement concret de la coalition6. Le recours à des analyses localisées de la