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Un recours ciblé à l’observation directe

Chapitre 1. Méthodologie et corpus d’enquête

D. Un recours ciblé à l’observation directe

Les données issues du recueil et du dépouillement de documents écrits produits par les partis étudiés, des questionnaires et des entretiens ont été complétées par un recours ciblé à l’observation

directe1 afin de compléter et confronter certaines de nos données. Le recours à des observations

directes est ainsi nécessaire pour saisir l’économie des échanges entre partis coalisés et la complexité des interactions de coopération et de concurrence qui constituent la réalité d’une coalition, bien davantage que l’expression centrale des divergences entre partis. En effet, les leaders partisans expriment régulièrement leurs divergences avec les partis les plus proches (qu’ils soient ou non partie prenante du FG). Néanmoins, cette expression est hautement stylisée et rationalisée, au sens où elle est justifiée par le recours à de grands principes qui voilent des motivations souvent plus prosaïques et que cette expression constitue toujours un coup joué dans les luttes qui opposent spécifiquement les acteurs de la gauche radicale. Les exemples en sont nombreux. Proposer l’unité (lors d’une échéance électorale, pour une action de contestation, etc.) n’est pas forcément fait pour aboutir, mais peut également exprimer une lutte de placement et de classement visant à étiqueter un concurrent du stigmate de la désunion. De même, les campagnes électorales sont des séquences propices à l’exacerbation des différences. Par ailleurs, il ne faut jamais oublier que la rupture du

secret des négociations2, tout comme la dramatisation des enjeux, constituent une « arme » comme

une autre pour faire valoir ses vues et s’imposer.

Dès lors, le recours à l’observation directe permet un décentrement propice à l’analyse des interactions entre organisations d’un même espace politique ou d’une même coalition. Ces observations ont été réalisées en différents lieux et lors de différents types d’activités allant des plus

ouverts (manifestations, meetings3, réunions publiques) aux plus fermées, voire secrètes

(négociations électorales). L’anonymat4 des évènements ouverts (non réservés aux militants et/ou

aux dirigeants) permet d’observer les pratiques militantes et les luttes qui s’y déroulent à la

1

Sur la méthodologie de l’observation directe, ses avantages et limites, cf. Arborio Anne-Marie et Fournier Pierre, L’observation directe, 3e édition, Editions Armand Colin, Paris, 2011.

2

Comme le montre parfaitement Nicolas Bué, cf. Bué Nicolas, « Usages et fonctions du secret dans les relations entre entreprises politiques », op. cit.

3 Pour une approche historique des meetings électoraux, cf. Cossart Paula, Le meeting politique. De la

délibération à la manifestation (1868-1939), Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2010. Sur les différents

usages des meetings, cf. Combes Hélène, « Meetings de fin de campagne au Mexique et ethnographie des milieux partisans », in Politix, 85 (1), 2009, p. 149-179.

4 Même dans ce cas, l’observateur n’est jamais totalement extérieur à l’évènement qu’il observe au sens où l’observation d’un meeting, d’une réunion publique ou d’une manifestation le conduit à être inséré dans un public a priori favorable au parti étudié. Il convient dès lors d’évoquer une forme de « participation passive ».

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condition de porter attention, tout autant, si ce n’est davantage, à ce qui déroule en marge de ces évènements et dans le public, plutôt que sur scène. En effet, si ce qui se passe sur scène est maîtrisé et relève d’une mise en forme, relativement cadrée et aseptisée, du message partisan, ce qui se passe dans le public et dans l’organisation – sans même évoquer ici les « coulisses » d’un évènement partisan dont l’accès nécessite soit la participation, soit une autorisation expresse – est particulièrement riche d’enseignement. Ces évènements constituent alors des univers complexes –

Julien Fretel considère ainsi les meetings comme des « institutions dans l’institution partisane »1 – où

se donnent à voir les différentes dimensions d’une entreprise politique : discours et propagande,

interactions entre les différents publics du parti2 (militants, sympathisants, électeurs, curieux, etc.),

interactions concrètes d’une entreprise en campagne. Les meetings du FG lors de la campagne présidentielle de 2012 étaient, côté scène, un haut lieu de célébration de l’unité de la coalition, tout en permettant l’observation de nombreuses micro-concurrences opposant des équipes partisanes nettement différenciées. Les congrès partisans ne permettent pas le même anonymat du chercheur, même si ces évènements ne sont pas « fermés » et se caractérisent par le nombre important de participants. En effet, pour les trois partis étudiés (PCF, NPA, PG), les séquences à huis clos sont rares et résiduelles (à l’inverse de partis comme LO ou GU). Pour autant, l’entrée n’y est pas « libre » au sens où il est nécessaire d’obtenir un statut permettant d’y accéder. Même si les partis étudiés ont immédiatement et sans négociation autorisé la présence d’un chercheur, le statut (selon les cas, « invité », « exposant » ou « presse ») – se donnant à voir par le badge obtenu –, comme la distribution et la récupération du questionnaire, sont autant d’attributs assignant un rôle et influant

potentiellement sur les observations3. L’entre-soi militant que constituent les congrès permet un

phénomène de réassurance collective, mais également l’homogénéisation des grilles de lecture des participants, notamment en ce qui concerne leurs rapports aux autres partis, etc. En d’autres termes, ces évènements permettent l’observation des logiques de différenciation partisane.

Que cela soit dans l’observation des campagnes électorales, des manifestations ou fêtes organisées par les partis politiques, ou même lors des congrès, le degré de participation de l’enquêteur reste faible. L’observation des négociations électorales est, sur cet aspect, bien

1

Fretel Julien, « Le meeting présidentiel, une institution dans l’institution partisane. Les meetings du Modem pendant l’élection présidentielle de 2012 », communication pour la section thématique n°24, « Un retour des meetings électoraux ? Les meetings dans la campagne présidentielle : dispositifs, acteurs et publics », 12e congrès de l’Association française de science politique, Paris, 2013.

2

Comme le montre Maëlle Moalic-Minnaert à propos des meetings de LO. Cf. Moalic-Minnaert Maëlle, « Transformer le public d’un soir en l’acteur du grand soir », communication pour la section thématique n°24, 12e congrès de l’Association française de science politique, Paris, 2013.

3

Ainsi, lors du congrès du NPA, seul l’accès à la salle plénière lors de la présentation des comptes du parti nous a été impossible, ce qui a pu être contourné en allant « squatter » l’entrée du congrès où se réunissaient les participants en « pause cigarette ». Il ne s’agissait pas tant d’obtenir des informations sur les comptes du parti que de saisir l’économie générale de ce débat et d’observer ces moments interstitiels pendant lesquels se développent des discussions informelles, se forgent des convictions et se rejouent certains débats.

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différente. En effet, le secret des négociations, tout autant que la dimension réduite des réunions, rend plus difficile une observation non (ou faiblement) participante. Comme Rémi Lefebvre et

Guillaume Marrel1, nous avons privilégié l’étude de la composition des listes en ce qu’elles

constituent des dispositifs électoraux reflétant les contraintes et les croyances au sein d’une organisation politique quant à ce qui permet de constituer « une bonne liste », mais également la cristallisation fugace de l’équilibre des tensions au sein d’une coalition ou d’un parti politique. Il n’en reste pas moins que l’observation directe d’une séquence de négociations (décembre 2009-janvier 2010) a permis la validation de cette hypothèse en constatant l’importance accordée par les acteurs de cette négociation, non seulement aux places obtenues, mais à leur adéquation avec la position qu’ils considèrent devoir occuper dans la coalition. En d’autres termes, lors de ces négociations, lutter pour une place ne signifiait pas tant lutter pour les ressources politiques qui y correspondent (les chances d’obtenir des élus étant des plus réduites), mais lutter pour la reconnaissance et pour « tenir sa place ». De même, ces observations permettent de saisir le jeu des acteurs, leurs tactiques pour s’ajuster aux coups de leurs associés mais néanmoins rivaux, leurs recherches d’informations visant à anticiper les coups des autres acteurs, etc. En ce sens, l’observation d’une négociation électorale, comme des différents évènements susmentionnés, dévoile sous un angle différent l’économie symbolique de la coalition.

L’observation de ces négociations a nécessité une participation, en tant que membre d’une délégation partisane. Cependant, cette participation active (contrairement aux autres situations

d’observation) est restée faible2. D’une part, bien que plus restreints que les manifestations,

meetings ou congrès, ces « rounds » de négociation comportaient tout de même entre quarante et parfois cinquante participants. Ce nombre inhabituel de militants pour une négociation peut recevoir trois types d’explications. Tout d’abord, les règles juridiques relatives aux élections régionales ont conduit les acteurs à mettre en place, lors des négociations, une représentation de délégations issues des quatre départements lorrains. Ensuite, le grand nombre d’entreprises politiques parties prenantes de ces négociations, cumulé à la représentation géographique des départements, a conduit à la démultiplication des délégations partisanes. Potentiellement, chaque parti disposait

1

Lefebvre Rémi, « La composition des listes socialistes aux élections régionales », in Savoir/agir, 10, 2010, p. 55-64 ; Lefebvre Rémi et Marrel Guillaume, « Logiques partisanes, territorialisation et capital politique européen. La constitution en France des listes socialistes aux élections européennes de 2009 », in Cultures et

conflits, 85-86, 2012, p. 139-162.

2 Notre position dans cette observation est identique à celle adoptée par Christophe Broqua : « J’ai choisi une

démarche d’observateur simple lorsqu’elle me semblait possible sans m’interdire l’accès aux informations que je souhaitais recueillir et qu’en revanche, une participation supérieure aurait trop influé sur la situation observée. C’était notamment le cas lors de la « réunion hebdomadaire » (RH), au cours de laquelle je ne prenais jamais la parole et me contentais de voter les décisions du groupe, comme le font tous les militants encartés dont je faisais partie. ». Cf. Broqua Christophe, « L’ethnographie comme engagement : Enquêter en terrain militant », in Genèses, 75 (2), 2009, p. 109-124.

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d’une représentation par département. Enfin, les différences de culture organisationnelle quant aux processus décisionnels (certains partis étant de tradition « centralisée », quand d’autres mettent en avant une dimension « basiste ») et, dans certains cas, la nécessité de représenter les différents segments d’un même parti, ont abouti à des délégations nombreuses. Dans ce cadre, la participation, même au titre d’une délégation partisane, n’est pas forcément corrélée à l’investissement dans les luttes entre les différentes équipes en présence. En effet, dans cette configuration, les participants ne prennent pas tous la parole, mais leur nombre permet de faire nombre et de s’imposer comme un partenaire. En d’autres termes, le rôle de tous les délégués n’est pas tant d’être actif, mais bien d’être passif au sens où leur seule présence constitue un point d’appui aux délégués/porte-parole,

moins nombreux, s’exprimant au nom d’une équipe politique supposée homogène1. D’autre part,

cette observation participante a été particulièrement limitée temporellement en ce que cette participation a été limitée aux réunions de négociations, avec une sortie du terrain dès les négociations terminées alors même que les réunions se sont pérennisées sous la forme d’un collectif

de campagne (qui aurait nécessité une implication dans l’action militante beaucoup plus forte2).

L’observation des négociations est d’ailleurs la seule situation où s’est véritablement posée la question de la sortie du terrain au sens où les autres évènements partisans observés étaient circonscrits.

E. « Engagement et distanciation ». Du rapport à l’objet d’étude comme instrument

de recherche

« Le problème devant lequel se trouvent placés les spécialistes en sciences humaines ne peut donc pas être résolu par le simple fait qu’ils renonceraient à leur fonction de membre d’un groupe au profit de leur fonction de chercheur. Ils ne peuvent cesser de prendre part aux affaires sociales et politiques de leur groupe et de leur époque, ils ne peuvent éviter d’être concernés par elles. Leur propre participation, leur engagement conditionne par ailleurs leur intelligence des problèmes qu’ils ont à résoudre en leur qualité de scientifiques. Car, si pour comprendre la structure d’une molécule on n’a pas besoin de savoir ce que signifie se ressentir comme l’un de ses atomes, il est indispensable, pour comprendre le mode de fonctionnement des groupes humains, d’avoir accès aussi de l’intérieur à l’expérience que les hommes ont de leur propre groupe et des autres groupes ; or on ne peut le savoir sans participation et engagements actifs »3

1

Ce schéma ne correspond cependant qu’au parti se présentant dans ces négociations comme homogène. La participation à ces négociations au titre d’un parti portant une culture organisationnelle promouvant la prise de parole individuelle, y compris contradictoire avec les objectifs affichés officiellement par l’entreprise considérée (ce qui a été le cas de l’un des partis dans cette négociation), aurait été toute différente.

2 Dès lors, le fonctionnement en coalition, combiné à la dimension conflictuelle de ces interactions, aurait fortement accru le risque d’enclicage et fermé ensuite des opportunités de mener des entretiens avec des cadres et militants de tous les partis de cette coalition, ce qui explique une sortie rapide de ce terrain.

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Dans Engagement et distanciation, Norbert Elias souligne avec force les problèmes posés par les sciences humaines et sociales, dont l’objet rend impossible l’idée d’une complète extériorité du chercheur face à son objet. L’objet « politique », en ce qu’il touche aux convictions et aux croyances des chercheurs (qui sont également des « citoyens », des « électeurs », etc.), est particulièrement sensible aux interrogations que soulève Norbert Elias. A ce titre, l’étude d’un parti ou d’une cause pour lequel le chercheur n’entretient aucune empathie n’est pas en soi un gage d’objectivité et de mise à distance suffisante : « Ces réflexions peuvent avoir une dimension déontologique, qu’il s’agisse

de la difficulté à gérer des loyautés contradictoires quand les milieux partisans étudiés sont aux antipodes des convictions du chercheur ou que les enquêteurs interviennent au contraire dans des milieux pour lesquels ils manifestent une grande empathie »1. Ainsi, la journaliste Anne Tristan relate son enquête au sein du FN et son malaise face à l’empathie qu’elle se sent manifester pour des

militants frontistes dont elle abhorre les idées2. Les sociologues Michel Pinçon et Monique

Pinçon-Charlot3, spécialistes de la grande bourgeoisie, ont régulièrement souligné la difficulté de gestion de

ces « loyautés contradictoires ». Les précautions d’écriture prises par Sylvain Crépon pour rendre

compte de son enquête fouillée auprès des militants du FN en constituent une autre illustration4. De

même, Carole Bachelot remarque avec justesse toutes la difficulté posée par « l’idéal d’une relation a

priori distanciée », une fois confrontée à son terrain : « L’immersion sans adhésion s’est soldée dans mon cas par le fait de nouer des relations suivies et amicales qui ont sans doute limité l’angle de l’observation (il est toujours plus facile et agréable de rester en terrain connu) et ont entraîné sa prolongation au-delà de ce qui était requis par la saturation des hypothèses»5. Stéphanie Rizet dresse

le même constat et considère, à l’instar de Rémi Lefebvre6, que l’implication peut tout aussi bien

amener à la dénonciation et/ou à la complaisance, qu’à l’inverse, à nourrir et stimuler la recherche et

« l’envie de comprendre », à la condition que l’implication soit « reconnue et relativement maîtrisée »7. Commun à toute entreprise de recherche en sciences humaines et sociales8, cet enjeu

1 Bachelot Carole et al., « Les partis s’intéressent-ils à nos enquêtes ? », art. cit., p. 31-46.

2

Tristan Anne, Au Front, Editions Gallimard, Paris, 1987.

3 Pinçon Michel et Pinçon-Charlot Monique, Les ghettos du gotha. Au cœur de la grande bourgeoisie, Editions du Seuil, Paris, 2007, p. 313-330 ; Pinçon Michel et Pinçon-Charlot Monique, « Pratiques d’enquête dans l’aristocratie et la grande bourgeoisie : distance sociale et conditions spécifiques de l’entretien semi-directif »,

in Genèses, 3 (1), 1991, p. 120-133.

4 Crépon Sylvain, Enquête au cœur du nouveau front national, op. cit.

5

Bachelot Carole, « L’ethnographie des dirigeants de partis. Le cas du Parti socialiste », in Genèses, 83 (2), 2011, p.123.

6 Lefebvre Rémi, « « Politiste et socialiste ». Une politique d’enquête au PS », in Revue internationale de

politique comparée, 17 (4), 2000, p. 127-139.

7

Rizet Stéphanie, La distinction militante, op. cit., p. 17.

8 Rémi Lefebvre relève ainsi que « la nécessité de ce regard critique n’est d’ailleurs pas propre à ceux qui font

partie de leur objet d’étude. La plupart des chercheurs, s’ils ne sont pas « engagés » stricto sensu, sont de fait engagés dans leur objet ». Cf. Lefebvre Rémi, « « Politiste et socialiste ». Une politique d’enquête au PS », art. cit., p. 128. D’autres auteures partagent ce même constat : « L’engagement auprès des partis est d’ailleurs

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n’en questionne pas moins de manière singulière ceux dont la proximité à leur objet prend la forme de l’évidence par la manifestation d’une forme d’adhésion et d’engagement pour la cause étudiée. Rémi Lefebvre distingue ainsi un engagement (celui de l’observation ethnographique) fortement valorisé car « la proximité à l’objet n’est qu’intermittente, contrôlée, « jouée » et maîtrisée dans le

cours des interactions de la recherche » et un engagement « à l’inverse mal considéré »1, celui de

l’étude d’un objet dont l’observateur est également partie prenante2. A ce titre, il relève, comme

d’autres auteurs3, que l’occultation ou la dissimulation de ce « double statut » est « en général

stratégiquement de mise »4.

Militant investi localement (et occupant des responsabilités à un échelon local) dans l’une des (nombreuses) organisations étudiées, une telle stratégie d’occultation aurait pu être de mise, appuyée ou non sur un désengagement symbolisé par le fait de « rendre sa carte », et relativement aisée tant la publicité/médiatisation de ce type d’engagement est faible. Si une telle présentation de soi aurait été hautement stratégique en évitant (ou en réduisant l’hypothèse) de voir son travail académique jugé à l’aune de son engagement, elle nous semble artificielle, inefficace et contre-productive. Artificielle au sens où elle ne répond en rien aux représentations personnelles du

chercheur5, cette posture aurait également été inefficace en contribuant à l’entretien d’une illusion

de distanciation peu propice à une démarche réflexive tout au long du processus de recherche. Enfin, elle serait contre-productive car elle conduit à se priver d’instruments de connaissance de l’objet étudié. Il nous semble ainsi que le problème n’est pas tant l’engagement du chercheur que l’occultation de son rapport à l’objet étudié (et ce, quel que soit ce rapport, de familiarité ou d’étrangeté, d’empathie ou d’aversion, de fascination ou de répulsion, etc.) en ce que l’occultation ampute la possibilité d’une réception critique des travaux ainsi menés, pourtant au fondement de la démarche de recherche. Le fait de savoir d’avance ses travaux potentiellement jugés à l’aune de son rapport à l’objet constitue l’un des éléments permettant le contrôle et l’autocontrôle (que cela soit

difficile à définir précisément, dans la mesure où il ne peut se réduire à l’adhésion formelle ». Cf. Bachelot

Carole et al., « Les Partis s’intéressent-ils à nos enquêtes ? », art. cit., p. 40. Le choix de se consacrer à un objet n’est ainsi jamais neutre et suppose un intérêt soutenu, au fondement même de l’envie de comprendre et de la curiosité scientifique.

1 Ibid., p. 127.

2

Christophe Broqua souligne la difficulté d’un tel double statut : « La posture de l’observateur participant en

terrain militant vient souvent éveiller des doutes quant à la validité des analyses qu’il est en mesure de produire sur les activités dont il est considéré partie prenante. La question qu’il inspire presque inévitablement est celle de son rapport à la cause étudiée : son adhésion politique ou idéologique au mouvement, sa participation aux actions militantes, et finalement la hiérarchie de ses intérêts entre recherche et militantisme ». Cf. Broqua

Christophe, « L’ethnographie comme engagement », art. cit., p. 111.

3

Bachelot Carole et al., « Les Partis s’intéressent-ils à nos enquêtes ? », art. cit., p. 40 ; Sommier Isabelle, « Engagement et distanciation à Sauvons la recherche (SLR). Une sociologue des mouvements sociaux dans l’action », in Genèses, 77 (4), 2009, p. 137-151.

4 Lefebvre Rémi, « « Politiste et socialiste ». Une politique d’enquête au PS », art. cit., p. 128.

5

Carole Bachelot remarque avec justesse que « le refus de l’adhésion formelle n’est pas un gage d’objectivité ».

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dans la phase de formulation des hypothèses et l’enquête de terrain, ou dans la phase de restitution) des implications des représentations de l’auteur.

Au-delà de la question de la neutralité du chercheur, sa proximité à l’objet l’expose à perdre ses capacités d’étonnement face à la réalité observée comme l’explique Julie Landour : « Après plusieurs