• Aucun résultat trouvé

Une du Cyclotouriste, n°41, novembre-décembre

Cette photo montre que l’individu « local » est un ingrédient important pour représenter un paysage typiquement corse. Les oliviers, le relief, le village d’Olmetto avec ses bâtiments blancs situent l’action géographiquement. L’action humaine renforce la perception : l’indigène est au premier plan, en couleur sombre ce qui colle parfaitement à l’image du paysan corse. Le chapeau de paille symbolise la chaleur. L’âne renvoie à l’activité locale, traditionnelle et proche de la nature. Il contraste et s’harmonise en même temps avec la bicyclette du deuxième plan, signe de la présence du cyclotouriste. Celui-ci est étranger à ce monde. Il se fait discret afin de ne pas troubler le tableau.

Une catégorie de ces indigènes suscite des réflexions et attentes particulières. Il s’agit de l’élément féminin.

128 2.3 Les femmes

Il est important de rappeler que le cyclotourisme est avant tout une affaire d’hommes. Par conséquent, les femmes sont des objets touristiques intéressants. Elles peuvent être incluses parmi les indigènes mais elles s’en démarquent par plusieurs aspects. Les commentaires sur les vêtements ne sont pas fondamentalement différents de ceux concernant les hommes. La différence s’effectue sur des critères purement physiques.

Nous découvrons, près d’une source d’eau chaude à 70 degrés, une jeune et charmante Andorrane, dotée d’un chaud regard — à 80 degrés celui-là — qui ébouillante et plume de pauvres poulets verrés à la casserole. […] Nous mettons donc notre personne en avant, et obtenons de notre jeune indigène cette seule faveur qu’elle pose pour notre cinéma, quelques mètres de films qui montreront à nos amis combien économiquement les ménagères andorranes font leur cuisine.310

Cette description est encore bien animée par le pittoresque indigène. Toutefois, un nouvel élément apparaît. Ces cyclistes ont probablement tourné ces images par intérêt pour la jeune femme plutôt que pour la cuisson du poulet. Le cadre de l’action ne sert que de prétexte. Il s’agit de juger le visage, la chevelure, l’allure, le corps et le charme. Cette thématique devient importante à la fin des années 1930. Sous l’ère Vélocio, la femme est plutôt perçue comme une mère de famille, la cyclotouriste en tous cas311, et les descriptions de belles paysannes sont assez rares. Il serait hasardeux de conclure que ce sujet était tabou. Une meilleure explication est le changement de génération à la tête des revues de cyclotourisme. L’ « apôtre du cyclotourisme » n’a pas l’âge de ses jeunes successeurs qui peuvent avoir entre 30 à 50 ans de moins que lui lorsqu’ils écrivent. Sur certains points, leurs préoccupations sont différentes. Ainsi, les récits de la fin de l’Entre-deux-guerres sont plus sensibles à la séduction du « sexe faible ». Les cyclotouristes aiment rassasier leur œil par la vision d’une jolie femme locale. Les priver suscite des réflexions péjoratives.

A Blida […] la plupart des Mauresques sont voilées et ne découvrent qu’un seul œil, ce qui achève de me les rendre antipathique.312

Cette hostilité provient peut-être de préoccupations religieuses mais, énoncée dans une revue de tourisme qui se veut muette sur ces sujets-là, il s’agit plus vraisemblablement d’un

310 V. PERRET, « Andorre », Le Cyclotouriste, n°55, mars-avril 1935, p. 2.

311 VÉLOCIO, « Excursions du Cycliste », Le Cycliste, n°5 et 6, mai-juin 1926, p. 43. 312

129

reproche contre les populations arabes d’Algérie de ne pas se laisser découvrir. Le verdict de l’observateur masculin dépend de ses goûts personnels en matière de beauté féminine. La misogynie n’est jamais très lointaine.

Saint-Brieuc… ville sans grand intérêt. La cathédrale est une bâtisse dépourvue d’élégance extérieure, à l’intérieur c’est un peu mieux. Sur la place, le marché bat son plein et la circulation est difficile. Remarque particulière : toutes les femmes sont laides ! (Que les gentes Briochines, s’il en est, me pardonnent, nous ne les avons pas rencontrées).313

Lors de cette même année 1935, Le Cycliste avait publié un récit de voyage d’un cyclotouriste de Carlisle (Cumberland), marié et père de famille mais néanmoins grand amateur de femmes. Ce Britannique avait été particulièrement séduit par la beauté et le charme des Bretonnes dont chaque sourire lui procurait une grande excitation314. On a ici deux avis tranchés sur les femmes de Bretagne, preuve de la subjectivité du sujet. Le commentaire d’Henri Cabrol apporte un supplément d’analyse. Il n’a pas aimé Saint-Brieuc et la laideur des femmes est l’un des éléments qui lui fait rendre cet avis. Il est possible de remplacer le commentaire sur la cathédrale par celui sur les Briochines : elles sont dépourvues d’élégance extérieure. Par extension, c’est bien toute la ville qui est laide : ses bâtiments et ses habitants. L’espace géographique façonne les autochtones à son image. L’une des rares remarques des années 1920 concernant les femmes locales est celle de deux jeunes cyclistes dont « l’arrivée à Saint-Rémy fut bien un peu regardée par les jolies filles de cette race superbe. [Les Provençaux] »315.

Comme les produits régionaux, les mœurs ou les vêtements, les femmes d’une région ont des caractéristiques propres que l’on ne trouve pas ailleurs. Parcourir différentes contrées permet de découvrir la diversité physique des femmes. En 1938, Francisque Ferlay regrette de ne plus pouvoir aller admirer les « beautés blondes de Feldkirch [Autriche] » et les « brunes señoritas » espagnoles en raison, respectivement, de l’invasion allemande et de la guerre civile qui bloquent l’accès de ces pays aux touristes français316. En revanche, l’Allemagne

313 H. CABROL, « Petites routes de Bretagne (Pentecôte 1934) », Cyclotourisme, n°92, juillet 1935, p. 801. 314

A.B…, « La Bretagne vue par un Etranger », Le Cycliste, n°1-3, janvier-mars 1935, p. 41-43, 95-97 et 142- 143.

315 RIRI et JOSE, « La Provence et la Côte d’Azur en cyclo-camping », La Pédale, n°7, 6 novembre 1923, p. 18. 316 F. FERLAY, « Eviva Corsica. L’île aux 14 merveilles », Le Cyclotouriste, n°76, septembre-octobre 1938, p.13.

130

nazie leur est toujours ouverte, et les femmes de cet endroit ne sont apparemment pas au goût de l’auteur du récit :

Nous verrons enfin à Friedrichshafen des femmes élégantes qui ne sont sûrement pas des Allemandes, ces dernières étant reconnaissables à leurs formes… avantageuses, à leur manque absolu de chic et à leur « fagotage » indigne d’une paysanne ardéchoise, voilà bien un domaine où la Française règne et domine.317

Ces listes d’attributs particuliers qui contribuent à la formation de représentations stéréotypées des populations sont fréquentes dans les récits de voyage. Elles renforcent l’idée de diversité, les habitants locaux portant la garantie de l’authenticité du territoire par leur physique, leur style vestimentaire et leurs mœurs. Le pittoresque fonctionne sur des représentations cloisonnées où racisme et exotisme régional se côtoient.

2.4 Racisme ou exotisme régional ?

La vision raciste des populations est courante dans l’Entre-deux-guerres. Sa manifestation dans un cadre touristique la rend évidente dans les récits à l’étranger. Certains présentent, notamment, les caractéristiques des Ibères et des différentes déclinaisons de cette race. Chaque pays espagnol possède ses bovidés et ses humanoïdes :

Vous changerez alors de pays car les Asturies diffèrent profondément de la Galicie comme races humaines et animales, comme langage et comme mentalité. L’homme et le bœuf asturien, fortement nourris sur un sol fertile, sont de gros gaillards, bon vivants, bon garçons, et l’Asturien est par excellence l’homme « qui ne s’en fait pas ». Il répète constamment les deux proverbes suivants : « Un dia es un dia » […] « El que piensa para mañana desconfia de Dios ». Le Galliego est bien différent de l’Asturien. Il est souvent chétif comme son petit bœuf d’aspect sombre, et pas toujours très sociable.318

Bien plus tard, en 1935, un autre récit détaille avec précision le portrait des Majorquins en prenant en compte les influences historiques sur leur physique et en les comparant aux Catalans :

317 G. GRENIER, « Au pays de la Croix Gammée », Le Cyclotouriste, n°72, janvier-février 1938, p. 13. 318

131

Les habitants y possèdent les traits ethniques du catalano-mauresque, affinés d’une pointe d’influence italienne. Les hommes sont assez grands, plutôt maigres, bien faits, avec un teint très basané. Les femmes accusent, un peu, la ligne de nos Arlésiennes de bonne race. Elles ont, comme elles, la taille longue et souple, bien que la hanche plus forte, plus sarrasine. Elles ont, sous le « rebozillo » qui les coiffe, de beaux yeux veloutés. La toison souvent réunie en tresses, à l’alsacienne, est abondante et noire. Ces brunes « gretchen » nous changent des blondes barcelonaises oxygénées.319

Pris dans le prisme touristique, ce racisme signifie diversité. Il est donc tout à fait positif et contribue à l’évasion. Les touristes s’imaginent être en présence d’êtres différents. Cette rencontre est, par conséquent, tout à fait pittoresque. Ils ne croisent jamais ce genre de personnes à Paris, Lyon ou Saint-Etienne. Il faut toutefois modérer la conclusion. Les récits contenant un racisme aussi criant ne sont pas fréquents et concernent exclusivement les voyages à l’étranger. La description majorquine parle aussi de traits arlésiens et alsaciens. Chaque région renvoie à une représentation dans l’esprit des touristes, que ce soit physiquement ou au niveau des mœurs.

Nous causons avec deux vigoureux paysans, l’un portant une faulx et l’autre, dans un mouchoir, quelques fèves ; une femme qui les suit, a pour sa part un énorme ballot de 30 ou 40 kg. de foin sur la tête ; c’est indéniablement une mauvaise répartition du travail. J’ai constaté bien souvent que c’est certainement le sexe faible et les bourricots qui sont les plus mal partagés en Corse, comme chez les Arabes, du reste. Tout n’est qu’une question d’habitude.320

Plutôt que le racisme, qui a assurément une influence, c’est l’exotisme régional qui excite l’imaginaire touristique. La littérature de voyage joue ici un rôle de premier plan par sa lecture attrayante faite d’insolite, de joie, d’émotions intenses et de divertissement. La littérature d’aventure ou les romans exotiques sont des modèles qui inspirent le voyageur. Ces ouvrages orientent la vision des cyclotouristes qui, lorsqu’ils traversent une région, croient voir à leur tour les paysages et personnages imaginés dans le roman. Il est probable qu’un certain nombre de cyclotouristes ait été attiré par l’exotisme colonial. Georges Grillot, l’un des grands rédacteurs de récits, est allé à l’Exposition coloniale parisienne de 1931. De plus, les voyages lointains, notamment dans les colonies, existent dans les relations de voyages cyclotouristes. Mais ils constituent une minorité. Il est donc nécessaire de transposer

319 V. PERRET, « Journées Catalano-Majorquines », Le Cyclotouriste, n°60, janvier-février 1936, p. 1. 320

132

l’exotisme à l’échelle régionale. Cette thématique est centrale dans les romans de Pierre Loti, en particulier dans son Ramuntcho de 1897 où l’exotique se déroule au Pays Basque avec une forte attention au folklore et aux mœurs. La pelote, le béret, la verdure, Edmond Rostand, le traité des Pyrénées (1659) et le mariage de Louis XIV (1660) sont des éléments incontournables d’un récit basque. L’œuvre de Pierre Loti fait presque figure de manuel pour les cyclotouristes attirés par la région de Saint-Jean-Pied-de-Port. En décembre 1932, Henry Lacoste mobilise cette référence dans son récit publié dans Cyclotourisme « Au pays de Ramuntcho. Du Labourd et de la Basse-Navarre »321.

Les cyclotouristes se laissent influencer par leurs références culturelles, que ce soit par la peinture, la poésie, la littérature ou la chanson. Ils les plaquent volontiers sur ce qu’ils voient. Ainsi, Lucien Clairet voit arriver trois enfants qui doivent garder les vaches, « qu’ils étaient jolis avec leurs petits tabliers clairs… Joues fraîches et boucles blondes, on les eut cru échappés d’une fresque d’Andréa del Sarto »322. Il effectue presque un voyage dans le temps. Les paysans représentent toujours la continuité du territoire. Ils semblent issus des temps anciens. Cette toile rurale lui évoque la Renaissance et le pinceau de l’artiste florentin. Cela n’a pourtant pas de sens, l’action se situant dans les Cévennes. L’un des exemples les plus extrêmes de la représentation de l’indigène intemporel est celui du voyage d’un Parisien en Sicile. Ce cyclotouriste passionné par l’Antiquité est persuadé de se retrouver au temps de Théocrite.

Les mœurs des habitants ne paraissent pas avoir beaucoup changé depuis les temps anciens […]. « Un jour, au sortir de la ville » lit-on dans l’une des idylles de Théocrite, « nous trouvâmes sur la route un homme qui avait tout à fait l’apparence d’un chevrier ; aux épaules, la toison d’un bouc velu, autour de la poitrine, un vieux vêtement retenu par une ceinture tressée, à la main droite, une houlette en olivier sauvage ». Aujourd’hui encore, on peut faire la même rencontre, […] seuls, la route goudronnée et les fils télégraphiques modifient légèrement ce tableau d’il y a vingt-cinq siècles.323

Par conséquent, l’indigène du IIIème siècle avant l’ère chrétienne serait presque le même que celui de l’Entre-deux-guerres. Les attentes touristiques tendent à fixer les régions et leurs habitants dans des critères stéréotypés, mais ô combien pittoresques. L’exotisme régional

321 Cyclotourisme, n°61, décembre 1932, p. 193-197.

322 L. CLAIRET, « La France Inconnue. Du Velay à la Lozère », La Pédale Touristique, n°2, 28 décembre 1932, p. 4.

323

133

concerne aussi les mœurs, mais avec un discours moins empirique et plus poétique que dans le cas des paysans corses cités plus haut. La vision d’Henri Chaix des Provençaux doit beaucoup à ses lectures :

Touristes, peintres, jeunes gens, jeunes filles, matrones et enfants promènent, jouent, rient, causent à l’envi ; et dans cette foule animée, pas trace d’allures trop libres ou débraillées : une décence, une tenue, il faudrait dire une dignité admirable, la noblesse du peuple de Provence.324

Néanmoins, tout stéréotype a ses limites. Georges Grillot met en garde ses lecteurs contre les détournements abusifs provoqués par les lectures qui forgent des références fixes que tout le monde reprend bêtement sans vraiment ressentir par lui-même l’ambiance locale qui a évoluée depuis la rédaction des ouvrages.

La Provence, Mistral l’a chantée sur un air qui est bien désuet aujourd’hui et qui a contribué à faire croire à bien des gens ce qui n’est pas. De même qu’il est de bon ton de croire que tous les Allemands sont chauves, portent monocle et fument des cigares gros comme le bras, on veut absolument que la Provence soit le pays des chansons et des tambourins, que les gardians de Camargue se promènent dans toutes les rues et que toutes les filles de là-bas soient des Mireille.325

Ce discours est assez exceptionnel dans une revue de cyclotourisme, d’autant plus qu’il provient d’un auteur réputé. Il est peut-être motivé par la préférence de Grillot pour Alphonse Daudet plutôt que pour Frédéric Mistral. En tous cas, il est fort utile pour relativiser l’exotisme voire le racisme qui influencent les cyclotouristes. La représentation d’un territoire et de sa population est une affaire individuelle qui dépend de nombreux facteurs culturels propres à chacun. Il serait risqué d’en faire une généralité chez les cyclotouristes. Le rapport personnel qu’entretient le touriste avec la région concernée joue beaucoup. On sait à travers ses récits que Georges Grillot est très attaché à la Provence où il retrouve ses amis chaque année.

Le cas de la représentation des Allemands par les touristes français est un exemple révélateur du poids des trajectoires individuelles. Le nationalisme revanchard qui prend à la fois l’Allemagne comme modèle et ennemie a été un élément important dans l’éducation de nombreux cyclistes. L’image s’est encore détériorée avec la guerre de 1914-1918. Le

324 H. CHAIX, « Promenades en Provence », Le Cyclotouriste, n°34, septembre-octobre 1931, p. 9. 325

134

bellicisme du militarisme prussien était déjà connu. Avec le conflit mondial, ce sont tous les Allemands qui deviennent brutaux, cruels et adeptes de la violence gratuite, presque animale. L’opposition au modèle français, plus réfléchie et plus civilisée est omniprésente même pour la lutte et la manière de se servir d’une pelle. A Auxerre, un couple cyclotouriste croise des prisonniers affectés aux travaux :

Une équipe de cinq Boches travaille au terrassement ; nous nous arrêtons un instant pour examiner leurs faces brutales, peu intelligentes, et leur manière de travailler. La différence avec les terrassiers français est frappante : ceux-ci accompagnent leur jet de pelle par un geste mesuré, tandis que les Boches le lancent en toute brutalité, sans s’inquiéter de savoir s’il tombera bien sur le wagonnet où s’il dépassera. C’est la force exclusive. Et je revois Schackmann l’étrangleur jetant ses adversaires sur la scène comme un paquet de linge sale, tandis que les lutteurs français

accompagnaient le tombé.326

On note que malgré leur détestation des « Boches » la valeur touristique de ces étrangers violents et irréfléchis n’est pas altérée. Les récits entre 1919 et 1923 insistent particulièrement sur leur comportement dévastateur. Les voyages sur le front effectués dans ces années-là sont résolument manichéens et le traité de Versailles n’est qu’une juste sanction à l’encontre de ces barbares.

A Nomeny,

La rage de l’ennemi en ces jours d’août 1914 où, grisé par la victoire, il se croyait tout permis, s’est exercée là vraiment de façon magistrale […]. Il faut dire que Nomeny détient avec Guebwiller et quelques autres la palme des cités martyres et la Commission d’enquête y a relevé à l’actif des Bavarois qui opéraient dans cette région des témoignages trop formels de cruauté et de vandalisme.327

A Guebwiller,

Quelques maisons seulement sont intactes ; c’est pour se venger de la résistance obstinée que lui opposèrent une compagnie de chasseurs alpins pendant une journée presqu’entière que les Bavarois,

326 ROUX D’HARYERT, « De Paris à Paris en juillet 1916. Brie Sénonais, Avallonnais, Haut-Morvan, Puisaye, Gâtinais », Le Cycliste, n°4 et 5, avril-mai 1919, p. 56.

327 T.C.F.,14511, « Voyages en zig-zag. Le long de l’ancien Front des Armées », Le Cycliste, n°4,5 et 6, avril- juin 1920, p. 42.

135

ivres de fureur, commirent des excès inimaginables en fait d’incendies, de pillages et de fusillades ; les rapports de l’enquête sont formels à cet égard.328

A Soultzmatt,

Je débouche dans une vaste clairière où se trouve le cimetière des soldats roumains. Quatre à cinq cents tombes bien entretenues contiennent les restes d’autant de prisonniers que les Teutons ont fait mourir de faim et de misère dans ce coin des Vosges. En plein hiver, dans un camp de baraques, sans feux, ces prisonniers subirent un martyre sans nom : vêtus de guenilles, leurs chaussures usées remplacées par des chiffons, ils traînaient aux corvées se soutenant les uns les autres, tous ces hommes étaient affamés ; […]. Ah ! elle était belle la kulture boche ! Pendant ce temps, chez nous, leurs prisonniers gras comme des porcs, parce que souvent mieux nourris que nos poilus, se prélassaient au cours de corvées débonnairement surveillées par des inaptes ou des pépères, représentant un peuple qui fut et qui sera toujours trop bon et trop généreux.329

Voici donc l’image exacerbée par le nationalisme que l’on trouve dans les récits de cyclotourisme de l’époque, et dans bien d’autres journaux plus réputés en France. Le peuple allemand est violent et enclin à la barbarie. Le ton est sensiblement différent lors de voyages en Allemagne, dix ans plus tard. En juillet 1932, on retrouve Georges Grillot qui entreprend un voyage outre-Rhin. Il désire s’intéresser aux Allemands, faisant de la population un objet pittoresque. Tout est décrit par rapport à des références françaises, dans la tradition des récits à l’étranger. Deux curiosités locales sont récurrentes dans ce récit : les schupos, emblème de