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Fréquence des régions évoquées dans les titres des récits de voyage de cyclotourisme entre 1919 et

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On constate ici que les départements de la Loire et du Rhône ont une moindre importance. En effet, Paul de Vivie a tendance à ne pas indiquer la région visitée dans ses titres et le départ de Lyon va de soi pour les lecteurs du Cyclotouriste. En revanche, le départ de Paris est plus original, ce qui explique le poids du département de la Seine. Le vide relatif des départements alentours indiquent toutefois que cette région n’est pas très intéressante touristiquement. Le département dominateur est désormais celui de l’Isère, déjà important sur la carte précédente. Grenoble est d’ailleurs la ville la plus traversée dans les récits sondés (10 fois) devant Valence et Tournon-sur-Rhône (8 fois), lesquels occupent une position stratégique dans la vallée du Rhône. L’Isère a un double statut. Ce département est sur la route menant aux Alpes du nord et du sud mais comprend surtout un intérêt touristique conséquent avec les massifs du Vercors, de la Chartreuse et l’Oisans, particulièrement prisés des cyclotouristes. Tandis que sur la carte des départements traversés l’Isère avait une importance équivalente à l’Ardèche et la Drôme, elle les domine nettement sur celle-ci. La Drôme limite l’écart en profitant du sud du Vercors mais l’Ardèche, en dépit de l’attrait de Saint-Agrève, de La Louvesc et du Vivarais, est surtout empruntée en passage et moins comme un but réel d’excursion.

Les titres de récits de voyage revalorisent la Provence, l’ensemble des Alpes et les Pyrénées, qui se démarquaient timidement dans les itinéraires. Les Vosges, la Normandie et la Bretagne, dans une moindre mesure, apparaissent plus clairement. Le Massif Central et le Jura restent à peu près au même niveau, ce qui montre le caractère aléatoire des sondages. Sur les deux cartes, les voyages à l’étranger et dans les colonies sont rares. La politique du Touring- club de France semble donc peser à une époque où ce club occupe une position importante dans le cyclotourisme. Les quelques incursions hors des frontières démontrent pourtant que les revues de cyclotourisme prennent une certaine liberté vis-à-vis des directives du plus grand club touristique de France. Deux voyages parcourent le front jusqu’en Flandre Occidentale, La Pédale propose un long périple à travers la Suisse, l’Autriche et l’Italie en 1923 et le voyage en Espagne relaté dans Le Cycliste est en fait un carnet de route d’un voyage effectué avant la guerre mais publié qu’en 1926. L’excursion à l’étranger n’est donc pas commune dans les années 1920. Le voyage en Norvège (publié en 1922 dans Le Cycliste) fait figure d’exception au même titre que ceux en Algérie et dans l’Afrique Occidentale Française. Leur reproduction par les lecteurs est difficile : ces récits excitent plutôt l’imaginaire exotique.

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La faiblesse des voyages à l’étranger est l’une des différences principales avec la décennie suivante. En France, les principaux pôles apparaissent déjà : les massifs montagneux et les façades maritimes. L’ouest et le nord du pays, où se trouvent les zones les plus plates, sont globalement délaissés tandis que le sud-est s’affirme comme la région touristique préférée des cyclotouristes. Peu de départements ne connaissent aucun passage. La couverture nationale est assez large bien qu’imparfaite. Les vides sont en partie dus à la faiblesse numérique du corpus de récits de voyage, signe d’un cyclotourisme encore balbutiant dans les années 1920 et très dépendant des écrits de Paul de Vivie. La mort de « l’apôtre du cyclotourisme » en 1930 entraîne une certaine vacance pendant deux années avant que les modestes revues ne prennent de la vigueur et mettent fin à la centralisation stéphanoise en augmentant le nombre des récits et en diversifiant les zones explorées.

b) La diversification (1930-1939)

Le sondage de 1931-1932259 est particulièrement intéressant car il intervient à un moment où aucune revue de cyclotourisme n’impose son hégémonie. Le Cycliste a arrêté sa publication entre 1930 et 1931. Il reprend doucement en 1932. Les contributions cyclotouristes de La Revue du Touring-Club de France deviennent rares, avec jamais plus d’un récit de voyage par an. Seul Le Cyclotouriste de Lyon, qui a pris de l’ampleur, s’inscrit dans la continuité des années 1920. L’hebdomadaire La Pédale Touristique commence à paraître fin 1932 et n’inonde donc pas encore le corpus de ses nombreux récits de voyage. La revue de la Fédération Française des Sociétés de Cyclotourisme, Cyclotourisme, se développe et le bulletin de L’Union Cyclotouriste de Touraine crée un nouveau pôle autour de Tours, ce qui permet de rééquilibrer vers l’ouest une carte cyclotouriste de la France qui penche toujours vers le sud-est. La vallée du Rhône et les Alpes du nord sont les régions les plus traversées. Les autres massifs conservent une certaine influence. Ce sondage marque surtout une revalorisation de la Bretagne, de la Corse et de la Suisse romande. L’Allemagne, l’Espagne et l’Italie reçoivent aussi la visite de cyclotouristes français. Le nord de la France, dont Paris, est totalement évincé. La capitale n’impose pas encore son influence sur les revues stéphanoises, n’est pas concernée par les bulletins lyonnais et tourangeau tandis que la revue fédérale se concentre davantage sur les marges. Lyon est la principale ville de départ de ces

259 Voir Annexe 17. Fréquence des départements traversés dans les récits de voyage de cyclotourisme en 1931- 1932.

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deux années, la centralisation stéphanoise disparaît. Si le département de l’Isère se démarque, aucune région ne domine excessivement les autres. C’est un premier signe de l’homogénéisation du territoire effectuée dans les récits de voyage des années 1930.

Cette décennie marque la fin de la domination du Cycliste face aux autres revues. Les revues stéphanoises demeurent pourtant les principales fournisseuses de récits de voyage. Entre 1932 et 1939, La Pédale Touristique et Le Cycliste publient 350 récits, soit 73,8 % du total. Le centralisme de Saint-Etienne s’atténue fortement, d’autant plus que la « ville noire » est concurrencée par Roanne, ville de Lucien Clairet, avec deux départs et cinq passages pour ces deux villes dans les récits sondés. Lors de sa première année de parution (1932-1933), La

Pédale Touristique demeure attachée à ses origines foréziennes mais se démarque de

l’ancrage de Vélocio en explorant des régions que « l’apôtre du cyclotourisme » tendait à délaisser : l’Auvergne, la Creuse et les Cévennes260. Par la suite, l’hebdomadaire diversifie ses points de départ. Paris a un poids équivalent aux villes de la Loire (Saint-Etienne et Roanne). Un autre pôle se crée à Toulouse (Haute-Garonne), dont l’influence se mesure dans l’exploration du département du Tarn, exclusivité de La Pédale Touristique, et au prolongement vers la Côte d’Azur, ce qui forme presque un angle droit avec la vallée du Rhône261. Enfin, une dernière attache se crée depuis de Remiremont (Vosges)262. Une couverture globale de la France et des pays voisins est perceptible sur ces deux cartes. On la retrouve de manière plus évidente encore chez Le Cycliste. La rédaction de la revue a été reprise par des jeunes Parisiens qui, tout en revendiquant l’héritage de Paul de Vivie, se démarquent de lui au niveau des récits de voyage. Là où Vélocio privilégiait les environs de Saint-Etienne, Le Cycliste des années 1930 frappe par un partage homogène du territoire. La plupart des départements et des régions frontalières sont traversées de manière équitable.

Cette homogénéisation est également due à la variation des points de départs. On a vu que l’usage du train n’était pas plus répandu que dans les années 1920. L’ancrage régional reste une réalité. Le nombre de récit du Cycliste varie peu (135 entre 1919 et 1929 contre 141 entre 1932 et 1939). Ces résultats ne sont donc pas dus à l’augmentation du corpus des récits. La rédaction a pris le contrepied de la centralisation de Vélocio.

260 Voir Annexe 18. Fréquence des régions évoquées dans les titres des récits de voyage de La Pédale

Touristique entre 1932 et 1933.

261 Voir Annexe 19. Fréquence des départements traversés dans les récits de voyage de La Pédale Touristique en 1932, 1935 et 1938.

262 Voir Annexe 20. Fréquence des régions évoquées dans les titres des récits de voyage de La Pédale

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Fréquence des départements traversés dans les récits de voyage du Cycliste