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Une démarche qualitative pour identifier les représentations

ORIENTATIONS EPISTEMOLOGIQUES ET METHODES DE RECHERCHE

3. METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE

3.1. Une démarche qualitative pour identifier les représentations

La démarche qualitative permet de repérer les similitudes et les différences entre les contextes pour donner un sens aux situations. Elle offre aussi la possibilité de prendre en compte les spécificités des personnes interrogées (idiographie) et celle d’étudier les phénomènes dans leurs cadres naturels (Giordano et al., 2003).

Pour notre part, nous avons choisi de mener une suite d’entretiens ; l’intention était de collecter un ensemble de données discursives à des fins d’analyse. Conformément à notre épistémologie constructiviste, il s’est agi d’amener les sujets interrogés à dévoiler les processus cognitifs qui aboutissent à une construction de l’entité perçue. Ces entretiens furent directifs et semi-directifs selon les circonstances (thème de la question et fonction du répondant).

Objectifs poursuivis par les entretiens :

- Localiser les frontières de l’entité comptable perçues par chacun des interlocuteurs ;

- Mesurer l’écart entre la frontière perçue et la frontière comptable ; - Détecter les insatisfactions à l’égard du modèle comptable ;

- Repérer la catégorie d’utilisateurs présentant le décalage le plus faible entre les frontières perçues et convenues.

Moyens mis en œuvre :

- Entretiens individuels semi-directifs ; l’entretien individuel peut être défini comme une situation de face à face entre un investigateur et un sujet, fondée sur la pratique d’un questionnement de ce dernier avec une attitude plus ou moins marquée de

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non-directivité (Baumard et alii, 1999). Pour notre part, nous avons utilisé un guide d’entretien contenant une trentaine de questions. Toutefois, n’ayant pas été strictement respecté, il ne s’agit réellement que d’une semi-directivité.

- Discussions ouvertes ; pour différentes raisons liées au sujet ou au contexte, les entretiens semi-directifs ont laissé place à des discussions totalement libres. Les enregistrements et les prises de notes nous ont permis cependant de compléter l’analyse.

- Entretiens de groupe ; à plusieurs reprises, nous avons réuni différents sujets autour d’un même thème, l’entité comptable. Les divergences de point de vue entraînèrent d’ailleurs une interactivité féconde quant aux spécificités perceptuelles.

Le guide d’entretien

Le guide d’entretien dont le rôle est d’orienter la discussion s’est articulé autour de quatre séries de questions. Nous en rapportons les principales :

Questions liées à la perception des frontières spatiales

- De quels moyens matériels dispose la société ?

- Quels sont les hommes et les équipes qui animent la société ?

- Quels rapports entretenez-vous avec vos partenaires (indépendants) ? - De quel pouvoir disposez-vous lors des négociations commerciales ? - Etes-vous leur principal client ?

- Disposez-vous de représentations chiffrées ou graphiques les faisant apparaître ? - Quel est approximativement leur poids dans la valeur ajoutée globale ?

- Estimez-vous justifiée l’absence au bilan des biens stables financés par crédit-bail ? Pour quelles raisons ?

Questions liées à la perception des frontières temporelles

- Les relations avec vos partenaires sont-elles stables ou bien ceux-là sont-ils uniquement recrutés pour la durée d’un projet ?

- La configuration de votre structure est-elle globalement identique à celle de l’an passé à la même date ?

- L’activité est-elle cyclique ?

- Quelle est votre fréquence d’utilisation des états comptables ? - Utilisez-vous des comptes intermédiaires ?

- Parmi les données comptables passées et prévisionnelles, quelles sont celles qui ont à vos yeux le plus d’importance ?

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Questions liées à la perception des frontières substantielles

- Trouvez-vous normal d’inscrire les frais d’établissement à l’actif du bilan ?

- Les hommes-clefs de la société devraient-ils, d’après vous, être mentionnés dans le bilan ? Pourquoi et si oui pour quelle valeur ?

- A quel prix seriez-vous prêt à céder l’entreprise ? - Qu’est-ce qui fait la richesse de votre entreprise ? - Quelle est sa capitalisation boursière ?

- Quelle est sa valeur bilantielle ? - Comment expliquez-vous l’écart ?

Questions mixtes

- Quels retraitements appliquez-vous aux documents comptables pour les exploiter ? - Etes-vous satisfaits de l’image que les documents comptables renvoient de la

société ?

- Que représente, pour vous, le poste « capital » ou plus largement la situation nette ? - Quelles informations n’y figurant pas estimeriez-vous nécessaires de communiquer à une personne qui souhaiterait connaître la société ? En d’autres termes, y a-t-il des éléments qui n’apparaissent pas dans le bilan de l’entreprise mais que vous seriez tenté d’intégrer dans la représentation que vous vous en faite ?

- Inversement, y a-t-il des éléments du bilan que vous seriez tenté d’exclure ?

Selon le type d’entreprise, la position des individus dans l’organisation ou encore le degré de confidentialité des informations, ces questions n’ont pas forcément été posées à l’interlocuteur dans leur intégralité. Inversement, des questions supplémentaires sont venues se glisser dans les entretiens qui ont pris parfois l’allure de discussions totalement libres et ouvertes. Les informations recueillies n’en furent pas moins riches pour notre sujet. Nous l’avons relevé dans nos dialogues, le répondant s’efforce de présenter son point de vue sous un jour particulier et se prive rarement de sortir du cadre des questions posées pour le légitimer. Tout l’intérêt réside alors dans le décryptage de sa propre grille de lecture qui agit comme un prisme déformant. L’interviewé sélectionne les faits qu’il tient pour pertinents ; il les ordonne, en décrit la finalité, évalue les conséquences en « organisant » la rationalité de sa représentation pour la rendre intelligible, cohérente et juste.

Cela dit, nous ne dénions pas notre épistémologie constructiviste et nous admettons volontiers que si le répondant « compose » sa réalité, en tant qu’interviewer, nous n’échappons pas non plus à ce processus. Même s’il s’efforce de le réduire, le chercheur en sciences sociales n’est pas moins humain que son objet de recherche ; lui

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aussi est animé par une idéologie et des convictions. Sa posture particulière et la conscience de ces biais cognitifs ne peuvent toutefois lui conférer l’extériorité dont il aimerait se prévaloir. Le recours à des outils qualitatifs tels les entretiens, ne peuvent qu’exacerber ces travers : inévitablement, l’interviewer recueille les informations à travers un filtre qui oriente le résultat de ses recherches. On ne peut s’en défendre et soutenir dans le même temps une posture épistémologique.