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Une définition de l’éducation par l’aventure

2.3. L’aventure, un outil d’intervention

2.3.1 Une définition de l’éducation par l’aventure

Tel que souligné précédemment, l’éducation par l’aventure permet de créer des expériences d’apprentissages qui impliquent les étudiants dans leur globalité. Au-delà de l’acquisition de connaissances, l’éducation par l’aventure vise un apprentissage de plusieurs compétences humaines, mettant l’accent sur les compétences interpersonnelles et intrapersonnelles (Alagona et Simon, 2010 ; Haluza-Delay, 2001, 2006). L’article de Henderson et Potter (2001) ajoute que l’aventure doit se vivre par l’esprit, par le corps et par le cœur. Cette façon poétisée de l’approche pédagogique rejoint l’idée que l’éducation par l’aventure intègre plusieurs dimensions de la personne. En plaçant les étudiants en situation d’aventure, le contexte permet d’impliquer l’élève dans son entièreté dans son apprentissage afin d’en tirer un apprentissage signifiant et durable (Gravel et Pruneau, 2004 ; Pruneau et Lapointe, 2002 ; Haluza-Delay, 2001, 2006 ; Chawla et Cushing, 2007 ; Hanna, 1995 ; D’Amato et Krasny, 2011 ; Gass, 1999). Ewert et Sibthorp (2014) soulignent que pour parler d’éducation par l’aventure, il faut :

• des expériences concrètes et actives, qui impliquent directement l’étudiant dans son ensemble et qui entraînent des conséquences réelles chez l’étudiant;

• une approche qui met l’accent sur le développement de compétences personnelles et interpersonnelles grâce à des activités qui présentent un défi et une finalité inconnue;

• une approche qui a lieu dans le milieu naturel ou avec la nature et les compétences physiques afin de développer ces compétences et de contribuer à l’actualisation de l’étudiant.

En se basant sur ces prémisses, les auteurs proposent la définition suivante de l’éducation par l’aventure :

Une variété d’expériences et d’activités pédagogiques, qui impliquent une interaction réelle avec l’environnement extérieur, qui comportent des éléments de risque dont la finalité demeure inconnue, mais qui est influencée par les actions du participant. (Ewert et Sibthorp, 2014, p.276)

Cette définition nous permet de voir que les notions de risques et d’inconnu sont intimement liées à l’éducation par l’aventure. C’est par la réalisation de défis que l’étudiant se développe. Nous y voyons également l’importance d’être en contact direct avec l’environnement extérieur. Toutefois, l’éducation par l’aventure implique également d’autres éléments, qui méritent d’être mentionnés. Pour bien illustrer cette idée, nous retenons la définition suivante pour notre recherche :

[Une approche] qui utilise l’apprentissage kinesthésique au cours d’une expérience physique active de défi. Elle implique des expériences d’apprentissage structurées, qui créent l’opportunité d’augmenter les performances et les capacités humaines. Il y a une réflexion consciente sur l’expérience et une application qui s’effectuera au-delà du moment présent. Elle fait la promotion d’une éducation complète de l’élève, en développant chaque individu mentalement, physiquement, émotionnellement et socialement pour former un citoyen efficient de notre société. (Bailey,1999, p.39 Traduction libre de l’anglais)

Nous dégageons de cette définition les composantes essentielles liées à l’éducation par l’aventure. Il s’agit d’une approche qui implique toutes les dimensions de l’étudiant (psychologique, physique et morale), c’est-à-dire qu’elle s’attarde au développement de toutes les dimensions de l’humain. De plus, elle met de l’avant l’importance de la réflexivité afin de permettre le réinvestissement des nouveaux acquis dans de nouvelles expériences. Par cet élément, Bailey (1999) souligne qu’il s’agit d’une approche qui s’inspire grandement de l’approche expérientielle. Afin d’actualiser un programme d’éducation par l’aventure,

l’enseignant doit contribuer mettre en place différentes activités qui permettent un engagement actif du participant. Pour Ewert et Sibthorp (2014), le choix de ces activités est basé sur une séquence d’intervention et que cette expérience doit tenir compte de certaines composantes. Ces composantes sont toutes en interaction et les auteurs illustrent bien que le participant ou l’étudiant est au cœur de l’approche.

Figure 6. Les composantes de l’expérience en ÉPA (Ewert et Sibthorp, 2014)

Ces composantes permettent d’orienter l’enseignant lorsqu’il structure son programme. Pour réaliser un programme d’aventure, Priest et Gass (2005) précisent que celui doit répondre à certaines caractéristiques qui sont les suivantes (Priest et Gass, 1997 ; McKenzie, 2000 ; Mercure, 2009 ; Ewert et Sibthorp, 2014) :

• le programme présente des activités d'aventure comportant des risques adaptés à la compétence des participants ;

Participant

Environnement Activités Enseignant / intervenant Facilitation et actualisation du programme Signification personnelle

• il offre un contexte de groupe en interdépendance avec un but commun, il permet l'application de cycles d'apprentissage expérientiel ;

• les participants sont volontaires et impliqués ;

• le programme a lieu dans un environnement (naturel ou non) qui exige un effort d'adaptation de la part du participant ;

• le programme entraîne des conséquences observables directement liées aux actes posés dont les répercussions sont immédiates ou futures.

Les auteurs Ewert et Sibthorp (2014) soulignent que les risques présents dans les activités dépendent grandement des compétences des participants et qu’il revient à l’enseignant de bien adapter le programme. Le défi proposé aux participants doit leur permettre de parvenir à une réussite par le développement de leurs compétences afin d’éviter que ce défi ne devienne une mésaventure (Priest, 1999). Par ailleurs, certains auteurs (Priest et Gass, 1997 ; Bailey, 1999 ; Bilodeau, 2005 ; Ewert et Sibthorp, 2014) insistent sur l’importance que le programme ait lieu dans un environnement qui exige un effort d’adaptation de la part du participant. En forçant l’étudiant à s’adapter à un nouvel environnement ou une nouvelle activité, il est mené hors de sa zone de confort. Pour Bilodeau (2005), il est important que le participant puisse sortir de sa zone de confort dans un univers inconnu afin de pouvoir se développer. L’inconfort qui est créé permet un éveil des sens et une conscience de soi, qui offre une opportunité de développement. Gagnon (2010) reprend la figure de Nadler (1993) pour illustrer le fait que le programme doit offrir des opportunités d’effectuer des va-et-vient à l’extérieur de sa zone de confort afin de permettre à l’étudiant d’étendre et d’augmenter sa zone de confort une fois les nouvelles compétences développées.

Figure 7. Évoluer en sortant de sa zone de confort19

Les caractéristiques de programmes d’aventure ayant été présentées, il importe de présenter comment cette approche est opérationnalisée dans un programme. Afin d’actualiser un programme d’aventure, l’enseignant a donc recours à une séquence d’intervention, qui permet de structurer son approche et de contribuer au succès de l’expérience proposée. Cette séquence d’aventure est un processus dynamique et évolutif. De ce fait, son application dépend de l’évolution de la dynamique du groupe et du coup, l’enseignant doit demeurer à l’écoute de son groupe (Bilodeau, 2005). Cet auteur a adapté la version proposée par Bisson (1999) afin de créer un outil en 12 points :

1. Identification des buts et objectifs des participants et du programme en général

2. Activités de connaissance 3. Activités de désinhibition 4. Activités de communication 5. Activités de confiance

6. Activités de résolution de problèmes

7. Défis individuels (activités expérientielles, jeux d'initiatives) 8. Activités d'aventure (phase d'expédition)

9. Réflexion et solo (moments d'introspection) 10. Partage (retour en groupe sur l'expérience vécue) 11. Célébration (cérémonie pour souligner les réussites) 12. Accompagnement (préparation à la phase post programme)

19 Gagnon (2010, p.69)

De sorte, il s’agit d’un fil conducteur qui assure l’actualisation du programme d’aventure. Bisson (1999) fait remarquer qu’il existe plusieurs versions de séquences, mais qu’elles ont toutes des bases communes. Nous pouvons regrouper ces différentes composantes en quatre phases : la formation de groupe, les défis de groupe, l’aide et le support au groupe et les réalisations de groupe. De son côté, Bilodeau (2005) parle de cette séquence en quatre grandes catégories, soit une première phase d’acclimatation, une phase de défi, une phase d’intériorisation et une phase d’accompagnement. Lors de la première phase d’acclimatation, l’intervenant accompagne le participant dans son intégration au groupe et au programme. C’est à ce moment qu’il utilise les activités de connaissance, de désinhibition, de communication et de confiance. L’ensemble de celles-ci contribue à ce que l’étudiant se sente bien (Priest et Gass, 2005 ; Ewert et Sibthorp, 2014). Ensuite, lors de la phase de défi, l’étudiant doit travailler à résoudre des problèmes et relever des défis personnels, par des activités adaptées à son niveau (Priest et Gass, 2005 ; Bisson, 1999 ; Bilodeau, 2005 ; Ewert et Sibthorp, 2014). Lors de la phase d’intériorisation, l’étudiant est amené à réfléchir sur son expérience et partager ses réflexions avec le groupe (Priest et Gass, 2005 ; Bisson, 1999 ; Gravel et Pruneau, 2004 ; Bilodeau, 2005 ; Ewert et Sibthorp, 2014). C’est à ce moment que les activités en solo et de réflexion, de même que les partages en groupe ont lieu. Lors de la phase d’accompagnement, l’intervenant accompagne l’étudiant dans son retour post aventure (Priest et Gass, 2005 ; Bilodeau, 2005). Il organise un moment de célébration pour souligner les accomplissements et les défis relevés, puis accompagne l’étudiant dans sa transition pour un retour à son rythme de vie normal. En somme, nous venons de voir comment l’éducation par l’aventure s’articule autour d’une séquence d’intervention qui permet à l’étudiant de vivre une expérience éducative.

Dans ce qui suit, nous poursuivons notre réflexion en définissant le concept d’approche expérientielle. Bien qu’il ne s’agisse pas du concept central de notre recherche, il convient de souligner que cette approche est utilisée dans le cadre de programme d’éducation par l’aventure.