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Une approche de l’histoire du genre poétique

a) La production des sons

1.4.8 Une approche de l’histoire du genre poétique

Nous pensons en effet qu‟il n‟est plus temps de chercher à définir la poésie, tant elle est omniprésente dans la vie quotidienne. Nous savons tous que c‟est une forme spécifique du langage, un art du langage, destinée à remplir une fonction spécifique de communication. Le jeu de langage qui est la poésie, se présente comme une violation des lois du langage ordinaire, comme si le poète avait pour but de brouiller l'intelligibilité du message, d'où l'importance primordiale accordée à la forme, c'est-à-dire, au signifiant. Selon le petit Larousse : c'est l'art de combiner les sonorités, les rythmes, les mots d'une langue, pour évoquer des imagés, suggérer des sensations, des émotions. « L'étymologie du mot « poésie »

est déjà une interprétation du fait poétique : poiêsis pour les Grecs signifie « création », du verbe poiein (« faire », « créer »). Le poète, qui s'est appelé d'abord l'« aède », le chanteur, est considéré comme le créateur, l'artiste par excellence, car il invente en même temps le langage, avec ses figures et son rythme, et l'objet du langage, que doit conserver l'architecture du poème. Pour Platon, l'état poétique est rattaché à l'enthousiasme, à la possession divine. À l'inverse, pour Aristote, la poésie, quelle que soit son objet, héroïque et satirique, et sa forme, dramatique, lyrique ou épique, appartient aux arts d'imitation1 ».

Ainsi, la poésie dans son sens primitif, peut être définie comme une pratique qui utilise le langage pour fabriquer un poème comme on fabrique un objet, et le poète dans cette perspective devient un créateur, un inventeur de formes expressives.

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Dans l'antiquité grecque, est appelé poète tout fabriquant de texte, tout auteur d'un texte où il y a une recherche d'ordre esthétique. Toute expression littéraire est qualifiée de poétique. Cependant, les philosophes grecques cherchent une spécificité du genre. Aristote la définit comme tout écrit relevant de l'esthétique et de l'imaginaire, il identifie alors trois genres : poésie épique (épopée), lyrique (au sens moderne), dramatique (théâtre). Dès lors, l'utilisation du vers devient la caractéristique fondamentale de la poésie, la distinguant de la prose comme expression commune. Le vers doté d'effets sonores comme les rimes fait du texte poétique un texte destiné à être entendu, plutôt qu'à être lu silencieusement. Car à l'origine, la poésie est liée à l'oralité, notamment au chant et à la musique, puisque les poèmes étaient chantés, ce qui justifie son langage rythmé par une certaine régularité, scandé par la rime, émaillé de rappels sonores, de manière à captiver l‟attention de l'audience, de mémoriser les textes, et pouvoir les transmettre de génération en génération.

La poésie apparaît d'abord dans le domaine religieux (poésie liturgique) et social (poésie épique) pour véhiculer les hauts faits et les mythes fondateurs de l'histoire des peuples. Suite au foisonnement de la Renaissance et les excès baroques, une codification des règles et de la langue s‟est imposée. Suite à la création de l‟académie française en 1635 par Richelieu ; les grammairiens cherchent à imposer des règles de mesure et de sobriété et dès lors on assigne à la poésie la tâche de célébrer les grands, et le mot poésie ne fut plus utilisé que pour désigner un genre littéraire en vers. Précisant que l‟ode (genre antique) l‟emporte sur le sonnet ; toute la littérature y compris la poésie se soumet à l‟exercice de la raison dans une imitation du modèle antique : il s‟agit d‟une rationalisation poétique.

Malherbe, fut le théoricien d‟esthétique classique, préconisant en poésie l‟utilisation d‟une langue tout à fait différente de celle de tous les jours : il s‟agit de privilégier l‟emploi d‟un lexique noble, et de recourir à une syntaxe complexe où priment les inversions et les figures rhétorique. Ainsi il réalise un équilibre entre la richesse verbale de la renaissance et la stricte ordonnance du classicisme. C‟est donc à lui que revient la réforme de la langue poétique ; il l‟a épurée en la débarrassant des mots rares et obscurs, des mots techniques. Grâce à lui la poésie devient rigoureuse et respectueuse des lois. Par ailleurs, il impose à l‟inspiration une discipline et une technique qui selon lui a fait défaut aux poètes de la pléiade. Il impose donc ; une harmonie stricte, un vocabulaire précis, une forme rigoureuse et des thèmes éternels. Par conséquent la discipline qu‟il a assignée à l‟expression poétique entrave l‟inspiration.

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Malherbe ouvre la voie à Boileau à la moitié du 17éme siècle qui a le mérite d‟avoir codifié et vulgariser l‟art poétique sans renoncer aux théories de l‟inspiration : L‟Age classique redonne tout son sens au travail poétique que les siècles précédents avaient dédaigné. La poésie au siècle des lumières se retrouve au rang d‟ornement ; l‟essor de l‟esprit scientifique et philosophique ignore un peu la poésie. C‟est le siècle de la raison qui rejette l‟expression trop tournée vers l‟imagination et l‟inspiration. Voltaire qui, bien étant philosophe, a bien senti les vertus créatrices de la contrainte poétique ; il fait d‟elle la servante de la raison.

A la fin du siècle une sensibilité préromantique se développe. Les romantiques jugent alors l‟esthétique philosophique artificielle, froide et figée. Ils affirment la primauté de la sensibilité sur la raison, et l‟individu solitaire sur le groupe. C‟est grâce aux romantiques que la poésie redevient un genre de premier plan et le moyen d‟expression privilégié de cette nouvelle génération. Elle est conçue comme l‟exaltation du moi et non comme un jeu formel. Ainsi, les romantiques et à leur tête Victor Hugo donnent à la poésie une orientation politique, ils s‟engagent alors dans un combat humanitaire pour défendre les droits du peuple. Une révolution du langage poétique est alors proclamée par Hugo. Les contraintes classiques se voient en partie rompues dans la mesure où l‟on recourt désormais au laid, à l‟horrible, au mélange des registres et des tonalités ; les mots les plus banals accèdent à la poésie.

Jusqu'au 19eme siècle, la poésie s'est astreinte à des règles rigides et codifiées. A partir du 20eme siècle les poètes revendiquent l‟autonomie du langage poétique ; elle s‟affranchie des contraintes formelles avec la naissance du vers libre.

Un nouveau esprit nait ; il vise à dépasser le symbolisme afin d‟ouvrir des vues nouvelles sur l‟univers. Les poètes de cette nouvelle génération suivent le mouvement et renouvellent les cadres formels de la création poétique. La distinction entre prose et poésie s‟estompe, on écrit alors de la poésie sous forme de prose, en vers libre. Les années 1920 et 1930 ont été marqué par le mouvement Dada puis Surréaliste. Influencés par les théories de psychanalyse de Freud, les surréalistes exaltent la théorie de l‟inspiration en lui conférant une nouvelle dimension liée à l‟inconscient et au rêve. Selon eux l‟inspiration est dictée par l‟inconscient tout comme le rêve. Les surréalistes réconcilient entre l‟inspiration et l‟intensité du travail poétique.

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Il s‟agit d‟une conception qui vise à faire surgir l‟image poétique des rencontres inattendues, de la collision des réalités les plus éloignées, de l‟irrationnel ; afin de suggérer ces images les poètes recourent à de techniques de création visant à éliminer le contrôle de la raison et de la logique : écriture automatique, hypnose, transcription de rêve, collage ainsi que toutes les techniques utilisant le hasard et non la raison.

La caractéristique fondamentale de la poésie selon Jean Cohen, c'est qu'elle constitue un écart par rapport aux normes en usage dans la prose. Elle se distingue des autres types de texte par sa présentation ; elle présente une structure particulière : l'organisation des mots d'un texte en vers, poèmes disposés en strophes, ou en calligrammes (sous forme de dessin) dans des formes fixes : l'ode, la ballade, le sonnet, le rondeau ; ou des formes métissées, comme le poème en prose ou la prose poétique.

Elle opère des jeux sur le fonctionnement du langage par la polysémie des mots et les connotations de ces derniers, ainsi que l'emploi des figures de rhétorique (l'anaphore, la métaphore, l'accumulation). Elle opère aussi des jeux sur le fonctionnement sonore : jeux des accents et des pauses ; les jeux de rime ; le jeu du refrain. Par une recherche rhétorique laborieuse ; la poésie se lit et s'écoute. Elle sert à transmettre des connaissances, à diffuser des idées, à exprimer des sentiments, à accompagne les différents moments de la vie (poésie de circonstance). Elle permet aussi l'apaisement ; elle apporte un soutient moral, du réconfort et peut aider à survivre dans des conditions difficiles ; ainsi elle serait un agréable passe temps.

La poésie a plusieurs fonctions :

 Fonction narrative : elle raconte

 Fonction descriptive : elle décrit

 Fonction expressive : exprimer ses sentiments

 Fonction impressive : toucher le lecteur

 Fonction satirique et polémique : critiquer ou débattre un sujet.

 Fonction didactique : enseigner, faire réfléchir.

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D'un point de vue linguistique, la poésie est décrite comme un énoncé centré sur la forme du message où la fonction poétique est prédominante. Elle se définit alors par le soin majeur apporté au signifiant pour qu'il démultiplie le signifié, tandis que la prose accorde une importance primordiale au signifié. La poésie oriente son intérêt vers la forme dans une démarche réflexive qui cherche à établir la meilleure configuration du message (l'ordre des mots). Ainsi la fonction poétique permet de faire du message un objet esthétique, dans la mesure où on note, des efforts liés à l'euphonie et à l'ordre des mots, le niveau de la langue, le ton.

Le mètre des vers français est caractérisé par le nombre de ses syllabes. De manière générale, les vers pairs sont plus fréquents que les vers impairs :

- une syllabe : monosyllabe - deux syllabes : dissyllabe

- trois syllabes : trisyllabe ou hexamètre - quatre syllabes : tétrasyllabes ou tétramètre - cinq syllabes : pentasyllabe ou pentamètre - six syllabes : hexasyllabe ou hexamètre - sept syllabes : heptasyllabes

- huit syllabes : octosyllabe - neuf syllabes : endécasyllabe - dix syllabes : décasyllabes - onze syllabes : hendécasyllabe

- douze syllabes : alexandrin ou dodécasyllabe.

La strophe est un groupement organisé de vers pouvant comporter une disposition particulière de rimes. Les strophes sont séparées, dans un poème par une ligne blanche. En fonction du nombre de vers quelle comporte, on peut nommer les strophes :

- monastique pour un vers - distique pour deux vers - tercet pour trois vers - quatrain pour quatre vers

- quintil (ou cinquain) pour cinq vers - sizain pour six vers

- septain pour sept vers - huitain pour huit vers - neuvain pour neuf vers - dizain pour dix vers - onzain pour onze vers - douzain pour douze vers.

200 Les différentes formes poétiques :

La ballade

Composée de trois strophes isométriques1, terminées par un refrain et suivies d'un envoi, d'une longueur d'une demi-strophe, dans lequel le poète apostrophe son destinataire. Le blason

Genre fréquent à la Renaissance dans lequel on fait la description élogieuse, souvent énigmatique, d'une personne ou d'une partie du corps (blason de l'œil). Le contre-blason est un blason péjoratif dans lequel l'éloge se fait blâme

La chanson

Poème chanté offrant une grande souplesse rythmique, conçu autour de couplets et d'un refrain. L'assonance y est plus fréquente que la rime.

Le calligramme

Poème qui donne à voir le sujet même évoqué par le poème. Ce genre unit la poésie et le dessin.

Le discours

Poème souvent long exposant une thèse. L'églogue

Poème pastoral court, hérité de l'Antiquité. L'élégie

Poème lyrique exprimant la plainte, la déploration amoureuse, nostalgique... L'épigramme

Poème court et satirique conçu pour mettre en valeur un trait d'esprit. L'épître

Lettre versifiée, souvent adressée à un grand personnage pour lui adresser une requête. L'épopée

Poème de vaste ampleur, à tonalité épique. La fable

Récit versifié, jouant fréquemment sur les variations de rythme, incluant une morale et recourant à des animaux ou des personnages à valeur de types.

L'hymne

Poème chantant la louange (d'un personnage, d'une idée, d'une foi...). Le lai

Poème médiéval lyrique d'origine celtique. Le madrigal