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Chapitre I. Les spécificités socio-Economiques des Pays les Moins Avancés

1.1. Une agriculture de subsistance à faibles revenus

L’objectif du développement économique est de permettre aux nations d’atteindre une civilisation

matérielle dans le sens étymologique du terme, c’est-à-dire d’acquérir un ensemble porté à un degré

extrême d’évolution matérielle au service du bien-être durable des populations bénéficiaires de cette

des autres défis émergents ; 7) la mobilisation des ressources financières pour le développement et 8) le

renforcement des capacités et la bonne gouvernance à tous les niveaux.

transformation de société. La croissance des PMA des dernières années ne suffit pas pour provoquer un

développement économique durable et équitable. Cependant, elle n’en demeure pas moins l’un des

chaînons indispensables au développement de cette civilisation matérielle. La transformation

structurelle induite par le développement économique implique entre autres une évolution des structures

économiques qui coïnciderait avec un accroissement de la productivité, ainsi qu’une accélération du

capital par rapport aux autres intrants, tels que le travail, dans la fonction de production (Adda, 2002;

Mankiw, 2014). Les arguments pour l’industrialisation, notamment les thèses d’Arthur Lewis,

considèrent les faibles niveaux de productivité du secteur agricole pour justifier le passage du secteur

agricole vers l’industrialisation (Brasseul, 1993).

Dans les économies à revenus intermédiaires, la contribution du secteur agricole à la valeur ajoutée du

Produit Intérieur Brut réel n’a cessé de décroître de 1990 à 2015 : 9,3%, tandis qu’elle est restée à 34,0%

et à plus de 25,5% pour les Pays les Moins Avancés respectivement en 1990 et en 2015 (Figure 5). Pour

les économies industrialisées tels que les États-Unis, la valeur ajoutée du secteur agricole au PIB est

seulement de 1,3% et de 1,6% pour les pays membres de l’OCDE. L’agriculture peut être considérée

comme le pilier de l’économie des PMA de par l’importance du secteur dans la production et parce que

le secteur agricole est le premier employeur dans les PMA (plus de 74,8 % de l’emploi total en Guinée,

75,3% à Madagascar et au Rwanda

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) et en moyenne environ 70% de la main-d’œuvre en 2011 dans les

économies les moins avancées (Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement,

2016; Nguyen, 2011; United Nations Conference on Trade and Development, 2015). Considérons, par

exemple la Sierra Leone où 60% de l’emploi est agricole avec plus de deux millions de petits agriculteurs

(Samson, 2011). C’est justement cet état de fait qui influence significativement les rendements des

cultures, les revenus des agriculteurs et le développement local.

Figure 5. Contribution du secteur agricole à la valeur ajoutée (en USD constant 2010)

Sources : World Bank national accounts data, calculs de l’auteur

L’agriculture reste le pilier de l’économie des PMA. La contribution de ce secteur à la valeur ajoutée

des PMA est en moyenne égale à 30% avec très peu de variances entre les PMA : le PMA avec la plus

faible valeur ajoutée du secteur agricole au PIB est de 24,5 %. Remarquons également que les pays à

faibles revenus ont une contribution de l’agriculture au PIB de plus de 33% montrant également que les

PMA ne sont pas uniquement caractérisés par leurs niveaux de revenus. Les économies les plus

avancées, malgré le volume de leurs productions ont des valeurs ajoutées du secteur agricole aux PIB

de moins de 15% en moyenne.

Les différences de productivité entre les économies ainsi que l’importance du secteur agricole dans les

PIB réels, sont liées aux formes et systèmes fonciers. L’existence d’une pluralité dans les systèmes de

production agricole ainsi que la variété des situations géographiques et climatiques, des superficies, et

de la biodiversité, engendre des défis multiples pour lesquels il ne saurait y avoir une solution unique

pour l’augmentation des rendements, de l’accroissement des revenus liés à l’agriculture, et par

extensions dans les PMA, des ressources indispensables au financement du Développement Économique

Local.

Les régimes fonciers et les modèles sociaux d’allocations des ressources de la terre pour la production

agricole couvrent un large éventail de combinaisons dans le monde en développement et dans les Pays

régimes de production agricoles varient selon l’implication des propriétaires des terres. Effectivement,

un régime foncier est défini comme un rapport social des liens créés entre les hommes à propos de

l’accès à la terre et aux ressources naturelles (Durand-Lasserve, Le Roy, Papazian, Thirion, & Uku,

2012). Pour la FAO, un système agricole est compris comme un ensemble de producteurs agricoles

individuels qui ont des « bases de ressources, des modèles d’entreprises, des moyens de subsistance et

des contraintes pour les ménages, et pour lesquels des stratégies et des interventions de développement

semblables seraient appropriées » (Kassam, 2003). Malcom Gillis, Dwitch H. Perkins, M Roemer et

D.R. Snodgrass, identifient neuf formes de régimes fonciers : l’exploitation agricole moderne à grande

échelle, l’agriculture de plantation, les exploitations familiales ou paysannes, les propriétaires

indépendants, le fermage, le métayage, l’agriculture communale et l’« agriculture collective » (Gillis et

al., 1998). La classification des systèmes d’exploitation agricole, telle que spécifiée par les différents

auteurs, sont une combinaison des ressources naturelles disponibles, du profil dominant des activités

agricoles et des moyens de subsistance des familles, des relations avec les marchés, et finalement, de

l’intensité des activités de production (Blair, 1984; Kassam, 2003).

En Afrique subsaharienne, qui comprend 35 des 49 des économies les moins avancées, les systèmes

agricoles en place sont liés au climat, à la qualité, et à la géographie des sols. Les figures ci-après,

montrent le lien étroit qui existe entre les systèmes de production (Figure 7) et les zones

agro-écologiques et les climats dans le continent (Figure 6). Dans les zones arides par exemple, du Sénégal,

de la Gambie, du Niger, de l’Érythrée, les cultures prédominantes sont des cultures mixtes de céréales,

de tubercules. Les zones semi-arides et subhumides, permettent la culture du riz, du maïs ... Cette

dépendance au climat est une des caractéristiques de la culture de subsistance pratiquée dans les Pays

les Moins Avancés.

Figure 6. Les zones agroécologiques en Afrique subsaharienne

Figure 7. Systèmes agricoles en Afrique subsaharienne

Source : FAO

Effectivement, l’agriculture pratiquée dans les Pays les Moins Avancés est une agriculture de

subsistance (Durand-Lasserve et al., 2012; Samson, 2011), où le morcellement des terres n’est pas

propice aux rendements d’échelles croissants. C’est une agriculture pauvre à peine suffisante pour les

besoins nutritionnels de la famille des cultivateurs. Ce système de production conserve une forte

composante traditionnelle dans les modes de production (Mbandza, 2004) et est généralement de type

biologique avec une insuffisance de fonds pour l’achat d’intrants industriels, un manque d’outils et de

semences. Les relations entre les différents systèmes de production agricole et les moyens de subsistance

des cultivateurs, entre autres facteurs, sont significatives pour expliquer le niveau de pauvreté dans le

monde rural. De plus, les petits agriculteurs ne diversifient pas leurs sources de revenus (Tableau 3). En

définitive, les dotations en ressources naturelles, le choix des activités, voire la structure des relations

sociales dans les zones rurales, sont liés à l’environnement biologique, physique, économique et

socioculturel sur lesquels les petits producteurs n’ont qu’un contrôle limité (Davis, 2006; Kassam, 2003;

Nguyen, 2011; United Nations Conference on Trade and Development, 2015).

Tableau 3. Systèmes agricoles et principaux moyens de subsistance

Systèmes agricoles % Terres cultivées Principaux moyens de subsistance

Aride 17 Maïs, légumes, dattiers, bovins, autres*

Pastorale 14 Bovins, chameaux, moutons, chèvres

Céréales-racines 13 Maïs, sorgho, mil, manioc, bovins

Culture de racine 11 Yams, manioc, légumineuses, autres

Culture de forêt 11 Manioc, maïs, haricots

Système agricole mixte 10 Maïs, tabac, coton, bovins, volailles

Système agro-pastoral 8 Sorgho, moutons, chèvres, volailles,

autres*

Source: (Food Agriculture Organisation of the United Nations, and Dixon, John and Gulliver,

Aidan and Gibbon, David, 2002)

Notes : (*) Travaux non-agricoles, travaux hors ferme, petits exploitants etc. Les moyens de

subsistance dans les zones rurales sont liés à l’élevage et à l’agriculture, avec des pourcentages

assez faibles de terres cultivées si l’on considère la fragmentation des exploitations agricoles et

surtout le fait que celles-ci devraient représenter l’essentiel des moyens de subsistance des

habitants des zones rurales.

En plus du problème des systèmes agricoles et de leurs incidences sur la faiblesse des revenus/salaires

dans le monde rural, vient s’ajouter la question des revenus des municipalités dans un contexte de rareté

des ressources financières pour le développement local. Cette forme de production a une incidence

directe sur les charges des producteurs (notamment sur les coûts fixes) à travers un impact sur l’accès à

la terre, la sécurité des investissements et même sur la possibilité pour les agriculteurs d’obtenir du crédit

à l’investissement dans le moyen ou le long terme.

Le système d’allocation des ressources dans le monde rural des PMA (i.e. les terres, la production

agricole) affecte la fiscalité locale

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: taxes sur les terrains bâtis et non-bâtis, taxes sur les activités etc.

Enfin, le régime foncier peut avoir une influence sur la stabilité politique car il agit sur la dynamique

des rapports et des contrats sociaux existant entre les acteurs ruraux (Gillis et al., 1998). La faiblesse des

salaires dans le monde rural n’est pas uniquement liée aux formes de production, à la faible productivité

et des moyens de subsistance. Elle est également dépendante des débouchés internes, de l’enclavement

des régions et du manque d’infrastructures de base (routes, transports, logistiques, moyens de stockages

etc.). La faiblesse des revenus des agriculteurs est enfin dépendante des débouchés externes de la

production agricole et de la faible présence des économies les moins avancées dans le commerce

international.

1.2. Une forte concentration de la production et de