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Chapitre II. Les mécanismes de financement du développement local dans les PMA

2.2. La décentralisation fiscale et le développement localisé

Les gouvernements locaux règlent les activités des territoires, des entreprises et fournissent les services

aux citoyens de manière diverse en utilisant des ressources variées. Afin de remplir leur mandat de

manière responsable sur le plan financier, les gouvernements locaux des PMA doivent disposer de

sources importantes de recettes fiscales propres ainsi que de recettes non fiscales sous forme de frais

d’utilisation de biens publics et de redevances. Durant les activités de développement local, les

du territoire (Ferguène, 2005). Les plans de développements communaux sont les plus couramment

utilisés dans les économies en développement. Dans la majorité des PMA, les Plans de Développement

Communaux annuels constituent des plans pour le territoire, les budgets d’exécution et, dans le cas d’une

intervention de bailleurs de fonds, les conditions de suivi et d’évaluation ainsi que les manuels de

procédures pour la participation de la population locale (Ferguène, 2005; UNCDFFENU, 2005).

L’ensemble doit être inclus dans les plans de développement communaux. Les plans de développement

communaux reposent sur une liste de projets relevés par la population. Le processus peut être fait sur

une base « participative » ou uniquement sortir des priorités des cartels municipaux avec au plus une

validation durant des audiences publiques dans les communautés. Or, la démarche fréquente de convertir

l’inventaire des besoins en une liste de projets ne rentre pas dans une réflexion stratégique qui

capitaliserait sur les ressources et les spécificités locales indispensables au développement localisé. De

même, le problème vient du manque d’harmonisation existant, en premier lieu entre les dynamiques de

développement local et les budgets des collectivités territoriales qui y sont rattachés, et ensuite, entre la

compréhension des rôles des gouvernements locaux à l’égard à la décentralisation vue comme un

processus administratif-politique, et au développement localisé compris comme une construction du

territoire.

Figure 21. Différents outils de financements selon les types de services

Source : Adaptée de UN-Habitat « The Human Settlements Financing Tools and Best Practices

Series » (UN-Habitat, 2009).

Les ressources dont disposent les collectivités territoriales pour le financement du DEL pro- viennent

des revenus fiscaux, des transferts de gouvernements centraux et des subventions des institutions

internationales (Figure 17). Le gouvernement local et les bureaucrates, pour financer les programmes,

projets et investissements des territoires des économies les moins avancées, disposent de ressources

propres, de l’emprunt bancaire (en l’absence de marchés financiers), des droits et redevances fiscaux51

et des taxes52/impôts, sur les activités économiques des territoires et sur le foncier, c’est-à-dire sur les

terrains bâtis, non-bâtis et les transactions d’échanges etc. (Figure 17 et Figure 21). Les compétences

des municipalités concernent l’entretient du domaine public, l’éclairage, la gestion des déchets, la

gestion de l’environnement et, selon le niveau de décentralisation atteint, ils peuvent s’élargir aux

domaines de la santé, et de l’éducation de base.

Dans le cadre de la mobilisation des ressources locales pour le financement des infrastructures ou des

projets dans les collectivités, il est souvent plus coûteux de collecter les revenus fiscaux que le montant

qui sera perçu ; cela est d’autant plus vrai si l’on considère l’ensemble des micro-entrepreneurs

ambulants des PMA. La latitude dans la mobilisation des ressources des gouvernements locaux, dépend

ainsi des fondamentaux des économies les moins avancées. En effet, de manière non-exhaustive, les

ressources locales sont restreintes par : la volatilité des taux d’inflation et des taux de change, la pauvreté

monétaire de la population locale, l’informalité et la mobilité des micro-entreprises des vendeurs

ambulants (qui peuvent rapidement changer d’emplacements), ainsi que l’informatisation du foncier ou

des bidonvilles et des lotissements informels entre autres.

En 2014, la population des Pays les Moins Avancés qui vivaient dans des bidonvilles, était évaluée à

62,7% de la population urbaine

53

. L’importance des bidonvilles constitue un défi majeur pour les

gouvernements locaux. Le captage des taxes dans les lotissements informels peut être fait à partir des

cadastres. Les cadastres remplissent trois missions fondamentales : technique, foncière et fiscale

(Chenal, 2013; 2015). Le cadastre fiscal permet de repérer l’ensemble des biens mobiliers, des propriétés

à taxer pour la perception de l’impôt. Effectivement, la première étape dans la perception d’une taxe

foncière consiste à identifier la propriété et d’assembler une base de données complète des habitations.

La cartographie des villes à partir des cadastres ou de méthodes Geographic Information System (GIS),

permettent d’avoir une vision des biens fonciers dans l’ensemble des territoires en mètre carré. Un

cadastre scalaire requiert des informations sur chaque propriété : une description de l’habitation et de

ses limites, une estimation de la valeur des terrains (UN-Habitat, 2009). Le maintien des cadastres

requiert des mises-à-jours régulières et constitue un travail coûteux en termes de ressources humaines,

techniques et financières. Il permet cependant d’avoir un meilleur rendement des finances locales et de

gérer l’urbanisation grandissante.

L’enjeu pour les gouvernements locaux est de comprendre comment capter les ressources générées par

des activités et logements informels, ou de provoquer une transition vers la formalité de ces secteurs. La

mobilisation locale pour le financement des programmes du DEL dépendra d’une part de la latitude des

collectivités territoriales et d’autre part, de leurs capacités à mobiliser les acteurs du territoire vers un

projet commun. Le financement à travers les ressources fiscales, dans les Pays les Moins Avancés

dépend du niveau d’indépendance des collectivités fiscales. Ainsi, nous engageons-nous

temporairement sur le sentier de la décentralisation dans les sections qui suivent.

La décentralisation implique un transfert des pouvoirs et des responsabilités des gouvernements centraux

vers les régions (Dafflon & Madies, 2008; Denieuil, 2005). La décentralisation repose sur les idées

fondamentales que les gouvernements au niveau central n’ont pas nécessairement la capacité d’apprécier

correctement la diversité des conditions locales ni d’évaluer les besoins et les moyens locaux pour

répondre à la demande de la population (UNCDFFENU, 2005). Selon le théorème de la décentralisation

avancé par Oates en 1972 : « chaque service public devrait être assuré par la juridiction ayant le contrôle

de la zone géographique minimale qui internaliserait les avantages et les coûts de cette disposition »

(Shah, 2006). La décentralisation a un certain nombre d’avantages :

1. Elle permet d’éliminer les juridictions inutiles ;

3. La prise de décision locale répond aux besoins des personnes à qui les services sont

destinés, favorisant ainsi la responsabilité et l’efficacité budgétaire, en particulier si le

financement des services est également décentralisé ;

4. La concurrence intergouvernementale et l’innovation sont renforcées (Shah, 2006).

Selon Boulenger, Gauthier, et Vaillancourt, on distingue trois niveaux de transfert des pouvoirs publics

vers les collectivités locales : la déconcentration, la délégation et la dévolution (Tableau 13) (Boulenger,

Gauthier, & Vaillancourt, 2012). Ces trois dimensions de délégations des pouvoirs sont administratives,

politiques et fiscales. Chaque degré de décentralisation atteint correspond à des marges de

responsabilités et de libertés supplémentaires dans la mobilisation des ressources fiscales et privées pour

la réalisation des projets de développement local.

Tableau 13. Trois niveaux de décentralisation

Types Responsables

politiques

Responsables de

l’exécution

Responsable du

financement

Déconcentration Élus nationaux Employés de l’État central Budget national

Délégation Élus nationaux et

élus sous-nationaux

locaux

Employés du

gouvernement,

sous-nationaux locaux

supervisés par les

employés de l’État central

Budget sous-national

local, avec ou sans

paiements contractuels

de l’État central, venant

du Budget national

Dévolution Élus

sous-nationaux locaux

Employés du

gouvernement

sous-national local (incluant

corps d’employés

nationaux)

Budget sous-national

local, taxes ou transferts

de l’État central venant

du budget national

Source : (Boulenger et al., 2012)

Notes : gouvernements sous– nationaux = cantons, états, provinces...

Pour tout nouveau transfert de compétences attribué aux collectivités territoriales doit être associée une

attribution des ressources équivalentes à celles consacrées à l’exercice quand ce dernier a lieu au niveau

compétences ou des compensations financières indispensables pour les atteindre. Les gouvernements

locaux n’ont pas les marges de manœuvres pour l’exécution de leurs budgets, ni la capacité nécessaire

pour la préparation des programmes de développement local et la mobilisation de fonds pour le

développement.

La décentralisation reste dans les textes légaux (Okonjo-Iweala & Osafo-kwaako, 2013; Samson, 2011;

Shah, 2006). Cette situation est apparente dans la composition et l’administration des budgets de ces

pays. Les données disponibles harmonisées

54

sur les finances décentralisées indiquent cette disparité

nette entre les textes légaux et la réalité des finances locales (Figure 22 et Figure 23).

La Figure 22 montre que seules 17 % des municipalités des économies retenues pour l’enquête, ont une

maîtrise de leurs budgets. Effectivement, dans la majorité des économies africaines indiquées, la

détermination des taxes et impôts locaux est réalisée par le Parlement, et leur mobilisation (payement

des impôts/taxes) revient à l’administration fiscale (Chenal, 2015; Yatta, 2014). En conséquence, les

villes africaines n’ont pas la maîtrise de leurs budgets ni les moyens de définir l’assiette fiscale (Yatta,

2014).

54

Car en effet, il est possible de retrouver quelques données sur les finances locales des PMA, mais ces

informations ne permettent pas de procéder à une comparaison entre les différentes économies. Nous utilisons

ainsi les données du Fonds Monétaire International. UN-Habitat dispose d’une base de données sur les finances

locales mais qui, en 2017, ne contient pas les économies les moins avancées : http://urbandata.unhabitat.org/

Figure 22. Maîtrise des budgets des municipalités selon les économies

Source : Revue africaine des finances locales, (Yatta, 2014)

Notes: Données provenant du traitement et de l’analyse des questionnaires de 153 villes africaines

venant des trente-deux pays (dont 20 PMA) : Tunisie, Mauritanie, Sierra Leone, Niger, Burkina

Faso, Côte d’Ivoire, Bénin, Guinée Bissau, Centre-Afrique, Gabon, Kenya, Tanzanie, Ouganda,

Burundi, Mozambique, Zimbabwe, Nigéria, Mali, Cap-Vert, Sénégal, Zambie, Togo, Guinée

Conakry, Tchad, Cameroun, Maroc, Madagascar, Éthiopie, Rwanda, Maurice, Malawi, Swaziland.

Les budgets des collectivités locales sont composés pour plus de 80% de transferts des gouvernements

centraux

55

. Il existe une tendance au niveau des collectivités à attendre que les ressources collectées au

niveau de l’État central soient partagées dans les collectivités. La mobilisation des revenus locaux

requiert des incitations pour la collecte et une correspondance entre les subventions, les besoins et

demandes de service public, et enfin, la reddition des comptes et la gestion de la prestation de services

publiques (Okonjo-Iweala & Osafo-kwaako, 2013). Ce point reste un élément capital surtout si l’on se

réfère aux niveaux de corruption ambiants dans les PMA.

Or dans l’élaboration des politiques du DEL, l’implication des gouvernements locaux est fondamentale

non seulement pour leurs rôles précédemment cités, mais encore parce qu’ils permettent de provoquer

la gouvernance et l’engagement des acteurs nécessaires à l’initiation d’un DEL réussi. Dans les

économies en développement et dans les PMA, la réussite des politiques de développement local, repose

sur un double engagement des collectivités locales et des petits et micro-entrepreneurs. Alors que les

collectivités sont limitées dans la mobilisation des ressources locales et dans la prise des grandes

décisions, l’enjeu principal est de savoir quelles formes de gouvernances il faudrait mettre en place dans

les PMA pour qu’elles soient efficaces et servent au plus grand nombre. Quels sont les systèmes de

gouvernance qui tiennent compte du jeu des acteurs locaux (privés, publics et internationaux) ? Les

localités doivent s’adapter aux nouvelles donnes de l’économie mondiale, c’est-à-dire être attrayantes

et se différencier afin d’attirer les investissements privés. D’une manière générale, le développement

économique local est considéré comme un système où un ensemble d’acteurs interagissent dans un

territoire donné. Les autorités locales et les entrepreneurs sont vus comme les éléments centraux

capables de transformer le système.

Figure 23. Budget des États et des Collectivités Territoriales pour deux PMA

Source : Fonds Monétaire International, calculs de l’auteur

Notes : Les données harmonisées à la travers les subdivisions territoriales permettant de calculer

le niveau de décentralisation fiscale (part des dépenses des collectivités sur le total des dépenses

nationales), ne sont pas disponibles pour la période récente. Les données de la décentralisation

fiscale harmonisée de 2001 peuvent être retrouvées pour quelques économies dans le Fiscal

Decentralization Indicators du FMI. Pour ces deux PMA les budgets des municipalités sont faibles

ou inexistants (0,5% pour l’Afghanistan).

Les gouvernements locaux doivent moderniser leurs infrastructures de transport et de communication,

accumuler du capital humain. D’une manière générale, la gestion des fonds pour atteindre des objectifs

de développement économique et de développement local requiert des compétences managériales non

seulement pour la gestion des territoires, mais aussi pour répondre aux défis externes que les Pays les

Moins Avancés ne peuvent ignorer tels que le changement climatique et les catastrophes naturelles.

2.3. Les financements externes du développement