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Une forte concentration de la production et de l’exportation de produits de base

Chapitre I. Les spécificités socio-Economiques des Pays les Moins Avancés

1.2. Une forte concentration de la production et de l’exportation de produits de base

Avec la globalisation, le commerce international s’est étendu plus rapidement que les revenus mondiaux,

en même temps que s’est accélérée une spécialisation des économies. L’Organisation Mondiale du

Commerce, dont la principale fonction est de « favoriser autant que possible la bonne marche, la

prévisibilité et la liberté des échanges

27

» mondiaux, comptait 164 Membres en 29 juillet 2016. Que ce

commerce ne se réalise pas dans un environnement tout à fait exempt de contradictions et de guerres

économiques ou de conflits est un autre débat. Toutefois, tandis que la globalisation se caractérise par

une croissance du volume des échanges internationaux de biens et services, des mouvements de capitaux

(Fontanel, 2002; 2005) ; les économies les moins avancées ont une très faible intégration dans le

commerce international. Leurs parts dans les échanges de biens et de services commerciaux dans le

monde ne représentent que 0,5%.

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Le système d’allocation des ressources a une influence directe sur la stabilité qu’elle apporte aux revenus

fiscaux des municipalités.

Alors que la structure des échanges mondiaux a beaucoup changé depuis les quarante dernières années,

montrant une part grandissante des produits manufacturés (66,2%) par rapport aux produits agricoles ou

aux produits de base (9,5%) (

Tableau 4), les PMA restent dans une extrême dépendance à l’exportation des produits de base (Figure

8). Les économies les moins avancées ont une part plus importante dans la production et l’exportation

de produits de base, ce qui limite leur potentiel et la possibilité d’obtenir une croissance économique

stable sur le long terme. Effectivement, la demande mondiale de produits primaires est beaucoup plus

faible que celle des produits manufacturés. Cet état de fait est théoriquement normale. La loi empirique

du statisticien Ernst Engel stipule qu’à une baisse de la part des revenus consacrés aux dépenses de

produits alimentaires dans les budgets des ménages devrait s’en suivre une augmentation des revenus

(Mankiw, 2014). Ces arguments et ces lois statistiques-empiriques valent également au niveau du

commerce externe et se répercutent sur les structures de production à mesure que les revenus

augmentent.

Tableau 4. Exportations mondiales de marchandises, par grands groupes de produits, en 2014 (en

milliards de USD et en %)

Valeur Part exportation

monde

Produits agricoles 1 765 9,5

Combustibles et produits des industries extractives 3 789 20,5

Combustibles 3 068 16,6

Produits manufacturés 12 243 66,2

Fer et acier 472 2,6

Produits chimiques 2 054 11,1

Equipement de bureau et de télécommunication 1 794 9,7

Produits de l’industrie automobile 1 395 7,5

Textiles 314 1,7

Vêtements 483 2,6

Produits agricoles (Accord agriculture) 1 454 7,9

Produits non agricoles (AMNA) 16 850 91,1

Ce postulat a été complété par l’hypothèse de Prebisch-Singer, dont les prémices sont qu’il y a une

baisse des prix alimentaires par rapport aux produits manufacturés, ce qui fait qu’une augmentation de

10% du PIB réel est associée à une baisse de 6% des prix des denrées alimentaires (Les stratégies de

développement, 2008b). Prebidch-Singer considèrent dans leurs analyses du « centre et de la périphérie

», que le sous-développement est dû à une mauvaise division internationale du travail et à une

polarisation du monde entre les plus riches et les autres. Ces hypothèses demeurent d’actualité et ont été

testées avec des données en panels sur vingt-cinq prix de matières premières de 1822 à 2005. Les

résultats des tests de l’hypothèse Prebish-Singer obtenus, bien que mitigés, ont été significatifs avec des

pentes négatives (Arezki, Hadri, Loungani, & Rao, 2014). En conséquence, la demande pour les matières

premières s’affaiblit dans le temps, tandis que celle pour les produits manufacturés continue de croître

sur les marchés mondiaux et ceci dans le long terme depuis la période de l’après-guerre.

Figure 8. Dépendance face aux produits de base (importations/exportations)

Sources: CNUCED; The Economist “Commodity dependency”: (12 août 2015)

Note : La moyenne des importations et des exportations nettes est en pourcentage du PIB

(2010-2013). Les produits de base sont les suivantes : Boissons et tabac, matières brutes, aliments,

combustibles, huiles et graisses et métaux. La mention « équilibrée » représente les Importations

/ exportations nettes inférieures à 0,1% du PIB.

Cette carte affiche les données de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement

et montre quels pays sont les importateurs nets et les exportations de produits primaires en général. Pour

les économies les moins avancées (sauf Haïti, le Mali, la République Centre Africaine, Madagascar,

Ethiopie, Somalie), les exportations de produits de base représentent plus de 20% de leurs exportations.

Cette dépendance rend les économies les moins avancées vulnérables à des chocs externes et subissent

toutes les variations des produits de base sur les marchés internationaux qui se traduisent en des chocs

au niveau interne.

Les matières premières sont également soumises à des fluctuations importantes des prix sur les marchés

mondiaux (Figure 9). Les PMA subissent le plus la volatilité et la baisse du prix des matières premières

sur les marchés internationaux, n’ayant pas nécessairement les ressources pour l’achat ou le stockage

des produits lorsque les prix des matières premières sont au bas niveau (dépendamment de leurs

positions d’importateurs ou d’exportateurs). Les difficultés liées aux faibles revenus se traduisent ainsi

par de fortes tensions sociales lors des fluctuations des prix de denrées de premières nécessités et des

produits alimentaires, au-dessus de la moyenne

28

. Prenons aussi le cas des produits pétroliers qui sont à

moins de 50 USD le baril depuis janvier 2015

29

où il se négociait à moins de 50 USD le baril et n’a pas

dépassé 70 USD

30

).

Figure 9. Évolution du prix de quelques produits de base à forte demande dans les PMA

Sources : OMC, calculs de l’auteur

Ce graphique montre l’évolution des prix en USD des matières premières pour quelques produits

agricoles de base dont la demande et la consommation sont importantes dans les PMA. Au cours des

décennies 1980 et 2000, les prix des produits de base représentés ici, ont crû de manière significative.

Les citoyens des pays dont les revenus étaient faibles ont subi fortement les variations de prix. Cette

situation est également paradoxale car ces PMA sont fortement tributaires de la production agricole.

Le paradoxe c’est que les Pays les Moins Avancés sont également importateurs de certains produits

alimentaires agricoles. Mais il s’avère que le faible rendement de l’agriculture de subsistance et

l’enclavement des zones rurales, constituent des coûts supplémentaires pour le consommateur final dans

les villes. Si bien que les produits locaux (riz, maïs, pois, ...) deviennent plus coûteux que le riz importé

des PVD d’Asie ou des économies très industrialisées telles que les USA. Les économies industrialisées

ont en effet, en plus des systèmes de productions à forts rendements, un secteur agricole subventionné.

Aussi, les États industrialisés de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques

(OCDE) ont versé à leurs agriculteurs et éleveurs plus de 2 milliards de USD de subventions. En 2015

le soutien aux agriculteurs s’élevait à 211 982.3 millions de USD

31

.

Pour les seize Pays les Moins Avancés à l’intérieur des terres, les « Land-loked » ou territoires

enclavés

32

, la situation est encore plus complexe. Avec le manque d’accès à la mer et les distances par

rapport aux frontières, ces états font face à des difficultés supplémentaires tels que l’éloignement et

l’isolement par rapport aux marchés mondiaux, les coûts de transit importants, les retards dans la

livraison des biens etc. La position géographique de ces pays continue d’imposer des contraintes à leur

développement socio-économique

33

. La traversée des frontières supplémentaires et les longues distances

pour atteindre les marchés mondiaux augmentent les dépenses totales pour les services de transport, la

logistique, et le coût des produits pour le consommateur final. De même, l’enclavement augmente les

coûts de l’exportation.

Également, la spécialisation dans certains produits de base a évidemment exacerbé la dépendance à

l’égard de l’exportation de ces produits de base dans toutes les régions en développement depuis 2000,

selon la CNUCED. Elle a augmenté de 20% entre 1999-2000 (Gayi & Janvier, 2016). La balance

commerciale des Pays les Moins Avancés affiche un déficit chronique et structurel (Figure 10)

accompagné d’une détérioration des termes de l’échange, et des taux de change réels. Par exemple, la

monnaie de la Zambie (le Kwacha), a déprécié de 45% face au USD en 2015 en raison de la baisse des

cours du cuivre qui représente 60% des exportations zambiennes

34

.

32

Mali, Burkina Faso, Niger, Burundi, Rwanda, République centrafricaine, Tchad, Ouganda, Éthiopie, Zambie,

Lesotho, Malawi, Afghanistan, Bhoutan, Népal, République Démocratique Populaire Lao.

33

Selon le Bureau des Nations Unies du Haut Représentant pour les Pays les Moins Avancés, les Pays en

Développement Sans Littoral et les Petits États Insulaires en Développement (voir le programme d’action pour

ces économies http://unohrlls.org/about-lldcs/programme-of-action/).

Figure 10. Solde du commerce de marchandises dans les PMA (1971 à 2016)

Sources : UNCTAD, calculs de l’auteur

La balance commerciale dans les PMA est structurellement déficitaire depuis 1971, sauf durant la

période de 2004 à 2007 et de 2009 à 2013. Cette situation crée des déséquilibres profonds au niveau de

la balance des paiements et des taux de changes.

Finalement, la résultante est une persistance des bas revenus, des bas salaires et de la pauvreté dans le

monde rural plus particulièrement. Aussi, en 2015, après des années de maintien d’une croissance

respectable, la croissance des PMA a ralenti, 3,6%. Cette situation est imputable selon la CNUCED à

l’effondrement des cours des matières premières sur les marchés internationaux (Conférence des Nations

Unies sur le Commerce et le Développement, 2016). La forte dépendance aux produits de base (Figure

8) constitue pour ces économies un obstacle à la mobilisation de ressources internes pour des

investissements productifs dans des secteurs plus prometteurs ou la diversification d’activités et un

développement localisé.

Il est assez ardu dans les économies les moins avancées de réfuter l’argumentation du changement de la

structure de production dans de bonnes conditions en vue d’un Développement Économique Local. Le

passage d’une part plus importante des produits manufacturés dans des structures de production est

nécessaire. Les milieux économiques ne sont pas favorables au développement localisé. Cette situation

risque de se maintenir jusqu’à ce que des changements structurels ciblés et adaptés soient mis en œuvre.

Les interventions pour un développement local et des politiques du DEL sont particulièrement difficiles.

D’abord, il faut à la fois se concentrer sur le développement économique afin d’aider la production

locale à devenir plus compétitive, transformer l’agriculture pour sortir de la subsistance et aller vers

d’autres modèles et systèmes agricoles à rendements supérieurs. Et ensuite, il est nécessaire de

provoquer des changements structurels profonds dans les zones à potentialités économiques (faire

émerger une production commerciale dans les zones rurales et dans les villes, créer des pôles de

développement etc.).

Enfin, bien que les PMA soient à forte dominance agricole et que cet état de fait provoque un fort impact

sur les revenus et les termes de l’échange, il convient aussi de remarquer qu’une classification

rudimentaire des PMA selon leur degré de spécialisation à l’exportation permet de distinguer des

sous-groupes à l’intérieur des économies les moins avancées. Les PMA sont classés selon leur spécialisation

dans l’exportation des combustibles, des articles manufacturés, des minéraux et des services. Cette

spécialisation est fonction de la part des produits à l’exportation quand ceux-ci dépassent plus de 45%

de leurs exportations (United Nations Conference on Trade and Development, 2015).

Tableau 5. Spécialisation à l’exportation des Pays les Moins Avancés

Produits agricoles et alimentaires Guinée-Bissau, Îles Salomon, Malawi, Somalie.

Combustibles Angola, Guinée équatoriale,

Soudan, Soudan du Sud, Tchad, Yémen

Articles manufacturés Bangladesh, Bhoutan, Cambodge, Haïti, Lesotho

Érythrée, Guinée, Mali, Mauritanie, Mozambique

Minéraux République Démocratique du Congo, Zambie Bénin,

Burkina Faso, Kiribati, Myanmar,

Exportateurs mixtes

Niger, République Centrafricaine,

RDP Lao, Tanzanie, Sénégal, Sierra Leone, Togo

Afghanistan, Burundi, Comores, Djibouti,

Exportateurs de services

Éthiopie, Gambie, Libéria, Madagascar, Népal,

Ouganda, Rwanda, Sao Tomé-et-Principe, Timor

oriental, Tuvalu, Vanuatu

Source : (United Nations Conference on Trade and Development, 2015)

Il apparaît ici un problème d’hétérogénéité. Les Pays les Moins Avancés diffèrent selon de nombreuses

dimensions et il est compliqué au prime abord de comparer directement les résultats et les situations de

leurs commerces extérieurs unilatéralement par rapport aux niveaux d’exportations des prix des matières

premières. Les degrés d’impacts sont différents, il conviendra de revenir sur ces points dans les

observations de terrain. Cependant, il n’en demeure pas moins que les conséquences des variations des

prix sur le commerce externe se répercutent dans ces pays de manière similaire, même si le degré de cet

impact peut être légèrement différent.

1.3. Les capacités d’adaptation et le changement