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1.3 La prévision infra-saisonnière des précipitations dans le Pacifique Sud-Ouest

1.3.3 Un territoire d’étude : la Nouvelle-Calédonie

Les études que nous avons menées dans cette thèse à l’échelle du bassin PSOT permettent d’avoir une vision d’ensemble de la prévisibilité des précipitations sur la zone. Cependant, dans une perspective d’utilisation des prévisions infra-saisonnières par des acteurs publics ou privés, il est nécessaire de fournir des informations spatialement plus précises. Dans la dernière partie de ces travaux, nous nous focaliserons sur un territoire particulier, la Nouvelle-Calédonie. Les résultats concernant ce territoire permettent d’évaluer la capacité des systèmes de prévision actuels à fournir des informations aux échéances infra-saisonnières sur les régions insulaires du Pacifique tropical.

La Nouvelle-Calédonie est un groupe d’îles, peuplé d’environ 270 000 habitants et situé entre 23-18°S et 163-169°E à environ 1500 km de la côte Est de l’Australie. Elle est composée d’une île principale longue d’environ 400 km et large d’environ 50 km, la Grande Terre, ainsi que d’autres îles secondaires : l’archipel des îles Loyauté à l’est, l’île des Pins au sud et les îles Bélep au nord. D’un point de vue climatologique, elle est la plupart du temps sous influence des alizés en provenance du sud-est, pilotés par l’anticyclone mobile des Kermadec. Ces alizés ont une orientation approximativement parallèle à celle de la Grande Terre, autour de 45°. Toutefois, ils présentent souvent une orientation un peu plus zonale, ce qui fait de la côte Est de la Grande Terre la côte au vent tandis que la côte Ouest est la côte sous le vent.

Cette orientation moyenne des vents a une forte influence sur la répartition des précipita- tions de l’île du fait de la chaîne de montagne centrale, dont l’altitude moyenne est de 800 m : comme l’illustre la Figure 1.18, la côte Est est plus arrosée, la côte Ouest plus sèche (Atlas Climatique de la Nouvelle-Calédonie, 2008; Leroy, 2006). La Nouvelle-Calédonie est caracté- risée par un climat marin subtropical avec une saison chaude et humide de mi-novembre à mi-avril culminant lors de l’été austral entre janvier et mars, ainsi qu’une saison plus fraîche et sèche de mi-mai à mi-septembre, séparées par deux intersaisons.

Du fait de sa position relativement méridionale à l’échelle du bassin d’étude, elle présente la particularité d’être fortement influencée à la fois par l’atmosphère tropicale et l’atmosphère des moyennes latitudes. L’influence des moyennes latitudes est plus prégnante lors de l’hiver austral alors que l’influence tropicale est prépondérante durant l’été. La majorité des événements de fortes pluies surviennent durant la période estivale à laquelle nous nous intéressons dans cette thèse. Bien que localisée au sud de la position moyenne de la SPCZ, la Nouvelle-Calédonie présente la particularité d’être régulièrement touchée par des événements appelés « descente de SPCZ » mis en évidence par les prévisionnistes de Météo-France (Lefort, 2005). Ces événements sont responsables de fortes pluies sur un à quelques jours (Moron et al., 2016). Par ailleurs, la Nouvelle-Calédonie est régulièrement frappée par des dépressions tropicales et des cyclones qui se forment au nord-est de l’archipel avant de redescendre vers le sud.

Tous ces événements sont fortement modulés par les principaux modes de variabilité du bassin PSOT aux échelles de temps infra-saisonnières à saisonnières que sont l’ENSO et la MJO, conformément à leur influence sur la SPCZ (Section1.3.1). Les travaux de Lefort (2005) et Lefèvre et al. (2010) ont montré l’influence de la MJO sur l’orientation des vents. L’impact de l’ENSO sur les précipitations a quant à lui été documenté par Morlière et Rebert (1986), Nicet et Delcroix (2000) ou encore Leroy (2006). Ces trois études concourent à montrer une

La prévision infra-saisonnière : état de l’art et enjeux

Figure 1.18 – Précipitations annuelles moyennes (mm) en Nouvelle-Calédonie sur la période 1981- 2010. Source : Météo-France Nouvelle-Calédonie, http://pluiesextremes.meteo.fr/nouvelle-cal edonie/Repartition-geographique-de-la-pluviometrie-en-Nouvelle-Caledonie.html.

augmentation des précipitations moyennes et de leurs extrêmes lors des années La Niña, et un comportement opposé lors des années El Niño. Forts de ces résultats, Fischer et al. (2004) ont développé un modèle statistique de prévision saisonnière des anomalies de précipitations sur le territoire basé sur plusieurs indices liés à l’ENSO.

Toujours pour les précipitations, la variabilité infra-saisonnière n’est pas en reste puisque l’influence de la MJO sur les pluies calédoniennes a été montrée par Leroy (2006). De plus, Moron et al. (2016) ont mis en évidence une modulation des précipitations par la variabilité infra-saisonnière en recourant à un indice sur mesure plutôt qu’aux indices MJO standard de Wheeler et Hendon (2004). Ce besoin d’un indice sur mesure s’explique par la localisation très méridionale de la Nouvelle-Calédonie par rapport à la bande équatoriale prise en compte dans les indices standard. Par ailleurs, cette localisation explique pourquoi l’influence constatée de la variabilité infra-saisonnière sur les précipitations de l’archipel est limitée aux événements de fortes pluies à grande échelle et s’applique beaucoup moins aux valeurs moyennes. Si l’on se réfère aux résultats de Matthews (2012, Figure 1.19), cette influence serait due à un mode particulier de la SPCZ (EOF1) dans lequel cette dernière est déplacée vers le sud-ouest du fait de la propagation de perturbations de type ondes de Rossby, qui peuvent être liées à la MJO. Cela rejoint ainsi le phénomène de « descente de SPCZ » identifié par Lefort (2005).

Comme dans le reste du Pacifique Sud-Ouest tropical, prévoir les précipitations à ces échelles de temps est aussi un enjeu en Nouvelle-Calédonie, où l’eau est une ressource cru- ciale pour l’agriculture et la production hydroélectrique. Puisque la saison humide fournit une part conséquente des précipitations reçues annuellement, la fin de l’hiver austral est souvent marquée par des conditions de sécheresse. Ces conditions impactent fortement la production agricole et ont un effet délétère sur la biodiversité. En effet, la végétation très sèche est fré- quemment sujette aux feux de brousse (Barbero et al., 2011), qui sont la principale cause de dégradation de la forêt primaire.