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2.2.1 Le modèle de climat couplé CNRM-CM

Le système de prévision infra-saisonnière de Météo-France est issu de la version 5 du sys- tème de prévision saisonnière. Il est basé sur le modèle de climat global couplé CNRM-CM (Voldoire et al., 2013, 2019) initialement développé par le CNRM et le CERFACS afin de modéliser l’évolution du climat présent et futur, notamment dans le cadre d’exercices d’in-

2.2 Le système de prévision S2S de Météo-France

Figure 2.1 – Schéma des différentes composantes de CNRM-CM et fréquences de couplage pour la version utilisée dans le système S2S de Météo-France. Adapté d’une figure de documentation disponible sur le site du CNRM :https://www.umr-cnrm.fr/spip.php?article126.

tercomparaison comme CMIP (Coupled Model Intercomparison Project). La vocation d’un modèle couplé est de représenter l’ensemble des composantes du système climatique que sont l’atmosphère, l’océan, la glace de mer et les surfaces continentales, ainsi que leurs interactions. Pour cela, il est nécessaire que ces composantes échangent régulièrement des informations en cours d’intégration. Cet échange se fait sous forme de flux physiques (eau, énergie, quantité de mouvement) à une fréquence appelée « fréquence de couplage ». Au contraire, lorsqu’on utilise un modèle d’atmosphère seul, les conditions aux limites sont prescrites sans que l’atmosphère n’agisse sur elles en retour.

Le couplage de l’atmosphère avec les autres composantes est une source de prévisibilité aux échelles infra-saisonnières à saisonnières (Section1.2.2). Le modèle CNRM-CM inclut donc plusieurs modèles chargés de simuler l’évolution de chaque composante, ainsi qu’un coupleur appelé OASIS (Valcke, 2006, version 3) pour échanger les flux. Comme le montre la Figure

2.1, les composantes du modèle se regroupent en trois blocs : ARPEGE-SURFEX-ISBA pour l’atmosphère et les surfaces continentales, NEMO-GELATO pour l’océan et la glace de mer, et TRIP pour le routage des fleuves. OASIS réalise les échanges de flux entre les blocs avec des itérations toutes les 24 heures.

2.2.1.1 Le modèle d’atmosphère ARPEGE-Climat

Le modèle d’atmosphère du système S2S est ARPEGE-Climat (version 6.0), qui résout les équations primitives et incorpore des paramétrisations pour représenter les phénomènes physiques sous-maille (Section 1.4.1). Ce modèle est issu du modèle de prévision numérique du temps ARPEGE/IFS développé à Météo-France et à l’ECMWF, qui a été adapté pour la simulation du climat global par Déqué et al. (1994). La résolution numérique des équations primitives, souvent appelées équations de Navier-Stokes, nécessite leur discrétisation sur une sphère représentant le globe. Sur les dimensions horizontales, cette discrétisation est grande- ment facilitée en transformant les équations par passage de l’espace des coordonnées spatiales

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habituelles (longitude et latitude) à l’espace dual des nombres d’onde sur la sphère, au moyen d’une transformée spectrale. On dit alors que le modèle ARPEGE est un modèle spectral. Les nombres d’onde conservés définissent la résolution horizontale des variables de sortie après retour dans l’espace des longitudes et latitudes.

Dans la version utilisée, on effectue une troncature au 256ème nombre d’onde : on parle

alors de grille horizontale TL255 (nombres d’ondes 0 à 255) et la résolution équivalente est d’environ 80 km. Pour ce qui est de la dimension verticale, elle est discrétisée suivant 91 niveaux hybrides entre les niveaux sigma et les niveaux de pression afin de prendre en compte les effets de l’orographie pour les niveaux proches de la surface. La discrétisation temporelle est quant à elle basée sur un schéma d’intégration semi-lagrangien avec un pas de temps de 15 minutes.

Dans ARPEGE-Climat, les processus paramétrisés sont les processus radiatifs, la turbu- lence, les nuages, les précipitations de grande échelle, la convection, la diffusion verticale et les ondes de gravité orographiques. Les processus radiatifs sont représentés par le schéma Ra- pid Radiation Transfer Model (RRTM, Mlawer et al., 1997) pour ce qui est du rayonnement thermique et par le schéma de Morcrette (1990) pour ce qui est du rayonnement solaire de l’ultraviolet au proche infrarouge. La turbulence est obtenue à partir de l’équation de ferme- ture à l’ordre 2 de Mellor et Yamada (1974) et la traînée des ondes de gravité orographique est paramétrisée par le schéma de Lott et Miller (1997).

Du point de vue des phénomènes aboutissant aux précipitations, le schéma de Ricard et Royer (1993) est utilisé pour calculer la fraction de nuages stratiformes et leur contenu en eau liquide, ainsi que pour la paramétrisation de la couche limite. La condensation sous-maille s’effectue avec la paramétrisation définie par Bougeault (1981, 1982) et les précipitations de grande échelle sont déclenchées à partir du modèle statistique de Smith (1990), tandis que l’évaporation des précipitations provient de la formulation proposée par Kessler (1969). Enfin, la convection profonde se déclenche par convergence d’humidité dans les basses couches si le profil vertical de température est instable, en vertu du schéma proposé par Bougeault (1985).

2.2.1.2 L’interface SURFEX

L’interface SURFEX (SURFace EXternalisée, version 7.2) assure l’échange d’information entre l’atmosphère et les différents types de surface terrestre. Les flux d’énergie, d’eau et de quantité de mouvement correspondant à ces échanges sont calculés grâce au schéma de Louis (1979), au niveau des océans comme des continents.

Les surfaces continentales sont représentées par le modèle IBSA (Noilhan et Mahfouf, 1996), directement inclus dans SURFEX et présentant la même grille horizontale qu’ARPEGE- Climat. ISBA calcule l’évolution des bilans d’eau et d’énergie dans le sol en tenant compte de la nature des sols fournie par la base de données à 1 km de résolution ECOCLIMAP (Masson et al., 2003). Il calcule également le ruissellement en surface et le drainage qui viennent alimenter le modèle de routage des fleuves TRIP (Oki et Sud, 1998), ce qui ramène l’eau dans l’océan et boucle le cycle hydrologique.

2.2 Le système de prévision S2S de Météo-France 2.2.1.3 La composante océan-glace de mer NEMO-GELATO

Le modèle d’océan incorporé à CNRM-CM est le modèle NEMO (Nucleus for European Modelling of the Ocean) version 3.2 (Madec, 2008). Tout comme l’atmosphère, l’océan est représenté par un jeu d’équations de conservation qui régissent son évolution. La plupart d’entre elles sont similaires à celles de l’atmosphère (conservation de la masse, conservation de la quantité de mouvement, conservation de l’énergie). Une équation supplémentaire exprime la conservation du sel, dont le rôle sur la densité de l’eau de mer est primordial dans la dynamique océanique.

Les mouvements de l’océan sont régis par trois grands types de phénomènes : les flux de chaleur entre l’océan et l’atmosphère qui affectent la couche superficielle de l’océan, le forçage par la tension de vent qui crée des courants en surface (pompage d’Ekman, courants de bord ouest) et enfin la circulation thermohaline liée aux différences de densité de l’eau causées par des différences de température et de salinité. Pour décrire ces mouvements, les équations du modèle d’océan incluent l’équation d’état de l’eau de mer faisant intervenir directement la température et la salinité comme variables d’état. La diffusion turbulente et la convection dans l’océan sont quant à elles paramétrisées à l’instar de ce qui se fait pour l’atmosphère.

La résolution numérique des équations de l’océan ne s’effectue pas de la même manière que celle de l’atmosphère. Il faut en particulier tenir compte de l’irrégularité des contours océaniques, ce qui amène à utiliser une méthode de type éléments finis plutôt qu’une méthode spectrale. La version de NEMO utilisée dans CNRM-CM présente ainsi une grille tripolaire à 1° de résolution, appelée ORCA 1, avec un raffinement à 1/3° en latitude sous les Tropiques. Sur la verticale, l’océan est découpé en 42 niveaux de plus en plus resserrés au fur et à mesure que l’on se rapproche de la surface, avec 10 niveaux sur les 100 premiers mètres de profondeur. D’un point de vue dynamique, la condition limite appliquée à l’interface air-mer est une condition de type surface libre.

La glace qui se forme aux hautes latitudes par congélation de l’eau de mer sous l’effet des basses températures est un élément majeur du système climatique, de par son effet sur les flux de chaleur air-mer, son rôle de surface froide et son albédo élevé qui augmente la fraction réfléchie du rayonnement solaire (Section1.2.2.2). De plus, les changements d’état de l’eau de mer jouent un rôle primordial sur la circulation océanique thermohaline : la formation de glace augmente la concentration en sel et donc la densité de l’eau liquide qui se trouve en dessous tandis qu’un effet contraire se produit lors de la fonte de la glace. Le modèle NEMO représente ces phénomènes grâce aux informations sur la glace qu’il reçoit du modèle GELATO (Global Experimental Leads and sea ice for ATmosphere and Ocean, Salas y Mélia, 2002), version 5. GELATO indique la présence ou l’absence de glace de mer. Si elle existe, il simule les mécanismes thermodynamiques de son évolution, qui dépendront de l’épaisseur. En outre, il représente les déplacements de la glace par advection élasto-visco-plastique, ainsi que la couche de neige accumulée sur la glace qui présente des propriétés optiques et thermodynamiques distinctes.

2.2.2 Mise en place du système de prévision S2S

Dès lors que l’on dispose d’un modèle comme CNRM-CM, la mise en œuvre de prévisions climatiques nécessite de lui fournir des conditions initiales, des conditions aux limites et une méthode de génération des ensembles.

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2.2.2.1 Les conditions initiales

Le système de prévision S2S de Météo-France est initialisé quatre fois par mois dans les re-prévisions (le 1er, le 8, le 15 et le 22 de chaque mois) et tous les jeudis pour la prévision

en temps réel. Au lancement d’une (re-)prévision, le modèle doit disposer d’états initiaux les plus proches de la réalité pour toutes les composantes du modèle couplé. Cependant, on ne dispose pas d’observations au niveau de toutes les mailles du modèle. Pour des prévisions en temps réel, on a recours à des analyses, qui sont des champs spatialisés produits par un modèle avec assimilation de données d’observation (in situ et satellitaires) en cours d’intégration. Le principe général de l’assimilation de données consiste à rappeler à pas de temps régulier les données telles qu’elles ont été prévues par le modèle lors d’une intégration précédente, appelée ébauche, vers de nouvelles observations disponibles depuis que l’ébauche a été produite. Cela aboutit à une nouvelle estimation de l’état de l’atmosphère, l’analyse, à la fois plus réaliste que celui de l’ébauche et plus complet que celui fourni par les observations. Lorsque l’assimilation de données est effectuée en continu sur une période passée, on parle de réanalyse. Les réanalyses servent à initialiser le système de prévision lorsqu’on effectue des re-prévisions.

Pour des raisons techniques, le système de prévision S2S de Météo-France n’inclut pas sa propre assimilation de données qui produirait directement les états initiaux compatibles. Il a donc recours à des analyses (pour les prévisions en temps réel) et à des ré-analyses (pour les re-prévisions) fournies par d’autres centres. En temps réel, le modèle d’atmosphère ARPEGE-Climat est initialisé par l’analyse opérationnelle fournie par l’ECMWF avec son modèle IFS, tandis qu’il est initialisé avec la réanalyse ERA-Interim (Dee et al., 2011) dans les re-prévisions. Ces données doivent être interpolées sur la grille d’ARPEGE-Climat avant de servir comme conditions initiales. Les conditions d’océan et de glace de mer sont quant à elles fournies par Mercator Océan International sous forme d’analyses et de réana- lyses dédiées. Les réanalyses d’océan et de glace de mer sont créées avec le modèle NEMO forcé en surface par les conditions atmosphériques d’ERA-Interim et rappelé vers la réanalyse GLORYS (Ferry et al., 2010). Quant aux flux du coupleur OASIS, ils sont initialisés avec les flux climatologiques obtenus dans une simulation libre de CNRM-CM. Enfin, pour initialiser les surfaces continentales, il est nécessaire de rendre les champs d’ERA-Interim compatibles avec SURFEX : on utilise pour cela la fonction de transfert développée par Boisserie et al. (2016).

2.2.2.2 Les conditions aux limites

Les composantes du système climatique interagissent de manière couplée mais elles sont aussi soumises à des contraintes extérieures sur lesquelles elles n’ont pas d’influence en retour, qu’on appelle forçages. Lorsque CNRM-CM est utilisé en prévision infra-saisonnière, les for- çages sont l’énergie solaire incidente au sommet de l’atmosphère (représentée par la constante solaire), ainsi que les concentrations en gaz à effets de serre et en aérosols. Aux échelles de temps considérées, la variabilité de ces forçages est supposée nulle (pour la constante solaire) ou faible. Il faut cependant tenir compte des variations saisonnières et de l’évolution des for- çages au cours de la période de re-prévisions. Les forçages en gaz à effet de serre sont les forçages annuels proposés par l’exercice CMIP, tandis que les forçages en aérosols naturels et anthropiques reposent sur une climatologie mensuelle constante d’une année à l’autre (Szopa et al., 2012).

2.3 Le système de prévision S2S de l’ECMWF