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1.2 De quelles informations pertinentes dispose-t-on dans la fenêtre infra-saisonnière ?

1.2.3 Les fenêtres d’opportunité

1.2.3.1 Principe général

La prévision aux échéances infra-saisonnières repose sur des phénomènes qui contraignent l’atmosphère et dont le pic de variabilité correspond à des périodes plus longues que les échéances de la prévision à court terme. L’inconvénient de ces phénomènes est leur carac- tère intermittent, c’est-à-dire qu’il n’existera pas toujours de signal suffisamment fort pour influencer l’évolution de l’atmosphère au-delà de quelques jours. Au contraire, cette dernière reste systématiquement affectée par une variabilité de haute fréquence caractéristique de son comportement chaotique. Par conséquent, lorsqu’une prévision est lancée en l’absence d’un signal de basse fréquence suffisamment fort, il est possible que l’information délivrée aux échéances infra-saisonnières ne soit pas pertinente.

Pourtant, l’évaluation des systèmes de prévision montre souvent que leurs performances, exprimées par un score, sont meilleures qu’une prévision triviale (persistance, climatologie, prévision aléatoire). Ce type d’évaluation, que l’on qualifiera de « systématique », donne une vision d’ensemble de la qualité des prévisions en prenant en compte un grand nombre de cas passés, dont certains ont été bien anticipés. En revanche, il ne garantit pas qu’une prévision individuelle, lancée un jour précis, sera de qualité suffisante pour un usager potentiel, même si les chances seront d’autant plus grandes que le score obtenu dans l’évaluation systématique est élevé. Dans un contexte d’utilisation opérationnelle, l’enjeu réside dans l’identification a priori des prévisions qui donneront des informations correctes et précises, d’où l’expression « forecasting the forecast skill » (Kalnay et Dalcher, 1987). Les situations pour lesquelles une prévision aura un tel potentiel sont appelées fenêtres d’opportunité (Mariotti et al., 2020). Nous détaillons ici les principales fenêtres d’opportunité identifiées en prévision infra- saisonnière.

1.2.3.2 MJO et fenêtres d’opportunité

En évaluant des sous-échantillons de prévisions, de nombreux travaux révèlent que l’état initial de la MJO conditionne la capacité d’un modèle à représenter correctement son évolution. Les périodes de MJO active constituent des fenêtres d’opportunité où l’on prévoit mieux son état futur que lorsqu’elle est inactive (Lim et al., 2018; Lin et al., 2008; Xiang et al., 2015). Plus précisément, certaines études soulignent que cette capacité est particulièrement accrue lorsque l’enveloppe convective se situe dans l’océan Indien, en phases 2 et 3 (Lim et al., 2018; Lin et al., 2008; Vitart, 2014).

Les fenêtres d’opportunité pour la MJO suggèrent qu’il en existe de même pour les variables atmosphériques qu’elle impacte. Dans la zone tropicale, ces fenêtres découlent directement de la propagation de la MJO tandis qu’aux moyennes et hautes latitudes, elles reposent sur des téléconnexions. Dans le second cas, l’atmosphère extra-tropicale répond à la présence de convection profonde dans les Tropiques avec un temps de l’ordre d’une à deux semaines. Ce décalage joue un rôle important dans l’existence même de la fenêtre d’opportunité infra- saisonnière (Mariotti et al., 2020).

Un certain nombre d’études se sont attachées à mettre en évidence de telles fenêtres d’op- portunité dans des systèmes de prévision numérique. Marshall et al. (2011) ont remarqué que les prévisions de précipitations dans les Tropiques sont plus performantes pour une MJO

1.2 De quelles informations pertinentes dispose-t-on dans la fenêtre infra-saisonnière ? initialement active que pour une MJO initialement inactive. Les travaux de Vigaud et al. (2017a,b, 2018) montrent que la qualité des précipitations prévues sur l’Amérique du Nord, les zones de mousson ou encore l’Afrique de l’Est dépendent aussi de la phase initiale de la MJO. Certaines phases apportent une bonne prévisibilité tandis que pour d’autres, les pos- sibilités de prévision aux échéances infra-saisonnières sont quasi-inexistantes. Ce résultat est complété sur les États-Unis par Jones et al. (2011a,b) qui montrent que c’est pour une MJO initialement active en phase 8, 1, 2 ou 3 que la prévision d’extrêmes de précipitations est la plus performante.

Par ailleurs, les fenêtres d’opportunité ne se limitent pas aux précipitations puisqu’on en retrouve au niveau de la NAO (Lin et al., 2010; Vitart et Molteni, 2010) et des températures en Amérique du Nord (Vigaud et al., 2020), en Australie (Marshall et al., 2014) ou encore en Asie (Liang et Lin, 2018).

1.2.3.3 ENSO et fenêtres d’opportunité

À l’instar de la MJO, certaines phases de l’ENSO favorisent des prévisions de meilleure qualité, y compris aux échéances infra-saisonnières. Il ressort généralement que, durant les événements marqués de l’ENSO (El Niño et/ou La Niña), les capacités de prévision sont améliorées du fait d’un signal plus important. Dans la bande tropicale, Li et Robertson (2015) remarquent de meilleures prévisions de précipitations à 3 semaines d’échéance les années où un événement ENSO est en cours. Le même type de constat est réalisé à plus fine échelle sur l’Australie par Hudson et al. (2011).

Toutefois, en distinguant les phases El Niño et La Niña, on observe fréquemment que l’une favorise la prévision des précipitations tandis que l’autre la dégrade. Par exemple, (Vigaud et al., 2017b) montrent que les prévisions dans trois zones de mousson (Afrique de l’Ouest, Amérique du Nord, Asie) sont plus performantes en phase La Niña qu’en phase neutre, et plus encore qu’en phase El Niño, tandis que le comportement contraire est observé en Afrique de l’Est (Vigaud et al., 2018).

Moyennant une étude préalable sur la région d’intérêt, les conditions de l’ENSO renseignent donc sur de potentielles fenêtes d’opportunité, pour les précipitations comme pour d’autres variables telles que les températures (par exemple Liang et Lin, 2018, sur l’Asie) et leurs extrêmes (White et al., 2014, sur l’Australie). En outre, la prise en compte simultanée des conditions ENSO et de l’état de la MJO permet de dégager des fenêtres d’opportunité croi- sées ENSO-MJO, comme le souligne le modèle statistique de prévision des températures en Amérique du Nord de Johnson et al. (2014).

1.2.3.4 Fenêtres d’opportunité liées aux processus stratosphériques

La stratosphère est la couche de l’atmosphère comprise approximativement entre 12 et 50 km d’altitude, à des niveaux de pression entre 100 hPa et 1 hPa. Contrairement à la troposphère, les processus qui s’y produisent sont d’impact moindre pour les conditions mé- téorologiques puisqu’elle n’est pas le siège de la formation de nuages convectifs. Cependant, son couplage dynamique avec la troposphère lui permet d’impacter la circulation dans cette dernière à différentes échelles de temps, y compris les échelles infra-saisonnières (Butler et al., 2019).

La prévision infra-saisonnière : état de l’art et enjeux

Figure 1.14 – Variations de l’indice mensuel de QBO sur la période 1981-2010 dans des données de référence (réanlyse NCEP, traits pleins avec couleurs) et dans les prévisions du modèle australien POAMA (traits pointillés). Figure tirée de Marshall et al. (2016a).

L’Oscillation Quasi-Biennale Aux latitudes tropicales, la stratosphère est caractérisée par une oscillation du vent zonal d’une période moyenne de 28 mois. Le vent zonal dans la bande équatoriale, initialement orienté uniformément vers l’est, ralentit progressivement et change d’orientation pour se retrouver orienté vers l’ouest au bout d’une demi-période, soit 14 mois, avant de revenir à son état initial au bout d’une période complète. Cette oscillation est quasi- sinusoïdale et présente une amplitude d’environ 20 m/s sur toute la colonne comprise entre 5 et 40 hPa, avec des modifications qui se propagent du haut vers le bas de la stratosphère. En raison de sa période, elle est appelée Oscillation Quasi-Biennale (QBO, Baldwin et al., 2001). On la caractérise par la valeur moyenne du vent zonal à l’équateur au niveau de pression 50 hPa (Figure 1.14). Lorsque ce vent vient de l’est, on parle de phase EQBO (Easterly QBO), et lorsqu’il vient de l’ouest, on parle de phase WQBO (Westerly QBO).

La QBO est capable d’influer sur la convection profonde dans les Tropiques (Collimore et al., 2003), du fait d’un couplage stratosphère-troposphère dont les mécanismes ne seront pas détaillés ici. Cela se traduit par un fort impact sur l’oscillation de Madden-Julian et sa propagation. Durant les hivers boréals de phase EQBO, les anomalies convectives liées à la MJO sont intensifiées sur tout le bassin Indo-Pacifique et se propagent plus lentement que durant les hivers WQBO (Son et al., 2017). Cela aboutit à une MJO plus intense, plus régulière, avec un pic spectral plus marqué à 40-50 jours, donc plus prévisible par les systèmes de prévision numérique.

C’est ce qui a été montré par Marshall et al. (2016a) dans le système de prévision du Bureau of Meteorology australien, où la capacité à prévoir la MJO est améliorée d’environ 8 jours en phase EQBO par rapport à la phase WQBO. Ce résultat est généralisé par Lim et al. (2019) à d’autres modèles numériques, dont ceux qui seront utilisés dans cette thèse. Il s’ensuit que la QBO fournit des fenêtres d’opportunité, non seulement pour la prévision de la MJO, mais aussi pour la prévision des autres champs sur lesquels elle agit. Mundhenk et al. (2018) démontrent ainsi qu’il est possible d’anticiper la mise en place de rivières atmosphériques sur la côte Ouest de l’Amérique du Nord avec des échéances plus grandes pour certaines combinaisons de phases QBO et MJO.

Les réchauffements stratosphériques soudains La stratosphère polaire de l’hémisphère Nord est occasionnellement le théâtre de brusques augmentations de température (+70 K en

1.3 La prévision infra-saisonnière des précipitations dans le Pacifique Sud-Ouest