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La prévision d’ensemble permet de tenir compte a priori des incertitudes de conditions ini- tiales et/ou de modélisation (Section1.4.2.1). Cette technique a été initialement mise au point pour estimer les incertitudes des conditions initiales : on lance les différents membres avec un jeu de conditions initiales légèrement différentes les unes des autres, de telle sorte que la distribution de ces conditions initiales soit représentative de leur incertitude (cercle bleu autour de l’analyse dans la Figure 1.20). On génère l’ensemble en prenant la même analyse avec un décalage temporel (lagged-average, Hoffman et Kalnay, 1983) ou en perturbant de manière aléatoire un jeu de conditions initiales (Leith, 1974).

Cependant, l’ensemble généré par simple perturbation des conditions initiales s’avère fré- quemment sous-dispersif : il n’explore pas une fraction suffisamment importante de l’espace des phases que l’atmosphère peut occuper en réalité. Pour pallier ce problème, on peut aussi prendre en compte les incertitudes de modélisation liées aux paramétrisations et à la dis- crétisation spatiale et temporelle du schéma numérique. Chaque membre est alors généré avec de légères modifications des équations du modèle. Ces modifications peuvent intervenir de dif- férentes manières, par exemple en perturbant les paramètres du modèle, ou encore en rajoutant un terme aléatoire dans les équations d’évolution des variables pronostiques. Cette seconde technique, utilisée dans les deux systèmes décrits dans ce chapitre, est appelée perturbation stochastique.

Dans le système de prévision infra-saisonnière de Météo-France, la génération d’un en- semble repose entièrement sur des perturbations de la dynamique de l’atmosphère dans AR- PEGE-Climat en cours d’intégration, suivant une approche appelée « dynamique stochas- tique » (Batté et Déqué, 2012, 2016). Elle consiste à ajouter à chaque pas de temps un terme d’erreur, obtenu à partir d’une simulation préalable où l’on guide le modèle vers une référence (ERA-Interim). Ce terme est tiré de manière aléatoire parmi les erreurs du mois calendaire courant. Un tirage aléatoire différent étant effectué pour chaque membre, cela a pour effet de les disperser. Cette méthode a été conçue de manière à diminuer certaines erreurs systéma- tiques.

2.3 Le système de prévision S2S de l’ECMWF

Le système ECMWF de la base S2S est un système d’ores et déjà utilisé de manière opérationnelle. Il est aussi appelé système de prévision mensuelle et est issu d’un système de prévision météorologique à moyen terme. Par opposition au système de Météo-France, plusieurs versions successives du système ECMWF sont présentes dans la base S2S. En effet, l’utilisation de re-prévisions « au fil de l’eau » favorise une actualisation plus fréquente car elle facilite l’obtention d’un jeu de re-prévisions réalisé avec la même version du modèle pour chaque prévision en temps réel. Au cours de cette thèse, notre travail avec ce système a porté sur des re-prévisions de la période 1996-2015, qui ont été réalisées avec le cycle CY41R1 du modèle IFS. La description que nous présentons vaut pour cette version, dont les choix techniques sont similaires à ceux exposés par Vitart et al. (2008).

Outils et modèles

2.3.1 Le modèle global couplé

La composante atmosphérique du modèle global couplé est le modèle IFS (cycle CY41R1). Comme son « cousin » ARPEGE, ce modèle est un modèle spectral. L’originalité des prévi- sions de l’ECMWF aux échéances infra-saisonnières réside dans le changement de résolution atmosphérique en cours d’intégration au bout de 10 jours, avec le passage de la troncature linéaire TL639 (environ 32 km de résolution) à la troncature linéaire TL319 (environ 64 km). Ce changement est décrit par Vitart et al. (2008). Il est lié au fait que les 10 premiers jours de prévision sont issus du système de prévision à moyen terme EPS (Ensemble Prediction System). En résolution verticale, IFS cycle CY41R1 utilise 91 niveaux sigma. Parmi les choix de paramétrisation déterminants pour les précipitations produites, on citera les schémas de convection et de nuages proposés par Tiedtke (1989, 1993).

Le modèle d’atmosphère IFS est couplé au modèle d’océan NEMO (version 3.4.1) à 1° de résolution et au modèle de surfaces continentales HTESSEL (Balsamo et al., 2009) au moyen du coupleur OASIS. En revanche, ce modèle couplé n’incorpore pas de modèle de glace de mer dans la version que nous avons utilisée (mais c’est le cas dans des cycles ultérieurs, à partir de CY43R1). La glace de mer est fournie au modèle d’atmosphère par la persistance des conditions de glace durant les 15 premiers jours suivant l’initialisation, puis par une évolution progressive vers la climatologie.

2.3.2 Initialisation et génération des ensembles

L’initialisation par assimilation de données permet de se prémunir d’un choc initial en fournissant des conditions initiales directement compatibles avec le modèle utilisé. En temps réel, l’analyse opérationnelle de l’ECMWF qui sert à initialiser la composante atmosphérique du système S2S est produite par assimilation de données avec la méthode 4DVar, dont la description dépasse le cadre de cette thèse. Dans les re-prévisions, cette initialisation est ef- fectuée de la même façon en partant d’ERA-Interim. Pour l’océan, l’ECMWF produit ses propres analyses océaniques en temps réel, et utilise les conditions initiales ORAS4 dans les re-prévisions. Enfin, les conditions initiales de sol proviennent, comme pour l’atmosphère, de l’analyse opérationnelle et de la réanalyse ERA-Interim. Les prévisions S2S de l’ECMWF sont lancées deux fois par semaine en temps réel, le jeudi — où elles sont concomitantes avec celles de Météo-France — et le lundi. Les re-prévisions se font au fil de l’eau pour les mêmes dates calendaires des vingt années précédant la prévision en temps réel.

Afin de générer les ensembles, le système ECMWF étudié dans cette thèse a conjointement recours à deux méthodes de perturbations stochastiques : l’une intervenant sur les tendances calculées par les paramétrisations physiques (SPPT, Buizza et al., 1999) et l’autre portant sur une correction aléatoire de dissipation d’énergie cinétique (SKEB, Shutts, 2005). Une perturbation des conditions initiales de l’atmosphère est ajoutée avec la méthode des vecteurs singuliers (Buizza et Palmer, 1995) et avec la méthode Ensemble Data Assimilation (EDA). Enfin, l’incertitude sur les conditions initiales océaniques est aussi prise en compte : cinq analyses océaniques différentes sont utilisées, une non-perturbée et quatre perturbées par l’intermédiaire de modifications du champ de vent au contact de l’océan lors de la production des analyses.