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Percival Molson est le plus vieux stade de football universitaire et professionnel de Montréal. Ce sport est introduit au Canada par des officiers britanniques qui disputaient des joutes avec les étudiants de l’Université McGill (Lemay, 2006). En 1868, la fondation du Montréal Football Club, devenu les Alouettes en 1946, marque la reconnaissance sportive du football canadien. D’abord perçu comme marginal dans le « royaume du hockey », le football a pris une place grandissante dans les mœurs des Canadiens-français, peu attirés par ce « sport d’Anglais » jusqu’à l’arrivée des Alouettes. Maintenant, le football professionnel est considéré comme un élément fédérateur du pays (Lemay, 2006). La grande tradition du football de l’Université McGill occupe ainsi une place importante dans l’histoire de la culture sportive de la ville. C’est une culture d’appartenance exprimée en termes de club qui ignore les fractures sociales, politiques et linguistiques (Sénécal, 1996). De ce point de vue, les Alouettes sont devenus un point de convergence dans une ville traversée historiquement par de grandes divisions linguistiques et culturelles.

Par ailleurs, le stade Molson fait partie du campus McGill qui, en plus des bâtiments universitaires, est un grand espace vert situé au centre-ville, un repère dans le paysage urbain de Montréal. En fait, il agit comme une charnière entre le quartier des affaires au cœur de la ville et le parc du Mont-Royal.

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Figure 2.2 : Localisation du stade Percival-Molson

Source : D’après le Plan de l’arrondissement de Ville-Marie, Ville de Montréal, Service des infrastructures, transport et environnement, Division de la géomatique

Le stade Percival-Molson fut construit sur le flanc du Mont-Royal en 1920 selon les plans de Percy Erskine Nobbs17, un de plus prestigieux architecte du début de XX

siècle et alors professeur de design à l'école d'architecture.

17 Originaire d’Écosse, Nobbs a adapté les principes du mouvement anglais Arts and Craft au Canada et a

réalisé une œuvre qui le place parmi les plus grands architectes de la première moitié du XXe siècle (Wagg

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Figure 2.3 : Stade Percival-Molson, 1919 Source Services des archives de l’Université McGill

En 1997, les Alouettes déménagèrent au stade McGill lors du match de demi-finale de la division Est. Jusqu’à ce jour, le Stade Olympique était son terrain de jeu. Cependant, un concert du groupe U2 prévu depuis longtemps força l’organisation des Alouettes à trouver un autre stade où l’équipe pourrait jouer. La direction du club a finalement opté pour le stade de McGill quoiqu’il y ait eu, déjà à ce moment, des signes évidents de détérioration. Les Alouettes ont donc entrepris des travaux de rénovation. Depuis 1999, ils ont travaillé à l’agrandissement de leur stade, dont une première phase18,

achevée en 2003, aura coûté 13,3$ millions en subventions fédérales, provinciales et municipales19. La deuxième étape fut la construction d’une entrée principale du côté

Est, la mise en place d’un écran de 7 mètres de haut sur 12 mètres de large avec une hauteur totale de 19,40 mètres, et la création de 18 loges et l’ajout de 5000 sièges dans les tribunes Sud, Nord-est et Est, tout ceci afin d’accroître sa capacité de 25%. Le stade rénové offre aussi de nouveaux systèmes de son et d'éclairage et de nouvelles voies d'accès.

18 Elle a compris la démolition et la reconstruction des vestiaires sous les estrades sud, la démolition et la

reconstruction des différentes concessions sous les estrades nord ainsi que la démolition et la reconstruction de la galerie de presse sur les estrades nord (Conseil municipal, 14-03-2006).

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Figure 2.4 : Le projet d’agrandissement

Source : D’après le Projet d’agrandissement du stade Percival-Molson, volet intégration

architecturale et aménagement paysager, Les Alouettes de Montréal, mai 2006, doc. 5.4, p. 5

Ces transformations sont parties des changements qui se sont produits autour de l’AHNMR au cours du siècle dernier. Notamment, celui du quartier Milton-Parc situé à l'est du campus de l'Université McGill et tout juste en face du stade. Il s’agissait d’un ancien quartier bourgeois anglophone faisant partie du Golden Square Mile auquel les promoteurs immobiliers incorporèrent de nouveaux types de construction résidentielle. Les maisons en rangée, construites entre 1880 et 1890, permirent d’obtenir une densification de l’édification20. La crise de 1929, engendrant la dénomination ghetto

McGill en raison du départ des familles et de l’arrivée des étudiants, signale le début du déclin. Plus tard, dans les années 1970, ce quartier est devenu un symbole du

20 Commission des biens culturels du Québec. 2005. Étude de caractérisation de l’arrondissement historique

59 militantisme des citoyens opposés au plan de rénovation urbaine qui comprenait la construction du complexe d'habitations de La Cité Concordia. Celle-ci prévoyait raser le secteur en entier mais fut limitée à quatre tours dont la réalisation a tout de même nécessité la démolition de 235 maisons (Drouin, 2005).

Les résidants du quartier et les militants du mouvement patrimonial sont devenus les promoteurs de la réhabilitation de centaines d'habitations datant du siècle dernier. Ceci a été à l’origine, en 1987, de la plus grande coopérative d’habitation au Canada et de la fondation des plus importantes associations de sauvegarde comme Héritage Montréal, la Société du patrimoine urbain de Montréal, Sauvons Montréal et de la Société d’amélioration Milton-Parc dédiées au quartier (Conféderation québécoise des coopératives d’habitation, s.d.; Drouin, 2005; Germain, 1988). Le processus de gentrification s’est du coup enclenché, entraînant une importante hausse des prix des loyers et la transformation de plusieurs édifices en condos de luxe.

Aujourd’hui, Milton-Parc est un quartier mixte multiethnique habité par des étudiants, des familles et des retraités (Ville de Montréal, 2001). C’est un milieu résidentiel très mobilisé avec un fort engagement civique relié à son environnement physique. La réaction et l’implication de ses résidants face au projet d’agrandissement du stade ont donc des chances d’avoir des répercussions significatives.

Méthodologie

Nous avons effectué des entretiens semi-dirigés auprès des habitants mobilisés, majoritairement du quartier Milton-Parc, entre avril et juillet 2008. L’échantillon de type intentionnel est composé de résidants et de membres des associations, intervenant dans le cas controversé, ainsi que de professionnels choisis en fonction de leur expertise, de leurs responsabilités institutionnelles et de leur implication dans la controverse. Ainsi, ont été interviewés des autorités, des fonctionnaires municipaux (élus, professionnels des directions d’aménagement urbain et des grands parcs), des représentants des associations et des institutions qui siègent à la Table de concertation du Mont-Royal, des formateurs d’opinion présents par exemple dans les médias et des experts du patrimoine.

Plusieurs sujets ont été abordés lors de ces entretiens : les significations du parc du Mont-Royal pour chacun des interviewés, des enjeux techniques, des contraintes et

60 des négociations dans la prise de décisions concernant leur quartier. Les objectifs poursuivis étaient de connaître les valeurs attribuées à la montagne, au parc et au quartier historique, leur degré de satisfaction en ce qui concerne la participation dans le processus d’approbation de nouveaux aménagements, et leur avis en ce qui a trait aux évolutions futures.

Les entrevues enregistrées ont été d’une durée approximative de 90 minutes. Ces enregistrements ont permis de repérer les sujets qui ressortent le plus fréquemment afin de mesurer leur importance, sachant bien, toutefois, que les silences et les non- dits peuvent être aussi significatifs. Des citations de ces entretiens ont aussi été transcrites.

Nous nous sommes également basée sur l’analyse de différents documents : mémoires présentés dans le cadre de la consultation publique, transcriptions des assemblées, documents officiels de la Ville de Montréal et articles de la presse locale. Pour l'ensemble des journaux, nous avons retenu les textes des journalistes comme des éditoriaux et des chroniques, le courrier des lecteurs et les articles d'opinion.