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Le caractère patrimonial de la montagne légitime les multiples acteurs mobilisés par son processus d’aménagement. Considérant le rôle incontournable du patrimoine dans la gestion de la ville, les décisions qui le concernent sont, à l’heure actuelle, le produit d’un processus participatif qui mobilise des institutions, différents organismes préoccupés par les enjeux en question et même des associations de résidants et de citoyens. Les différents points de vue, comme ceux des habitants vivant à proximité de sites patrimoniaux, ont été les derniers à être introduits de façon formelle dans ce débat. C’est le résultat des dernières décennies au cours desquelles, de manière corrélative à l’élargissement de la notion de patrimoine et à l’évolution des processus d’administration, de nouveaux protagonistes se sont intégrés dans les démarches patrimoniales (Veschambre, 2002). Ils ont, du même coup, remis en cause le monopole des spécialistes. Tout ceci est bien illustré par le dossier à l’étude dans lequel plusieurs acteurs ont joué un rôle.

D’abord, il s’agit de l’équipe de football des Alouettes de Montréal qui a déclenché le conflit de façon effective, car d’après le propriétaire de l’équipe Robert Wetenhall, le

61 manque de rentabilité menaçait la survie du club. Celle-ci dépendait du projet qui nous occupe (Champagne, 2006). À la nécessité d’augmenter leurs revenus et de consolider leur présence à long terme, les Alouettes ajoutent les avantages que le stade Molson détient :

« centre-ville, proximité de l’action, convivialité, cachet historique et emplacement exceptionnel sur le Mont-Royal »(Les Alouettes de Montréal, 2006).

Figure 2.5 : Derrière les tribunes, les édifices du centre-ville montréalais

62 Tout ceci motive leur décision d’y rester et de délaisser le stade olympique. À leur avis, il y a aussi, une série d’avantages pour la communauté : diminution de la circulation dans le quartier situé au Sud du stade, création d’une entrée principale qui regrouperait tous les services du côté Est, promotion des transports en commun, des déplacements pédestres et cyclistes, amélioration de la vue sur le Mont-Royal.

Cette argumentation, partagée par les partisans des Alouettes et la Chambre de commerce de Montréal métropolitain21 (CCMM), évoque aussi les retombées

économiques des matchs, la notoriété du club de football et le rayonnement dont Montréal bénéficierait. Ils allèguent, également, la volonté des spectateurs de voir les matchs dans l’environnement unique du Mont-Royal et de l’appartenance du stade au centre-ville où il est présent depuis 87 ans (Krol, 2006). Toutefois, le projet est loin de faire l’unanimité. Les avis sont partagés. Pour la plupart, ce sont les demandes d’améliorations qui l’emportent.

Par ailleurs l’Université McGill, propriétaire du stade, est restée en retrait pendant tout le processus d’approbation du projet. Ceci pourrait être interprété comme un besoin pour l’Université de trouver de nouveaux espaces lui permettant d’aménager ses facultés dans son emplacement historique, le centre-ville tant convoité.

En ce sens, le président et chef de la direction du processus d’approbation du projet, Larry Smith, soutient que : « The stadium, quite frankly, was an embarrassment to (McGill) University. It has run itself into disrepair » (Zurkowsky, 2010).

L’agrandissement du stade Percival-Molson irait ainsi à l’encontre des intérêts de ladite université, ce qui expliquerait son retrait. Cette attitude dérange les voisins qui lui demandent une position publique et claire. Qui plus est, ils veulent un engagement sur le fonctionnement du stade ainsi qu’à l’égard du quartier.

En ce qui a trait à l’administration municipale, l’avis du Conseil de l’arrondissement de Ville-Marie souligne le caractère identitaire du stade sous deux aspects chers aux citoyens : d’une part, l’attachement à l’équipe des Alouettes de Montréal et d’autre part, l’appartenance au Mont-Royal. Cela dit, le Conseil soulève les problèmes qui concernent le traitement architectural, la circulation, l’aménagement et la protection du

63 paysage22. En fait, le projet ne recueille pas l’accord des conseils et des comités de la

Ville. Le Conseil du patrimoine de Montréal23 émit des réserves et proposa de ne pas

réaliser le projet selon les plans premiers. Le Comité ad hoc d’architecture et d’urbanisme proposa, quant à lui, de revoir le projet étant donné qu’il présentait une opportunité exceptionnelle pour la Ville, les Alouettes et l’Université McGill d’élaborer un projet exemplaire.24 Toutefois, le Comité consultatif d’urbanisme émit un avis

favorable à la demande.

Cette opinion fut aussi partagée par les Amis de la montagne25 qui apprécient la

démarche entreprise par les Alouettes en intégrant des consultations avec des associations et des groupes de citoyens dans l’élaboration du projet pendant plus de cinq ans. Ils ont appuyé l’agrandissement en ajoutant les suggestions suivantes : réduction des impacts de l’écran, compensation des surfaces boisées à même les stationnements du secteur, implication accrue de l’Université McGill, adoption d’un protocole sur l’utilisation du stade.26 Par contre, Héritage Montréal n’a pas appuyé ce

projet27, doutant de la pertinence d’agrandir un tel équipement à des fins autres

qu’universitaires et exigeant, s’il devait néanmoins se réaliser, une très haute qualité d’intégration du projet dans le paysage, évoquant : «la dimension historique et mémorielle du site avec l’histoire du sport à Montréal et au Canada»28.

La position d’Héritage Montréal se basait aussi, d’une part, sur l’appartenance du projet au domaine privé tout en se trouvant dans un environnement institutionnel et, d’autre part, sur les garanties insuffisantes des institutions en ce qui concerne l’usage et l’impact sur le paysage du secteur. Quant au Conseil régional de l’environnement de

22 Ville de Montréal. Office de consultation publique. Sommaire décisionnel du conseil municipal,

[www.ocpm.qc.ca] (consulté le 8 août 2006).

23 Le Conseil du patrimoine de Montréal détient un rôle de conseiller et d’aviseur sur toute question relative à

la protection et à la mise en valeur du patrimoine à la Ville

24 Ville de Montréal. Office de consultation publique. Avis du Comité ad hoc d’architecture et d’urbanisme,

[www.ocpm.qc.ca] (consulté le 10 août 2006).

25 Les Amis de la montagne fut fondé, en 1986, par des citoyens et diverses associations pour protéger et mettre en valeur le Mont-Royal en privilégiant l’engagement de la communauté et l’éducation à l’environnement.

26 http://www2.ville.montreal.qc.ca/ocpm/pdf/P09/8i.pdf

27 Héritage Montréal est un organisme privé, indépendant et sans but lucratif, fondé en 1975, qui œuvre à

promouvoir et à protéger le patrimoine architectural, historique, naturel et culturel des communautés du Québec.

28 Ville de Montréal. Office de consultation publique. Note sur le projet d’agrandissement du Stade Percival-

64 Montréal29 (CRE-Montréal), il se préoccupait du caractère naturel du site protégé30 en

soulevant la valeur paysagère du boisé touché par le projet. De même, il a soulevé le paradoxe consistant à autoriser cet agrandissement alors que la Ville s’investissait dans le réaménagement « vert » de l’échangeur Des Pins, mettant ainsi en cause les nouvelles règles du jeu. Pour le CRE, l’intégrité de la montagne et la rareté des derniers boisés exigent une protection absolue.