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3.3 La communauté d’apprentissage

3.3.10 Dynamiques

3.3.10.3 Un processus de co-apprentissage par la coopération

Au sein de la communauté d’apprentissage, les membres sont associés dans une relation dia- logique et, dans une perspective de socialisation de la connaissance, deviennent les copartici- pants d’un projet éducatif conjoint mené en coopération.

En effet, le dialogue requiert ouverture, tolérance, humilité, mais implique aussi un esprit de coopération. Dewey (1984) soulignait déjà l’importance de favoriser la coopération lorsqu’il mettait l’accent sur les aspects sociaux de l’apprentissage. Il s’inspire de la pédagogie de Freinet (Clandfield et Sivell, 1990) chez qui la coopération constitue l’un des principes

directeurs. Un accent particulier y est mis sur la communication, un élément clé dans l’approche coopérative.

La structure de mise en place d’une communauté d’apprentissage permet de stimuler la coo- pération, qui est à la base de la dynamique de co-apprentissage. Elle adopte un mode de fonctionnement qui amène et stimule un engagement responsable. Dans ses travaux sur l’apprentissage coopératif, Vygotsky (Doolittle, 1997) identifiait la responsabilité indivi-

duelle et collective, mais soulignait aussi l’importance de l’interdépendance positive, de l’interaction directe, des compétences de groupes et interpersonnelles et de l’auto-éva- luation de groupes. La coopération requiert certaines conditions, dont l’attribution de rôles

spécifiques en fonction des activités communes ; elle est possible lorsque chacun devient un chaînon du système que constitue le groupe ; chacun est donc important pour le bon fonction- nement de l’engrenage.

La coopération appelle également la collaboration, l’entraide, la contribution de chacun des membres, en encourageant et en stimulant la participation et l’implication autour de l’objet partagé, mais aussi en créant les conditions requises pour la prise en main de cet objet par chacun. Développer la coopération et l’entraide interpelle les personnes à assumer leur propre processus d’apprentissage ; aider l’autre est aussi un acte qui demande une clarté personnelle, une réflexion sur ses propos et son agir, pour pouvoir les partager.

La coopération constitue donc un mode de socialisation qui permet d’inclure dans le proces- sus d’apprentissage les expériences, les savoirs et le bagage culturel de chacun. Une connexion se fait avec le contexte et la réalité, contribuant à la résolution des problèmes (Forest, 1998).

Par le biais de la coopération, la communauté d’apprentissage poursuit également le dévelop- pement du raisonnement et de la pensée critique collective, stimulant les processus cognitifs

et contribuant au développement du respect et de la prise en compte des idées d’autrui (Blumenfeld, et al., 1996).

Le rapport d’altérité, manifeste en contexte de communauté d’apprentissage, se bâtit en sti- mulant la prise en compte et la valorisation des différences et des particularités de chacun. D’un point de vue herméneutique, il s’agit d’assurer l’intersubjectivité de la compréhension et de la communication (par le langage et par l’action), sans perdre de vue le contexte culturel à l’intérieur duquel elle se forge.

Signalons également l’importance de la participation et de la coopération dans l’exercice de la vie démocratique, qui fait partie de la dynamique de la communauté d’apprentissage. La notion de vie démocratique, fort complexe, suscite diverses interprétations (Séguier, 1983) que nous évoquons succinctement. Elle peut impliquer le développement des processus de prise de décisions basés sur la voix de la majorité ou bien, par consensus. Ce dernier peut cependant paraître limitatif et contraignant, à cause de sa connotation réductrice : les propo- sitions en discussion risquent d’être aplaties pour convenir à tout le monde. Il y a par conséquent lieu de renforcer la dimension constructive des processus de négociation qui me- nent aux décisions. Elle implique la contestation, la controverse, la confrontation sur lesquels s’appuie le principe de la construction - déconstruction - reconstruction que nous avons évo- qué. L’approche basée sur ce principe met en évidence l’importance des conflits cognitifs, des incidents critiques comme éléments inhérents à un processus de construction collective, qui contribue à la clarification, à l’appropriation de l’objet en question, à la complémentarité des points de vue et à une prise de décision appropriée. C’est de cette approche que s’inspire la stratégie de la communauté d’apprentissage.

La capacité d’écoute et de compréhension, la tolérance et le respect sont mis à l’épreuve dans un processus qui requiert une réflexion continuelle et critique quant aux choix à faire. La participation dans la négociation, comme processus continu, et dans la prise de décisions, comme exercice de pouvoir, constitue, comme le révèle notre étude de cas, une dimension

particulièrement délicate et sensible de la vie de la communauté d’apprentissage. La valori- sation des membres et des bagages d’expérience, de savoirs et de compétences que chacun porte se combine avec la compréhension et la conscience de l’enrichissement qu’il est possi- ble d’atteindre par la synergie et la complémentarité des apports. En tant que dimension de la communication, la négociation peut apporter aux membres une maturité individuelle et col- lective (Spies-Bong, 1989) ; une assurance et une confiance peuvent en résulter, si les condi- tions nécessaires à une véritable vie démocratique sont créées.

Les conflits sont cependant inévitables ; le défi, c’est de développer la capacité de les gérer adéquatement pour les transformer en situation d’apprentissage. Pour mettre en marche un processus de résolution des conflits, une communauté saine fera preuve d’habileté, de dialo- gue et de négociation, dans le respect et la tolérance.

La conviction du riche potentiel qu’une communauté possède peut générer une participation engagée, qui sera mobilisatrice et stimulante pour chacun des membres et pour la commu- nauté d’apprentissage dans son ensemble.