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La communauté d’apprentissage : une perspective prometteuse

3.3 La communauté d’apprentissage

3.3.2 La communauté d’apprentissage : une perspective prometteuse

Caminante no hay camino, se hace camino al andar32

Antonio Machado

Notre exploration du concept de communauté d’apprentissage a débuté il y a environ quatre ans, nous permettant de découvrir en cours de recherche l’intérêt croissant pour ce sujet, comme en témoignent les travaux de réflexion sur les open learning communities de l’unité Apprendre sans Frontières de l’UNESCO (1999). Les réflexions qui visent à contribuer et à définir la communauté d’apprentissage sont de plus en plus nombreuses. Les efforts de clarification de la notion de communauté d’apprentissage proviennent principalement de chercheurs, de formateurs et d’intervenants du domaine de l’éducation. Cet intérêt a toutefois été aussi manifesté entre autres par des philosophes, des sociologues et des psychologues, intéressés par le développement intégral de l’être humain, être social, et de celui des sociétés.

Dans un texte paru sur le site Web du Groupe TACT de l’Université Laval en 1997, Grégoire apporte les premiers éléments d’une systématisation de la notion de communauté d’apprentissage. Par ailleurs, nous avions constaté dans d’autres écrits (entre autres, Clark, 1996 ; Desjardins, 1995 ; McCaleb, 1994 ; Gabelnick et al., 1990) le souci de récréer une situation d’apprentissage alternative, en vue d’une adéquation des processus éducatifs avec les enjeux contemporains et de la reconstruction de certaines valeurs fondamentales pour un développement humain plus équilibré. Ils se sont questionnés sur les conditions qui sont les plus appropriées pour le développement de la pensée et de l’agir, conditions qui peuvent contribuer, de façon optimale, à la transformation de la réalité en transformant l’être humain lui-même.

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Sous diverses appellations, la communauté d’apprentissage suscite l’intérêt de ceux qui sont sensibilisés aux effets bénéfiques de l’apprentissage en collaboration. C’est l’idée de com- munauté qui est au cœur de cette proposition, avec les valeurs associées à son essence même, the community as feeling (Clark, 1996, p. 40). Il s’agit de construire le sens de ce qu’est une communauté, de partager un cheminement, un processus continu autour de ce qui nous est commun, de ce qui nous intéresse collectivement, en développant des sentiments d’appartenance, d’identité, une solidarité, une responsabilité collective. La communauté d’apprentissage retient de Piaget (1983) la nécessité d’apprendre à connaître, d’apprendre à apprendre, de développer des connaissances utiles et signifiantes, d’apprendre à innover et à produire des changements. C’est la mise en œuvre des processus collectifs de construction de connaissances qui est valorisée ici.

Les écrits témoignent de la nécessité de trouver une manière de structurer et de dynamiser les processus d’apprentissage pour qu’ils contribuent à reconstruire la signification des connais- sances et des processus éducatifs, de façon à faire contrepoids aux tendances dominantes, porteuses d’individualisme, de perte de cohésion, de solidarité, de partage et de responsabilité sociale, ainsi qu’à la déconnexion des réalités contemporaines complexes. À cet effet, la communauté d’apprentissage vise le changement des possibilités d’apprentissage (learning opportunities) et des structures de formation (Wells et al., 1994).

Dans le domaine de l’éducation formelle, plusieurs acteurs des institutions éducatives signalent depuis longtemps l’importance d’intégrer les divers réseaux sociaux dans les processus éducatifs, l’accent ayant généralement été mis sur l’implication dans les écoles, des membres du milieu familial à cause de leur lien étroit avec l’éducation des enfants. De nombreuses initiatives ont été mises de l’avant pour tenter de les attirer et de les intégrer à une prise en charge conjointe de l’éducation des jeunes. Outre ces partenaires naturels, il devient de plus en plus évident que l’apport d’une diversité de membres de la communauté aurait tout avantage à être mis à profit dans les processus éducatifs. Cela devrait toutefois être compris comme un mouvement de collaboration non pas unidirectionnel, mais bien caractérisé par un effort conjoint et intégré d’apprentissage collectif, d’enrichissement

mutuel. Le fait d’envisager le processus éducatif dans une perspective nouvelle, qui intègre et fait converger les efforts des milieux formels et non formels, fait partie des nouvelles préoccupations éducatives, qui font appel à une responsabilité partagée des processus éducatifs33. Le développement intégral de la personne et le développement des sociétés sont ainsi perçus comme indissociables.

Au sein de la communauté d’apprentissage, une grande importance est accordée aux interac- tions sociales, à la prise de conscience de l’enrichissement mutuel par la complémentarité de perspectives diverses, de significations alternatives dans un contexte d’ouverture au monde, ce que Clark appelle the synergistic code (1996, p. 95). Effectivement, l’enrichissement des personnes et des groupes, par la collaboration et la convergence d’efforts autour d’intérêts communs, est souligné par les auteurs qui s’intéressent à la communauté d’apprentissage ; ces auteurs mettent aussi en évidence l’importance de l’impact de l’effort synergique sur le milieu d’ancrage.

La stratégie de la communauté d’apprentissage implique un processus d’apprentissage parti- cipatif, collaboratif, qui cherche à optimiser les possibilités d’apprentissage, de réflexion critique et d’action pour produire des changements (McCaleb, 1994). Elle implique égale- ment le partage de savoirs (quotidiens, traditionnels, scientifiques et autres), d’expériences et de ressources, à travers une action concertée qui s’articule sur une réalité partagée (Orellana, 1999). Ce processus s’appuie sur un réseau de relations interpersonnelles et sociales, réseau qui se met en place et se consolide à travers la mise en marche et la dynamisation de l’agir réflexif conjoint. Le complexe réseau de relations qui se tisse dans ce cadre contribue à une maturation collective des différentes dimensions du développement personnel et social. Sharing ideas, linking insight experiences is a learning experience in itself and constitues an important part of process of collectively consctructing open learning communities (Schnütthgen, 1997, p. 2).

En effet, depuis de nombreuses années, particulièrement durant les années 90, l’idée d’un apprentissage dans une dynamique de groupe reprend force et ouvre un chemin prometteur. Dans cette dynamique, les Sujets, conjointement avec les Agents34, assument collectivement leur propre apprentissage, orientant et contrôlant les objectifs, les contenus et les méthodolo- gies. Cette vision de l’apprentissage met l’accent sur le potentiel d’une situation pédagogique axée sur le co-apprentissage expérientiel, intégrant les dimensions contextuelle et culturelle aussi bien que la praxis. Il s’agit là de mettre à profit au maximum le bagage professionnel, personnel et culturel, ainsi que les compétences, les habiletés et les valeurs des membres d’un groupe, pour une construction de connaissances pertinentes à l’égard des enjeux de la réalité partagée. La connotation éducative qui distingue la communauté d’apprentissage de tout au- tre type de communauté apparaît en effet mise en évidence, c’est l’intention éducative qui lui donne son sens et qui détermine sa démarche.

L’accent est mis davantage sur le développement d’un processus signifiant, réalisé en fonc- tion d’objectifs clairs, que sur les résultats. Comme l’exprime Jung35, “le sens et la fin d’un problème semblent résider non pas dans sa solution, mais dans la recherche incessante qu’il exige de nous”. Il s’agit de voir ensemble aux défis que pose la réalité partagé, de trouver des repères et d’apprendre à faire des choix utiles, appropriés, responsables, en vue de l’épanouissement humain et social.

Selon les expériences de Stapp et al. (1988), le processus d’apprentissage peut être abordé comme un processus collaboratif de recherche-action, l’associant étroitement à la réalité communautaire et socio-environnementale du milieu de vie dans laquelle il a lieu. Ce proces- sus est également envisagé comme prise de conscience critique et comme responsabilisation face aux nombreux problèmes liés au mal développement, dont l’emploi, la pauvreté, la vio- lence, les drogues, la salubrité, l’approvisionnement en eau potable, la pollution des cours d’eau et du sol, les déchets urbains. Ceci est particulièrement le cas des communautés

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Suivant les termes nomenclature du modèle systémique de Legendre, 1993, p. 1168. 35

d’apprentissage ancrées dans des groupes de travail collaboratif dont la visée est la recherche de solutions à ce type de problèmes communautaires (Potapchuk et Polk, 1994).

La communauté d’apprentissage apparaît comme un pas significatif qui mène vers d’importants changements éducationnels. Dans le creuset de telles communautés se créent des conditions pour forger les transformations, les changements sociaux, dans une perspective émancipatrice (Freire, 1997). “Le concept de communauté d’apprentissage est porteur d’une culture et d’une éthique” (Grégoire, 1997, p. 7).

Enfin, la communauté d’apprentissage apparaît comme une réponse à la nécessité de déve- lopper chez les personnes la capacité d’agir collectivement pour une meilleure qualité d’être et de faire, et aussi pour une meilleure qualité de vie ; comme une réponse également à la nécessité d’une continuelle adaptation de l’éducation aux nouvelles exigences socio- éducatives, entre autres, incluant les avancées scientifiques et technologiques, associant les processus d’apprentissage aux réalités, aux différents contextes complexes en continuel changement. En effet, comme le signale Savoie-Zajc (1993), “les systèmes humains existent dans un réseau de rapports interactifs complexe, lesquels changent et se définissent au fur et à mesure de leur échanges”.

Dans la poursuite des réflexions autour de la communauté d’apprentissage, nous avons exa- miné quelques-unes des notions associées qui nous paraissent les plus significatives à la lu- mière de l’ensemble d‘écrits36 que nous avons analysé.

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Nous nous référons au 63 textes choisis portant sur la communauté d’apprentissage ou sur des pratiques adoptant cette idée et à des documents issus d’organismes internationaux, comme l’UNESCO, et gouvernementaux, relatifs aux réformes éducatives qui intègrent les principales notions que nous avons révélée. Nous nous appuyons également sur des écrits des théoriciens reconnus qui abordent les concepts de communauté et d’apprentissage, ainsi que d’auteurs comme Ranson (1998, 1994), Antikainen et al. (1996), Deleon, (1996), Faure (1972) et Schön (1971) qui analysent en particulier le concept de société éducative.

3.3.3 Éléments d’un réseau notionnel de la communauté d’apprentissage : commu-