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3.3 La communauté d’apprentissage

3.3.9 Mise en œuvre de la communauté d’apprentissage autour d’une

3.3.9.1 Structuration

Comme signalé plus tôt, la recherche de modes d’apprentissage plus appropriés et mieux adaptés aux contextes contemporains est une préoccupation exprimée par de nombreux ac- teurs du domaine de l’éducation. Parmi eux, plusieurs ont instauré des processus de dévelop- pement de communautés d’apprentissage au sein d’institutions éducatives, à travers les structures déjà existantes (programmes, facultés et autres) (Gabelnick, 1990). C’est grâce à l’initiative d’enseignants, de professeurs, d’éducateurs et autres agents du milieu de l’éducation (formel et non formel) que ces expérimentations ont vu le jour. Elles ont été mi- ses en place par la création d’une structure opérationnelle de concertation, scellée autour d’un intérêt partagé, d’une vision et d’une volonté communes (Grégoire, 1997), et par le souhait de mettre en pratique un processus et une dynamique particulière de co-apprentissage.

De nombreuses motivations sont à l’origine de la formation de la communauté d’apprentissage. Ces motivations peuvent être reliées aux convictions et aux aspirations édu- catives, entre autres, de développement intégral des personnes, d’adéquation du système édu- catif au contexte changeant. Les motivations sont également tributaires des préoccupations pédagogiques liées à la recherche d’un environnement stimulant d’apprentissage, plus appro- prié pour faire face aux défis contemporains. Des motivations associées au développement professionnel, personnel, communautaire et social, comme la résolution de problèmes socio- environnementaux, ont également été identifiées. Le souhait d'apprendre ensemble dans une dynamique collective peut se manifester explicitement ou implicitement et devient l’engagement de base pour l’atteinte d’objectifs communs. C’est sur cette base que se forma- lise la participation de chacun et que repose l’organisation fonctionnelle adoptée collective- ment pour initier un parcours partagé.

La détermination, le courage et la force des initiateurs sont des éléments cruciaux pour intro- duire les changements nécessaires à la mise en place d’une communauté d’apprentissage. Il s’agit en effet de confronter les formes traditionnelles du système éducatif en vigueur, pour mettre en œuvre un processus exigeant et ardu de transformation des structures, des fonction- nements, d’une culture éducationnelle et pédagogique, des personnes et des institutions.

Suite à l’analyse des pratiques, la stratégie de la communauté d’apprentissage peut émerger ou être mise en œuvre au sein d’une communauté éducative, à partir de liens de collaboration déjà existants. Elle apparaît comme un espace de concrétisation de ces liens autour d’un pro- jet concret. C’est le cas des expériences de communauté d’apprentissage, les collaborative communities, développées au Texas, en Ohio, en Californie et au Colorado et présentées par Potapchuk et Polk (1994). Elles ont été formées au cœur des communautés éducatives, avec la participation active des milieux scolaire, familial et communautaire, pour faire face à des problèmes sociaux tel que l’intégration des groupes ethniques dans les écoles. C’est égale- ment le cas des communities of learners présentées par McCaleb (1994). Les problèmes en cause affectaient directement les institutions éducatives, mais avaient également une réper- cussion sur la communauté. Ces auteurs évoquent des cas centrés sur des problèmes d’ordre social, a priori davantage présents dans la communauté, mais qui affectent également le mi- lieu scolaire. En effet, la violence à l’école, la criminalité, les problèmes de consommation et de contrôle de drogues, la pollution de l’eau, la gestion de déchets, ou autres problèmes so- cio-environnementaux, peuvent être autant d’éléments déclencheurs de la mise en place d’une communauté d’apprentissage. Dans ce genre de situation, la collaboration s’articule et se planifie autour de projets d’apprentissage qui visent spécifiquement la résolution de problèmes.

La communauté d’apprentissage peut également être directement associée aux activités plani- fiées par les institutions éducatives ; à l’école, au collège, à l’université, elle peut répondre aux objectifs éducatifs du curriculum. Dans ces cas-là, elle est associée au développement de projets d’apprentissage, généralement interdisciplinaires, incluant éventuellement la partici- pation ou la collaboration des membres du milieu familial et communautaire. La communauté représente un terrain d’expérimentation ; ses réalités peuvent être l’objet d’études, de recher- ches et d’interventions dans le cadre de projets d’apprentissage.

Dans certains cas, la communauté d’apprentissage est envisagée comme une stratégie globale de l’institution éducative, dans laquelle toute la communauté propre à l’institution s’implique

ADHÉSION A UN PROJET COMMUN D’APPRENTISSAGE COLLECTIF

ENGAGEMENT INITIAL

STRUCTURATION

Identification des objectifs : • éducatifs

• pédagogiques

• sociaux - communautaires

Planification du travail : • activités, tâches, évaluation • élaboration d’un échéancier

IDENTIFICATION D’UN INTÉRÊT COMMUN

Un objectif à atteindre - Un besoin à combler - Un problème à résoudre

PLANIFICATION DU PROCESSUS D'APPRENTISSAGE PROCESSUS DE CONVERGENCE

Figure 9. Phases de structuration et de mise en place de

la communauté d’apprentissage.

alors activement. La démarche de la communauté d’apprentissage est intégrée au développement d’un projet éducatif et d’objectifs globaux, adoptés collectivement. La participation de tous les membres du personnel est requise, chacun ayant un rôle précis à jouer. La participation et le partenariat de la communauté et du milieu familial sont encouragés. Dans d’autres cas, la communauté d’apprentissage est formée à partir d’une ou de plusieurs classes (à l’école, au collège, à l’université), avec la collaboration de membres du milieu familial et d’organismes issus du milieu de vie partagé.

Une autre possibilité de structuration consiste en l’adoption de la stratégie cadre de la communauté d’apprentissage par des pro- fesseurs ou des chercheurs qui, en association avec les membres d’une communauté, mettent en marche un proces- sus de recherche conjoint (re- cherche-développement, re- cherche-intervention recher- che-action). Le cas du projet EDAMAZ, présenté au chapitre IV, témoigne d’expériences de ce type. La communauté d’apprentissage se forme ici progressivement autour d’un projet de création, de mise en œuvre et d’évaluation de trois programmes de formation universitaire interreliés. Il s’agit de programmes d’éducation relative à l’environnement, axés sur les réalités du milieu de vie (Sauvé et al., 1999).

La mise en place (Figure 9) de la communauté d’apprentissage requiert une planification rigoureuse et systématique, qui inclut une dimension évaluative et qui est adoptée par l’ensemble des participants. Il s’agit de mettre au maximum à profit les habiletés et les compétences de chacun, les ressources internes et celles du milieu de vie. On vise le dévelop- pement d’une dynamique favorable à l’épanouissement des forces créatrices, des aptitudes et des talents de chacun en vue d’atteindre les objectifs éducatifs, socio-environnementaux ou professionnels souhaités, ou de façon à trouver des solutions aux problèmes en cause.Dans certains cas, comme celui des collaborative communities, les conditions se prêtent à une pla- nification collaborative avec les membres d’une communauté. Le projet commun est ancré dans les réalités du contexte. Il est question de contribuer au développement du milieu de vie en même temps qu’à celui des membres de la communauté d’apprentissage. Il s’agit de ren- dre à l’éducation sa place centrale dans la dynamique sociale (Delors, 1996).

Comme Brown (1994) le signale, la planification d’un design pédagogique axé sur la com- munauté d’apprentissage amène les participants à devenir des membres engagés par rapport à leur propre apprentissage dans la poursuite d’un objectif commun. Ce défi est de taille, si l’on considère que les personnes qui forment la communauté d’apprentissage ont des intérêts et des inquiétudes divers et peuvent être originaires de milieux et de champs disciplinaires diffé- rents. En effet, la composition d’une communauté d’apprentissage peut être très hétérogène ; les membres font alors face au défi de la communication, du dialogue, de la compréhension et de la convergence vers des intérêts communs (Mougenot, 1996). Par ailleurs, lorsque les conditions sont favorables, cette hétérogénéité constitue une source d’enrichissement réci- proque.

La communauté d’apprentissage fait appel à la participation d’une diversité de personnes. Dans certains cas, elle peut réunir des membres des institutions éducatives, professeurs, étu- diants, enseignants, élèves ainsi que des membres des communautés locales ; dans d’autres cas, ce sont des membres de l’entreprise ou d’autres milieux de pratique qui la composent. Les pratiques de la communauté d’apprentissage révèlent les enjeux de cette participation plurielle et l’importance de garder le cap sur les objectifs adoptés, en valorisant l’apport de

chacun pour rassembler les efforts vers leur réalisation, celle-ci n’étant possible que par les apports conjoints.

Dans chacun des cas, la communauté d’apprentissage peut avoir une durée variable. Par exemple, elle peut être envisagée exclusivement en fonction de la réalisation du projet ou de l’activité qui a motivé sa mise en œuvre. Ces projets communs peuvent parfois durer plu- sieurs années et, une fois les objectifs atteints, la structure de la communauté d’apprentissage peut se dissoudre. Parfois, les mêmes participants peuvent se retrouver autour de nouveaux projets de collaboration pour développer d’autres processus d’apprentissage ou résoudre de nouveaux problèmes communs identifiés. Des attitudes associées à la notion de lifelong learning se développent progressivement chez les participants, ayant une influence sur leur agir à tous les niveaux de leur vie, personnelle, professionnelle, sociale.

Une structure permanente peut également être mise en place, articulée autour de différents projets et activités interreliés. Chacun des projets peut avoir une durée variable et la commu- nauté d’apprentissage peut rester en vigueur en tant que stratégie globale permanente au sein des institutions éducatives.

Par ailleurs, les pratiques de la communauté d’apprentissage dans les grandes institutions éducatives témoignent de l’importance que représente la structure créée, notamment pour les étudiants, face aux sentiments d’insécurité, d’instabilité, de confusion et d’anonymat qui peuvent être générés (Lenning et Ebbers, 1999). La communauté d’apprentissage peut offrir alors une niche de coopération, d’échange, de convivialité, qui contribue par ces faits à rassu- rer, stabiliser, renforcer l’identité et la cohésion, tout en créant, par l’effet collectif, des conditions propices à un apprentissage plus riche et stimulant.