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Ana Isabel Sacristán

5. Un modèle de formation des enseignants

À partir du 2005, j’ai participé à un programme de trois ans de formation professionnelle pour enseignants de mathématiques, visant l’intégration des

3 Dans Sacristán (2005) nous avons montré que l’attitude des enseignants est un facteur

ressources numériques dans leur pratique enseignante. En prenant en compte les résultats comme ceux exposés ci-dessus, on a conçu un modèle de formation pour aider les enseignants-participants à développer des nouvelles compétences ; à comprendre comment utiliser les outils numériques pour exploiter leur potentiel ; à modifier leurs pratiques afin de promouvoir un apprentissage significatif de leurs élèves ; et à s'adapter aux changements entraînés par l’introduction de ces ressources et d’un nouveau modèle pédagogique. Pour cela on a favorisé des processus de réflexion et d’analyse de la pratique enseignante, comme recommandé par divers experts (voir : Godino, Rivas, Castro & Konic, 2008).

Figure 3 : le modèle de formation professionnelle

Dans la figure 3, je présente un schéma du modèle de formation professionnelle (présenté aussi dans Sacristán, Sandoval & Gil, à paraître) que nous avons suivi avec nos enseignants-participants, et qui comprenait plusieurs activités simultanées (j’utilise le terme « simultanées » car il y a eu une constante interaction de ces activités – les expériences pratiques ont enrichi les connaissances acquises dans le programme de formation à travers des réflexions individuelles et collectives4) :

i) Formation et développement de compétences techniques et pédagogiques pour l’intégration des ressources numériques pour l’enseignement des mathématiques. D’abord, on a voulu que les participants connaissent, tant de façon pratique que théorique, des ressources numériques potentiellement utiles pour leurs classes de mathématiques, en particulier des logiciels universels, comme les tableurs numériques, la géométrie dynamique, CAS et Logo, et quelques applets interactifs, en analysant les potentialités et limitations de chacune des ressources. On a aussi essayé qu’ils connaissent et comprennent un modèle pédagogique pour une intégration significative des ressources numériques ; pour cela, nous avons suivi, dans les activités pratiques du programme de formation des enseignants, un modèle pédagogique comme celui du programme EMAT décrit en haut, en encourageant les enseignants à participer à des démarches d’investigations collaboratives avec les

4 Pour un autre modèle intéressant pour la réflexion des enseignants, voir Parada-Rico (2011),

ressources numériques comme des outils pour « faire », découvrir et exprimer des idées mathématiques (comme recommandé par Papert, 1972, 1980).

ii) Conception, planification et mise en scène de stratégies et activités d’enseignement avec ressources numériques. Entre chaque séance en présence de formation, les participants ont dû implémenter avec leurs élèves des activités avec ressources numériques, même s’ils se ne sentaient pas encore compétents. La philosophie était que « pour apprendre à nager, il faut sauter dans l’eau ».

iii) Activités d’observation et de réflexion de leur pratique lors de l'implémentation des nouvelles technologies. Pendant la mise en scène avec leurs élèves, on a demandé aux enseignants-participants de s’engager dans des processus dʼauto-observation et réflexion de leurs expériences, ainsi que d’analyser les changements qui sont survenus ou dont ils ont éprouvé un besoin, et de faire des communications écrites de ces réflexions. Puis, dans les séances du programme de formation, ils ont dû discuter et analyser avec les autres participants leurs expériences et observations. On a aussi réfléchi collectivement à quelles nouvelles connaissances et pratiques enseignantes pourraient émerger de l’utilisation des ressources numériques, comme le demandait Papert (2006).

Pour aider les participants dans leurs réflexions, on leur a conseillé d’analyser les changements, en prenant en compte différentes perspectives (Sacristán, Sandoval & Gil, 2007) :

a.) La perspective de lʼenseignant et de lʼusage didactique des technologies :

• Changements dans le rôle de l'enseignant (d’exposant à médiateur) et les

difficultés de ces changements ;

• Changements des méthodologies/stratégies dʼenseignement ; • Changements dans leurs croyances et conceptions ;

• Usage et conception dʼactivités et TP avec technologies numériques ;

• Articulation des activités avec les programmes dʼétudes ;

• Conception de techniques d'évaluation pour les activités avec technologies

numériques ;

• Complémentarité des différentes ressources numériques, entre elles, et avec

celles sans technologies numériques (avec papier et crayon) ;

• Nouvelles connaissances mathématiques et nouvelles perspectives à partir

de lʼusage des nouvelles technologies.

b.) La perspective des interactions dans la salle de classe :

• Changements de la structure d’enseignement ; • Changements des relations enseignant-élèves ;

• Changements des relations élèves - élèves (travail collaboratif) ; • Changements de la disposition du mobilier et du milieu de travail. c.) Le possible impact sur les élèves :

• En leur motivation. ;

• En leurs attitudes (envers les mathématiques), croyances et participation.

d.) La perspective technique :

• Connaissances techniques pour lʼutilisation des ressources numériques (e.g. logiciels, ordinateurs) ;

• Autres difficultés techniques. e.) La perspective du contexte social

• Changements dans la communauté scolaire ; • Le rôle des autorités scolaires ;

• Impact sur, et collaboration avec, les autres enseignants ;

• Lʼinteraction avec les parents.

Ainsi, on a travaillé, de près, avec six enseignants en service avec ce modèle de formation et de réflexion. Au bout de trois ans, tous ces participants ont changé considérablement leur pratique, tant avec technologies comme sans elles. Et leurs conceptions des processus d’enseignement-apprentissage ont aussi été modifiées, comme dans l’exemple ci-dessous. Il y a eu un consensus concernant l’importance des activités pratiques ainsi qu’activités réflexives, mais aussi sur le fait qu’il faut être patient car les changements sont très graduels et prennent du temps.

Figure 4 : conception de l’enseignement-apprentissage : avant (gauche), linéaire ; et après (droite), un système d’interactions collaboratif (Hernández-Sánchez, 2009).

Comme exemple de ces changements, il y a le cas d’une enseignante de collège (Hernández-Sánchez, 2009) qui a représenté (figure 4) comment au début (figure 4, gauche) sa conception de lʼenseignement des contenus mathématiques « était très linéaire » et centrée sur l’enseignant et de celui/celle-ci vers les élèves ; tandis qu’après (figure 4, droite), sa conception est d’un système d’interactions entre élèves, avec l’enseignant, avec les ressources technologiques, et avec d’autres

instruments pédagogiques (comme les fiches de travail) et d’évaluation, dans un milieu de travail collaboratif.