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Mathieu Blossier*, Philippe R Richard**

2.2. Le travail des abeilles

2.2.1. La géométrie du gâteau de cire

Un gâteau de cire présente deux côtés parallèles, constitués d’un faisceau de «tubes» prismatiques dont les ouvertures forment un pavage hexagonal. Ces tubes sont les alvéoles au fond desquels l’abeille dépose ses œufs et son miel. L’interface entre ces deux côtés n’est pas plane : chaque tube se termine par trois losanges, comme le fond d’un dodécaèdre rhombique. Cette configuration semble non seulement optimiser la quantité de cire utilisée (Hales, 2001), mais elle permet également une meilleure proximité des œufs, réduisant ainsi les déperditions de chaleur (Richard, 2006). Nous posons alors la question suivante : étant donnée une sphère tangente aux parois d’un prisme droit et régulier à base hexagonale, la «fermeture» du prisme en dodécaèdre rhombique est-elle optimale ? En guise d’exploration, nous commençons par considérer la situation d’un fond pyramidal et nous poursuivons avec l’intuition du fond rhombique.

2.2.2. Première situation : refermer le prisme à l’aide d’une pyramide

L’enjeu du problème consiste à concevoir une pyramide afin que ses parois soient tangentes à une sphère (figure 4a). La situation se laisse ramener à la construction du sommet S d’un côté de la pyramide dans le plan médiateur de sa base [GH] (figure 4b). Si P est le point de tangence de l’apothème [MS], alors le triangle MOP est rectangle en P. Sous ces contraintes, la variation de la hauteur TM du prisme, pour OO’ < TM ≤ 2·OO’, engendre un ajustement conséquent de la position du point S. Comme dans la situation des jardins de Madrid, l’interaction cognitive entre l’élève et le milieu doit coordonner plusieurs réalités et modèles géométriques. Mais en posant un problème d’aire maximale, le traitement dominant intègre des processus de variation (réalité sous-jacente) et de modélisation en analyse fonctionnelle, par exemple avec la représentation graphique dynamique qui s’obtient par un lieu géométrique de points ou par une trace numérique (figure 4c). Lorsque l’élève expérimente sur les figures (ib. 4a ou b), il fait bien plus qu’une résolution instrumentée dans un espace de travail. Il agit directement sur la représentation figurale en tant que système sémiotique, donc sur les conceptions.

Figures 4a, b et c. Construction du point S dans l’espace et dans le plan médiateur

et modélisation de la quantité de cire nécessaire pour recouvrir la demi-sphère. 2.2.3. Deuxième situation : refermer comme les abeilles

La figure cherchée repose sur un postulat de symétrie. Il s’agit de construire trois losanges ayant un sommet commun situé dans l’axe central du prisme et dont les autres sommets sont situés sur ses arêtes latérales. Les sommets H, J et L d’une part, et G, I et K d’autre part se trouvent alternativement dans deux plans parallèles à la base hexagonale du prisme. La position de l’un de ces six sommets détermine tous les autres, y compris S, mais le dynamisme est plus complexe et l’interaction cognitive exige un effort de contrôle ajouté entre les conceptions en jeu (figure 5).

Figure 5. Étude du fond rhombique d’une alvéole.

Puisque le point de tangence P est dans le même plan que le point H et l’axe central du prisme, les considérations dans ce plan sont similaires à celles de la situation 1, mais l’approche analytique de la fonction d’aire est plus difficile à traiter. S’il est remarquable que l’optimisation de la quantité de cire coïncide avec le dodécaèdre rhombique, la configuration satisfaisante le fait apparaître sur la réalité prémodélisée (vue tridimensionnelle à la figure 5).

3 Conclusion

Malgré son enracinement plus qu’évident dans la vie de l’élève et son pouvoir de modélisation éprouvé dans l’histoire, la géométrie tridimensionnelle ne reçoit pas l’attention qu’elle mérite. Pourtant, les possibilités de représentation interactives s’ouvrent sur des situations autrefois peu accessibles à la réalité scolaire. L’usage d’un logiciel de géométrie dynamique, fut-il en trois dimensions, n’est certes pas une panacée. Mais il rapproche la logique de l’expérimentation scientifique aux processus de découverte mathématique. Avec l’aide d’enseignants sensibles aux enjeux de l’apprentissage instrumenté, on peut créer des activés dans lesquelles la motivation principale réside dans la compréhension de concepts mathématiques.

Même si les contraintes du texte ne nous ont pas permis de détailler davantage les activités de modélisation instrumentée, le double éclairage apporté par les notions de conception et d’espace de travail géométrique demeure utile pour l’anticipation des interactions entre l’élève et le milieu. On sait d’abord que la mise au point de situations-problèmes ou de matériel pédagogique est une activité quotidienne des enseignants. On sait aussi que cette activité procède souvent de manière intuitive et artisanale, parant au plus pressé et sans grande planification. Bien qu’il s’agisse souvent de moyens ad hoc qui prétend concilier les demandes paradoxales de l’institution ou soulager le frottement entre des connaissances préalables, la production est efficace pour le lendemain, son usage reste local et temporaire. Pour l’enseignant qui veut aiguiser son intuition fondée ou qui souhaite réaliser une production ou une intervention dont l’usage serait plus large, les notions précédentes constituent un système de référence susceptible d’orienter sa démarche, jusqu’à l’évaluation même des compétences mathématiques des élèves.

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