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Un même texte, plusieurs supports : L’Etranger

Chapitre I – Le lecteur à l’œuvre

I. B. Gestes de la lecture numérique

1. Un même texte, plusieurs supports : L’Etranger

Que se passe-t-il si on lit une même œuvre littéraire sur un écran plutôt qu’en livre imprimé ? Les transformations de l’acte de lecture et de la psyché du lecteur que pointe Nicholas Carr peuvent-elles valoir dès le niveau du « support », en amont même du type de texte lu ? Dans quelle mesure la matérialité de l’écran, distincte de celle de la page, participe-t-elle du phéno-mène littéraire ? Nous allons nous confronter à ces questions grâce à une expérience. Il s’agira de lire sur écran un récit classique de la littérature française : L’Etranger de Camus. Nous ren-contrerons successivement cette même œuvre sur ordinateur sous forme de document .doc, puis

96 Au sens de « phénoménologie expérimentale » comme le théorise le philosophe américain des sciences et des technologies Don Ihde. IHDE, D., Experimental Phenomenology – An Introduction, SUNY Press, 1986.

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sur iPad sous forme d’application iBooks. Dans les deux cas, l’œuvre que nous lirons sera en-tièrement fidèle à la lettre et à la structure du roman de Camus : ces versions électroniques ne contiennent pas d’enrichissement propre aux techniques numériques. Elles se veulent au con-traire fidèles à l’œuvre originale, ce qui nous permettra pour notre part de mettre en exergue les changements manipulatoires imputables au support.

Commençons donc par une lecture à l’ordinateur. Si je désire lire L’Etranger depuis un PC de bureau, une simple requête sur Google permettra d’accéder à une bibliothèque virtuelle qui le publie en accès libre, les Classiques des sciences sociales, qui met à disposition de tout inter-naute un ensemble de textes dactylographiés de manière bénévole, fondé par le sociologue Jean-Marie Tremblay de l’Université du Québec à Chicoutimi97. On y trouve une page consacrée à l’édition électronique de L’Etranger, qui comprend un ensemble d’hyperliens pointant vers des contenus divers : trois formats de fichiers à télécharger pour lire l’œuvre (le livre en Word 2008, le livre en PDF et le livre en RTF – format destiné à des éditeurs de texte comme OpenOffice Writer et Libre Office Writer), mais aussi un enregistrement audio du texte intégral lu par Albert Camus en 1954, et une recension d’articles universitaires portant sur l’œuvre de Camus98. Nous pouvons d’ores et déjà télécharger le document Word et tenter de décrire nos perceptions les plus immédiates et les plus simples, en se contentant de noter ce qui apparaît à notre expérience sensorielle.

Figure 1. L’Etranger de Camus sur ordinateur : Microsoft Word, avec surlignage (Capture d’écran)

97 Adresse web des Classiques des sciences sociales : http://classiques.uqac.ca/ (consulté le 19 janvier 2016). 98 Adresse web de la page dédiée à L’Etranger de Camus : http://classiques.uqac.ca/classiques/camus_al-bert/etranger/etranger.html/ (consulté le 19 janvier 2016).

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Au niveau visuel tout d’abord, on se retrouve face à un fichier de quatre-vingt-dix-sept pages qui s’ouvre sur quelques éléments de paratexte (bibliographie de Camus, politique d’utilisation et remarques sur cette édition électronique, reproduction de la couverture originale) suivis d’un sommaire cliquable. Le fichier se décompose bien en « pages », mais on constate que ce terme est à entendre en un sens plus métaphorique que littéral. Il semble plutôt qu’on ait affaire à un long rouleau, analogue au volumen antique comme l’ont souligné certains chercheurs99, qu’il s’agit de faire défiler de haut en bas au moyen d’un ascenseur vertical, situé à gauche du docu-ment. Si des pages sont bien représentées sous forme de feuilles blanches virtuelles, numérotées et séparées les unes des autres par quelques millimètres d’espace gris, ces pages ne sont qu’une discrétisation artificielle de ce qui est en fait une textualité continue, destinée à mimer la struc-ture livresque qui nous est connue. Visuellement, on remarque aussi que l’objet qui est sous nos yeux est sans épaisseur : le « livre » ainsi représenté n’est qu’en deux dimensions. Il y a certes la profondeur et le relief de l’ordinateur lui-même, mais cette troisième dimension est celle du périphérique de lecture, de l’objet qui sert de terminal, et non celle du texte qui en est dépourvu. Si l’on cherche à feuilleter l’ouvrage virtuel, dès lors, un constat nous frappe aussitôt. Il ne nous est pas possible d’avoir une vue globale sur le livre entier (comme on peut le faire sur papier en regardant par exemple l’ensemble des tranches, pour battre rapidement les pages comme un jeu de cartes avant d’arriver à un numéro choisi) : c’est toujours une page seulement que l’on voit, une page qui coïncide avec la fenêtre de l’écran. Si l’on veut regarder plusieurs pages en même temps, on peut dé-zoomer jusqu’à avoir une vue plus panoramique du document ou de l’une de ses parties, mais dans ce cas, la police du texte rétrécit jusqu’à perdre sa lisibilité. En lisant un livre imprimé, on peut facilement revenir en arrière en tournant quelques pages ou se rappeler un chapitre en le survolant. Mais avec le texte sur ordinateur, la visibilité et la lisibilité semblent mutuellement exclusives : l’affichage permet soit une vue de détail dédiée à la lecture, soit une vue d’ensemble, prise en main véritablement livresque avec ses jeux d’échos et de rétention propres, mais où les caractères individuels sont devenus illisibles.

Considérons maintenant ce qui se passe au niveau du toucher. Ma version imprimée de L’Etran-ger en collection Folio se compose, comme tout livre-codex, de feuilles de papier pliées une ou plusieurs fois, reliées entre elles et collées au niveau de la tranche, que le lecteur tournera pour avancer dans le récit. Ses deux mains sont mobilisées : la gauche qui tient l’ensemble des pages

99 Par exemple Alain Giffard, cité plus haut, qui pointe l’analogie entre la barre de défilement vertical d’un ordi-nateur et la lecture d’un rouleau (« Des lectures industrielles », Pour en finir avec la mécroissance).

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déjà lues, et la droite dont le pouce et l’index chasseront à gauche chaque nouvelle page termi-née. Notre rencontre tactile avec le document Word est toute différente. On peut avant la lecture se servir des deux mains pour redresser l’écran et lui donner une inclinaison adéquate, mais ce sont ensuite seulement les doigts que l’on agite. Pour passer d’une « page » virtuelle à l’autre, il suffit d’appuyer sur la flèche « descendre » du clavier au fil de la lecture, ou de cliquer sur le côté bas de l’ascenseur vertical. L’entièreté de la main n’est plus mobilisée, ni la complémen-tarité entre l’index et le pouce réversible : notre seul contact tactile avec le texte passe par l’élé-ment du doigt, index ou majeur (on sent bien ici la spécificité d’une lecture « digitale »). Même s’il y a toujours une pagination visuelle dans le fichier, celle-ci ne correspond plus à une réalité tactile : les données de la vue (où l’ouvrage est discrétisé en pages) et celles du toucher (geste continu de défilement vertical) ne coïncident plus dans notre progression temporelle au sein du livre. Par ailleurs, en-dehors du « clic » nécessaire pour avancer dans le document, on remarque que le lecteur n’a pas besoin de toucher le texte pour le lire. Contrairement à sa version impri-mée, où il est nécessaire de tenir l’ouvrage, de le maintenir ouvert sous peine qu’il se referme, son analogon imprimé tient tout seul, grâce à l’écran fixé en position verticale, comme un objet parfaitement extérieur dont le maintien et l’ouverture n’ont aucun compte à rendre à l’effort de nos muscles.

Imaginons à présent qu’au cours de ma lecture je souhaite souligner une phrase ou annoter un passage. Dans l’édition Folio imprimée de L’Etranger, il faudrait alors utiliser un objet tiers, le stylo ou le crayon, pour effectuer des marques et des annotations manuscrites, qui ne viendront jamais modifier le texte à lire mais seulement l’étoffer de traces supplémentaires. Les ajouts du lecteur sont bien des ajouts : ils viennent en plus du texte et ne s’y substituent jamais. La même chose pourrait dans certains cas se produire avec son avatar numérique : si, par exemple, j’uti-lise l’outil « révision » du traitement de textes Microsoft Word pour rédiger des commentaires en marge. Apparaissant alors en-dehors de la page représentée, sur la droite, ces commentaires de mon cru sont clairement dissociés du texte camusien en étant relégués dans un espace propre. Mais je peux aussi intervenir directement sur le texte (non pas certes sur le récit, ou alors seu-lement pour moi, mais au moins sur sa lettre et son apparence), en soulignant et surlignant des passages, ainsi qu’en insérant des mots, phrases ou sous-titres dans le corps même du texte qui se trouve dès lors altéré par ces modifications. C’est-à-dire que mes interventions ne consistent pas seulement en des ajouts, mais peuvent aussi être des retraits, suppressions et substitutions, qui apparaissent sur le même plan et éventuellement dans la même police que l’original camu-sien. Elles revêtent un aspect d’emblée officiel en quelque sorte, dactylographiées et intimement mêlées à l’écrit de l’auteur, sans en être séparées par une démarcation spatiale (corps/marge) ni

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typographique (écriture manuscrite/écriture imprimée). On peut donc en déduire, tout d’abord, que l’unité de modification et de mobilité du texte est la lettre, indéfiniment déplaçable et alté-rable par le lecteur, là où dans le livre imprimé cette unité était la page (que le lecteur pouvait corner, déchirer, arracher…). On remarque également que le texte ainsi inscriptible devient un document, où des écritures de sources plurielles se mêlent et se rencontrent sans que s’affirme visuellement une trace originaire distincte des interventions lectoriales : c’est dès ce niveau que peut se poser la question, très débattue dans les réflexions autour de l’écriture numérique, de la frontière entre auteur et lecteur. Enfin, pour revenir à notre exploration sensorielle du document numérique, nous constatons qu’à la différence de l’imprimé, où la page est à la fois le lieu de lecture et le lieu d’inscription des annotations du lecteur, dans le cas de l’électronique il y a une séparation physique entre ces deux espaces. Nous assistons bien à une dissociation entre l’es-pace de gestualité (le clavier) et l’espace de textualité (l’écran).

Plusieurs observations peuvent venir compléter ces remarques. D’abord, parmi nos cinq sens, tous ne sont pas également éveillés par la rencontre de l’imprimé et du fichier Word. Certaines interfaces sensorielles sont sollicitées dès l’ouverture du livre papier, comme l’odorat : la proxi-mité physique du livre avec notre visage ouvre aussitôt nos narines à l’odeur vieillie ou neuve des pages, et crée subtilement une atmosphère, une ambiance olfactive accompagnant la durée de la lecture, alors que dans le cas de l’électronique le nez ne sent presque rien. A l’inverse, un sens comme l’ouïe paraît beaucoup plus – ou du moins, autrement – sollicité par l’appréhension du document informatique. Si la lecture de l’édition Folio de L’Etranger peut se faire en silence, ou au gré d’une musique extérieure, choisie et variable, la lecture de sa version électronique est accompagnée par le ronronnement de l’ordinateur, qui lui sert de bruit de fond calme et continu. Ces différences ne sont pas entièrement anecdotiques, dans la mesure où elles participent peut-être de l’ambiance, de la disposition d’abord sensorielle dans laquelle se trouve le lecteur et qui module, dans ses modalités les plus concrètes, le charme et l’espèce de magie du processus de réception. C’est peut-être une somme de petits détails subtils et infimes, comme les gouttes de la mer chères à Leibniz dans sa théorie des « petites perceptions »100, qui contribuent à bercer l’esprit du lecteur, le plonger dans un certain être au monde imperceptible qui façonnera à son tour sa réceptivité à l’œuvre et sa sensibilité au charme qu’elle opère. Ce que bien des lecteurs et spectateurs éprouvent comme la « magie » d’une œuvre d’art, cette fantastique émergence d’un sens et d’un plaisir au contact de simples arrangements matériels, s’explique peut-être en partie par cette coalition de minuscules détails laissés au hasard qui ne deviennent palpables,

100 L’exemple des vagues est exposé dans la préface des Nouveaux essais sur l’entendement humain, Garnier Flammarion, Paris, 1966.

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n’atteignent de seuil critique que dans l’impression globale, tout aussi intangible, dans laquelle il vit la présence de l’œuvre, et le moment irréductiblement présent de sa rencontre.

Une seconde remarque va dans le même sens. On perçoit dans notre expérience visuelle de cette œuvre de menues différences auxquelles habituellement on ne prête guère attention : les lettres, légèrement irrégulières à l’impression du fait d’une épaisseur variable de l’encre, semblent plus exactes, plus parfaitement standardisées dans l’affichage numérique qui ne tolère aucune irré-gularité. Il peut aussi arriver parfois, en fonction de l’éclairage, que le visage et les épaules du lecteur se reflètent légèrement sur l’écran, dont la surface est moins opaque que le livre papier, et se mêlent ainsi à l’image du texte qu’il est en train de lire. Le texte semble perdre son carac-tère fascinant, cet aspect surplombant et solitaire qu’il avait lorsqu’une double page de papier se détachait sur un arrière-plan neutralisé et où il capturait toute notre attention et envoûtait le regard : sur écran, il entretient une plus grande interaction avec son environnement (le lecteur qui s’y miroite, la fenêtre du logiciel de traitement de textes avec ses menus apparaissant au-dessus du récit, la proximité du web où le lecteur peut basculer à tout moment en interrompant sa lecture). L’écran devient peut-être fascinant à son tour, en tant que support, mais le texte lui-même, pris dans un jeu de confrontation permanente avec des éléments externes, cesse d’incar-ner une force de focalisation unique et centrale de notre attention captive. Ces simples détails visuels ne sont pas neutres, eux non plus : peut-être participent-ils de façon sourde aux effets poétiques involontaires qui nourrissent notre appréciation de l’œuvre. La rencontre, sur le pa-pier, entre un mot au sens trouble ou frappant et une encre que l’impression a rendue plus fine ou un peu effacée n’est pas sans jouer sur l’effet que produira sur nous ce mot, de même que le son, presque jamais repéré par le lecteur, du papier qui bruisse lorsqu’il tourne la page et qui réanime, à chaque fin de page alors que la phrase n’est pas terminé, le suspens court mais réel qui précède la découverte du mot suivant. Peut-être que de même, le « clic » plus continu de l’ascenseur sur ordinateur enivre l’esprit du lecteur au rythme d’une berceuse bien différente ; que la parfaite régularité de l’encre électronique lui donne une autre vision du texte, plus solen-nel, plus effrayant d’une certaine manière mais aussi plus banal car il partage cette standardisa-tion typographique avec n’importe quel texte informatique, et que l’ensemble de ces effets sen-soriels concourt à définir le type d’expérience esthétique qu’il est en train de vivre, expérience qui ne naît pas seulement du jeu des signifiés mais aussi des hasards et surprises involontaires qui émanent de sa rencontre des signifiants.

Laissons à présent l’ordinateur et passons à un autre écran : celui du iPad, pour lire L’Etranger sous forme d’application iBook. Nous noterons ici encore simplement ce qui nous apparaît.

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Observons d’abord que l’objet visuel qu’on découvre est très différent : la tablette de lecture et le texte sont couchés en position horizontale, ils sont disposés sous nos yeux et non devant nos yeux comme avec l’ordinateur où l’écran est redressé. Le document de cent trente-deux pages peut s’afficher de plusieurs façons selon l’ajustement de l’utilisateur : en double-pages si l’on tient la tablette dans le sens de sa largeur, en page simple dans le sens de sa longueur. En haut à droite du texte, une fenêtre d’édition permet de paramétrer certaines données comme le niveau d’éclairage, la taille de la police et le choix de la police, la couleur de l’encre et de la page (noir sur blanc, noir sur beige, blanc sur gris ou blanc sur noir). L’iPad nous laisse également le choix entre deux modes de mise en page : le défilement informatique (le texte devient, comme avec l’ordinateur, un long rouleau à parcourir de manière verticale), ou l’imitation du livre (les pages se tournent alors de manière horizontale, on accède à la suivante en glissant le doigt sur le côté). On remarque, en-dessous du texte, la présence d’un outil de navigation : une ligne horizontale représente la totalité de l’ouvrage de son début (à gauche) à la fin (à droite), où l’on peut passer l’index pour accéder rapidement à une page éloignée. Un autre élément nous surprend, qui est absent du texte lu sur Word : sous cette ligne de défilement, nous apercevons un indicateur du nombre de pages restantes dans ce chapitre. S’il demeure impossible d’avoir une vue panop-tique du livre entier, et qu’il y a ici encore une dissociation entre visibilité d’ensemble et lisibi-lité, l’interface de l’iPad semble toutefois y remédier en permettant au lecteur d’être conscient de sa situation au sein de l’ouvrage, qui se présente moins comme un rouleau unitaire qui nous prend dans son flux temporel que comme une carte géographique où naviguer.

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L’une des spécificités les plus marquées de la lecture sur iPad se trouve au niveau du toucher : si le mode « défilement » n’est pas activé, le lecteur tourne les pages comme celles d’un livre, comme s’il s’agissait en effet d’un objet en trois dimensions alors que le texte présenté est plat. Ce geste de tourner n’en est pas moins distinct de celui qu’on accomplit sur un volume imprimé. En effet, pour passer de la page onze à la page douze, je pose l’index sur le coin ou le bord droit de la première et le glisse vers la gauche jusqu’à ce que la page suivante apparaisse. Il s’agit de glisser le doigt, de le déplacer sur la surface de la tablette là où l’opération analogue sur papier consiste à saisir, pincer et tenir une feuille entre le pouce et l’index. Notre situation dans l’es-pace et le déploiement de notre main comme outil revêtent selon ces deux cas des significations très différentes. Il y a entre ces deux gestes une distinction semblable à celle que Merleau-Ponty établit entre le mouvement concret de saisie et le mouvement abstrait de monstration (Zeigen et Greifen) : là où le premier, celui d’une page prise et pincée dans la main, s’accomplit dans une action effective sur un objet du monde (il est centripète, pour Merleau-Ponty), le second, ce doigt tendu et pointé sur une page qui ressemble davantage à un geste de désignation, se donne comme une action non-finie qui se caractérise par sa nature projective (il est centrifuge). Là où la saisie manuelle d’une page imprimée opère un mouvement de déplacement effectif sur le monde, le doigt tendu, pointé sur une surface agit plutôt comme un signe, il est construit et il fait signe, comme « je fais signe [à un ami] à travers le monde »101. On découvre à travers ces deux gestes deux façons différentes d’habiter et d’investir l’espace : « Le mouvement abstrait creuse à l’intérieur du monde plein dans lequel se déroulait le mouvement concret une zone de