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Un aperçu de la notion de responsabilité sociale

PARTIE 2. CADRE THÉORIQUE

2.1. Concept de développement durable et approches théoriques

2.2.1. Un aperçu de la notion de responsabilité sociale

De façon générale, se questionner sur la responsabilité sociale des entreprises amène à mettre en perspective la finalité, pour la société, de l’action des entreprises : pour qui agissent-elles et pourquoi? À ce niveau, deux approches sont présentes :

Selon l’approche tournée vers les actionnaires « shareholders », la gestion des organisations a pour finalité de maximiser les gains des actionnaires. En effet, dans une économie de marché, le principal but de l’entreprise, à travers ses activités de production et de gestion, est de générer en bout de ligne un profit le plus élevé possible pour ses propriétaires.

Toutefois, pour les tenants de cette approche, si le fait d’être responsable socialement en répondant à des intérêts sociaux au-delà de ceux des actionnaires peut contribuer à cette maximisation, l’entreprise doit aller dans ce sens. Dans cette perspective, la responsabilité sociale des entreprises « relève d’un utilitarisme stratégique destiné à favoriser leur compétitivité » (Capron et Lanoizelée, 2007); la logique reste purement économique. Le comportement social de l’organisation n’est justifié que s’il concourt

à un résultat d’ordre financier, soit la maximisation du profit et donc des gains pour les actionnaires.

L’approche des parties prenantes (stakeholders) apporte une autre vision du rôle des organisations vis-à-vis de la société, en intégrant les intérêts d’autres groupes dans les objectifs qu’elles poursuivent. Selon cette approche, la responsabilité de l’entreprise ne se limite pas aux actionnaires mais s’étend à toutes ses parties prenantes. Freeman et Reed (1983) définissent les parties prenantes (stakeholders) comme tout groupe ou individu identifiable sans le support de qui l’organisation ne peut continuer d’exister. Y sont inclus principalement, les actionnaires, les employés, les consommateurs, les fournisseurs, les institutions financières, les agences gouvernementales. Freeman et Reed (1983) utilisent deux niveaux d’analyse pour caractériser les parties prenantes :

 L’enjeu ou l’intérêt : intérêt lié au capital financier (actionnaires), intérêt économique (consommateurs et fournisseurs), intérêt d’influencer (agences gouvernementales);

Le pouvoir : pouvoir de vote, pouvoir économique et pouvoir politique.

Si cette approche est plus élargie par rapport à la précédente, l’intégration des intérêts des différents individus ou groupes d’individus, et leur convergence diffèrent selon l’interprétation qu’en font les dirigeants dans le sens où la satisfaction des intérêts des parties prenantes est vue ou non comme un élément stratégique d’amélioration de la compétitivité de l’organisation. Ainsi, Donaldson et Preston (1995) parlent d’aspect instrumental ou d’aspect normatif de la théorie des parties prenantes. Au niveau de l’aspect normatif, on accepte l’idée que l’organisation doit prendre en compte les intérêts des parties prenantes sans contrepartie pour elle-même.

Dans cette vision normative vue comme idéale, « l’intérêt des parties prenantes possède une valeur intrinsèque » (Donaldson et Preston (1995). Et, dès que

l’organisation, à travers ses dirigeants, reconnaît la légitimité des attentes d’individus ou groupes d’individus, elle doit les intégrer dans ses objectifs. Ici, on ne considère plus que la satisfaction des besoins de certains groupes va nuire à d’autres groupes ou va aller à l’encontre de la performance économique de l’organisation. La performance sociale de l’organisation va alors de pair avec la performance économique. La responsabilité sociale des entreprises viserait donc à ne pas exclure les besoins de certains individus ou groupes d’individus dans la poursuite de leurs objectifs mais s’apparenterait à une « obligation morale » de l’organisation de « contribuer au bien- être de la société » au sein de laquelle elle exerce ses activités.

Selon Carroll (1979), le débat autour des responsabilités sociales des entreprises a commencé dans le milieu des années 1950, suite à l’ouvrage de Howard R. Bowen (Social Responsibilities of the Businessman) publié en 1953 et considéré comme le premier livre sur ce sujet. Même si la notion de responsabilité sociale des entreprises n’est pas nouvelle, l’acuité du débat là-dessus est bien plus vive aujourd’hui. En effet, le monde actuel, y compris le monde des organisations a beaucoup évolué et les contraintes et opportunités qu’il recèle diffèrent de ceux d’il y a 50 ans. La mondialisation des marchés mais aussi des enjeux de démographie, de pauvreté, de droits humains amène aussi un décloisonnement, une interconnexion des champs de responsabilité des organisations. Ainsi par exemple, une multinationale ayant des filiales en Inde ou au Mexique peut de moins en moins rester imperméable aux questions locales de droits humains (droits des enfants par exemple) ou de corruption (par exemple concernant les actions de leurs fournisseurs). De plus en plus, il est demandé aux entreprises, non seulement d’offrir des biens et services de qualité mais aussi de prendre en compte les besoins et préoccupations de leurs parties prenantes internes et externes, tout en s’assurant de réduire au minimum les impacts de leurs décisions et actions sur les êtres humains et sur l’environnement. Tout en maintenant et assurant la poursuite de leur but économique qui est leur optique centrale et légitime, les entreprises sont de plus en plus appelées à tenir compte du contexte élargi de leurs opérations.

Selon Gendron (2004) la responsabilité sociale de l’entreprise est une initiative corporative volontaire à caractère social et environnemental allant au-delà des obligations fixées par la loi. Il peut s’agir de mesures anti-pollution permettant de dépasser les exigences réglementaires, de politiques proactives en gestion des ressources humaines ou encore d’investissements dans la communauté. Pour Lauriol (2004), la notion de responsabilité sociale s’inscrit dans une approche éthique puisant dans le principe de responsabilité comme « expression d’une liberté individuelle ». Ce libre choix de l’entreprise pour prendre en compte les considérations sociales et environnementales de ses activités serait, selon Lauriol (2004), un vecteur pour aller vers le développement durable.

Pour Moon, (2007), cette part de comportement volontaire ou de libre choix n’est pas toujours présente dans la notion de responsabilité sociale. L’idée sous-jacente est que les organisations sont incapables d’elles-mêmes, de responsabilité sociale, alors que leurs activités entraînent des impacts négatifs sur les ressources de la planète. Dans ce contexte, elles doivent se conformer à une règlementation spécifique en matière de responsabilité sociale et ainsi, aller vers la durabilité.

Carroll (1979) décrit la responsabilité sociale comme les considérations qui vont au- delà de la fonction économique de base (production, emploi, croissance économique) et du respect de la règlementation légale par l’entreprise. La notion de responsabilité s’élargit alors aux attentes, normes et valeurs que la société a envers les organisations, à un moment donné. Dans ce sens, la responsabilité sociale des entreprises consiste à se comporter de manière congruente avec les attentes de la société dans laquelle elles opèrent (Carroll, 1979, Jenkins, 2009).