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PARTIE 2. CADRE THÉORIQUE

2.1. Concept de développement durable et approches théoriques

2.1.1. Les conceptions du développement durable

2.1.1.1. De multiples définitions

Apparu sur la scène internationale dans les années 1980, essentiellement dans le rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement (rapport Brundtland, 1989), le concept de développement durable ne rencontre pas toujours la même signification, la même perception chez les uns et les autres. Le concept rencontre diverses définitions. Selon Matagne (2009), l’on en disposerait de plus d’une centaine. Même si certains voient l’accolade des termes « développement » et « durable » comme contradictoire et comme un oxymore (Latouche, 2010), il y a une convergence des auteurs sur l’idée que l’expression « développement durable » offre un cadre approprié pour conduire et construire le débat relatif à l’interaction entre les sociétés humaines et la biosphère (Newman, 2005; Gladwin, Kennelly et Krause, 1995; Bossel, 2007). D’autres encore préfèrent parler seulement de durabilité mettant ainsi l’emphase du concept sur cet aspect (Rumpala, 2010). Enfin, l’on retrouve

également l’expression développement soutenable qui, pour certains, traduit mieux l’expression dans sa formulation anglaise originelle de sustainable development (CMED, 1988).

Pour les politiques et les entreprises, le développement durable serait vu plutôt comme un compromis (Gendron, 2006), compromis social et compromis environnemental. L’idée serait de pouvoir concilier, du point de vue environnemental, croissance économique et industries « plus propres », moins polluantes, moins destructrices de l’environnement et des écosystèmes. Il s’en est suivi le développement d’idées, de mesures basées sur la thèse de l’internalisation des coûts sociaux et environnementaux telles que les droits à polluer ou encore le principe du « pollueur payeur ». L’accent est souvent porté sur les normes et les mesures règlementaires au niveau de l’État, sur la recherche et le développement de technologies qui permettraient aux entreprises de générer des produits et des façons de faire, respectueux de l’environnement écologique.

Il apparait donc que le concept de développement durable interpelle la pression de l’économie humaine sur la biosphère (Daily et Cobb, 1989), à travers les activités de production, de consommation et d’échanges. Pour satisfaire leurs besoins, les humains ont, de tout temps, exploité les ressources de la Terre : des sols, des sous- sols, des océans. Or, cette ponction sur les ressources naturelles s’est fortement accélérée depuis les 250 dernières années, se soldant par des déséquilibres dans la structure de l’écosphère (CMED, 1988; Hawken, Lovins et Lovins, 1999). La pollution atmosphérique, le réchauffement climatique en sont des exemples souvent mis en avant. Si la production mécanisée et de masse issue de la révolution industrielle a permis d’augmenter globalement la qualité de vie des populations humaines, elle a aussi contribué à ces problèmes écologiques.

En effet, les activités industrielles nécessitent de fortes consommations d’énergie. La combustion de combustibles fossiles tels que le charbon, le pétrole et le gaz naturel, a

été, à compter du 18ème siècle, la source majeure de production d’énergie (Lacroix, 2016). Or, l’utilisation intensive de ces sources non renouvelables d’énergie libère de grandes quantités de polluants et de dioxyde de carbone (CO2) dans l’air. La pollution atmosphérique résultante de la consommation intensive d’énergie issue des combustibles fossiles (Lacroix, 2016) entraine des effets à court et long terme sur la santé humaine. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a montré qu’en milieu urbain, la pollution de l’air accroit le risque de maladies respiratoires aigües telles que la pneumonie, ainsi que de maladies cardio-vasculaires. Cet exemple lié à la consommation d’énergie montre bien les connexions et interdépendances entre les aspects économiques, écologiques et sociaux, des activités humaines. Ces interactions se révèlent plus visibles avec le temps, grâce à l’avancée des connaissances scientifiques sur la question. La mobilisation de groupes d’action, tel le Club de Rome au début des années 1970, a aussi joué un rôle dans la prise de conscience des liens non séparables entre les questions de croissance économique et celles touchant l’environnement écologique.

La nécessité de prendre en compte les limites physiques et donc la capacité, de la biosphère, à supporter les effets des activités humaines, est précisément à l’origine du concept de développement durable. Défini par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement comme « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs », le concept de développement durable met en exergue deux notions principales (CMED, 1988):

 La notion de besoins : besoins essentiels de se nourrir, se loger, se vêtir, travailler mais aussi aspirations à une amélioration de la qualité de vie. La satisfaction de ces besoins nécessite une croissance économique. On parle des besoins actuels et des besoins des générations à venir.

 La notion de limites de la capacité de la biosphère. Il s’agit des limites de ressources naturelles telles que les sources d’énergie, les matières premières, l’eau, les sols, mais aussi limites des écosystèmes à absorber les déchets et divers polluants issus des activités humaines.

Le développement technologique peut tenter de repousser certaines de ces limites mais, ce faisant, il peut créer d’autres situations aussi non durables. En restant dans le domaine de l’énergie, la production d’énergie solaire comme voie pour remédier aux problèmes générés par les combustibles fossiles, nécessite la pose de cellules photovoltaïques pour capter les rayons du soleil et les transformer en électricité. Or, comme le montre Lacroix (2016), ces instruments sont produits à l’aide d’éléments chimiques qui sont rares dans la croûte terrestre tels que le gallium, le sélénium, le cadmium.

En fin de compte, le concept de développement durable signifie que les activités humaines pour satisfaire les besoins des générations actuelles, ne doivent pas mettre en danger les systèmes naturels sur lesquels repose la vie tels que l’atmosphère, l’eau, les sols. Il signifie aussi que cette poursuite de la satisfaction des besoins et aspirations des humains doit se faire en assurant une équité pour tous (CMED, 1988). Ce souci d’équité intra générationnelle se décline dans la répartition des ressources, naturelles et produites, aussi bien à l’intérieur d’une nation qu’entre différentes nations. Pour une entreprise par exemple, cette question d’équité pourrait se poser au niveau du partage de la valeur produite entre les actionnaires ou propriétaires, les salariés, les consommateurs, les fournisseurs.

Au-delà de la définition générale telle que proposée par la Commission mondiale pour l’Environnement et le Développement (CMED), le concept de développement durable apparaît comme un moyen d’action pour passer d’une situation non durable à une situation durable (Rumpala, 2010, Lozarno, 2015). L’accent est ainsi mis sur le

terme durabilité. Notre intérêt, ici, ne va certainement pas dans l’optique de remettre en cause la notion de croissance économique mais de questionner la manière de l’inscrire dans les limites de la biosphère. Certes, les discussions relatives aux aspects quantitatif et qualitatif de la croissance économique et donc du développement économique, sont utiles car elles soulèvent des débats nécessaires quant à la finalité d’un accroissement illimité de la production de biens et services. Toutefois, notre quête dans cette recherche se porte, d’un point de vue général, sur la durabilité des activités de production, sur les manières, les moyens de cheminer vers cette durabilité. En conséquence, nous retiendrons le terme de durabilité pour exprimer l’interconnexion entre les dimensions économique, sociale et écologique des activités de l’entreprise.

Pour Jenkins (2009), la durabilité est un objectif ultime, pour maintenir de façon définitive, la viabilité, à la fois, des économies, des sociétés au sein desquelles ces dernières évoluent, et de l’environnement écologique dont les deux dépendent.

Pour Sachs (1997), la notion de durabilité réfère à la préservation des ressources pour les générations présentes et futures, et se décline en cinq dimensions :

la durabilité sociale recouvrant tout le champ des besoins humains et sociaux, matériels et non matériels;

 la durabilité économique prônant l’évaluation de l’efficacité économique d’un point de vue macrosocial, en tenant compte des coûts sociaux et écologiques, plutôt qu’à travers les seuls critères micro-économiques de profit;

 la durabilité écologique consistant à mettre en valeur le potentiel des ressources des différents écosystèmes, à limiter la consommation des ressources non renouvelables et à promouvoir l’autolimitation de la consommation matérielle;

la durabilité spatiale se référant à la recherche d’équilibre entre les espaces urbains et non urbains;

 la durabilité culturelle consistant à promouvoir le changement dans la continuité culturelle, la pluralité des solutions spécifiques à chaque contexte local.

En fin de compte et en regard de la multiplicité de ses définitions, le concept de développement durable évoque aussi bien une vision d’un idéal à atteindre avec un ensemble de valeurs et d’objectifs choisis, qu’une manière d’appréhender l’action, de concevoir le changement et de mettre en œuvre les décisions pour le présent et l’avenir (Da Cunha et al, 2005).