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3. La typologie ou psychotypologie linguistique

3.1. Typologie et bilinguisme

La typologie ou psychotypologie linguistique est pour certains auteurs un facteur important qui détermine le choix d'une langue spécifique comme langue source d'influence. Les apprenants bi/multilingues pourraient donc utiliser l'une des langues qu'ils connaissent

comme la langue de base quand ils acquièrent une langue étrangère supplémentaire ; dans ce cas, la langue de base n’est pas obligatoirement la langue maternelle.9

Un autre facteur peut déterminer la présence des influences interlinguistiques occasionnant des erreurs. Ce facteur consiste en la relation entre la langue ou les langues répertoriées et le contexte dans lequel la communication a lieu. Selon Grosjean (1998), il s’agit là de la question du monolinguisme, du bilinguisme ou du multilinguisme. Le fait de connaître plusieurs langues étrangères peut être un facteur provoquant à commettre des erreurs d’ordre interlinguistique. Les bilingues acquièrent et se servent habituellement de leurs deux langues dans différents buts, dans différents domaines de la vie, avec des personnes différentes. Il apparaît que les bilingues arrivent rarement à une maîtrise égale et totale de leurs langues répertoriées. Des capacités linguistiques des bilingues ont été presque toujours évaluées en termes de normes de monolinguisme ; pourtant il faut considérer que les locuteurs monolingues n’emploient qu’une seul langue pour tous les domaines de la vie, tandis que les bilingues en emploient deux et les multilingues encore plus.

La notion de bilingue est assez controversée ; certains, comme Bloomfield (1935), la définissent comme un individu possédant une compétence de locuteur natif dans deux langues ; alors que, à l’opposé de cette définition qui n’inclut que des bilingues parfaits, Mac Namara (1967) souligne qu’un bilingue est quelqu’un qui possède une compétence minimale dans une des habiletés linguistiques suivantes : parler, lire et écrire dans une langue autre que sa langue maternelle. Entre ces deux définitions extrêmes, il existe une gamme intermédiaire de définitions, comme exemple celle de Titone (1972) pour qui un bilingue possède une capacité à s’exprimer dans une seconde langue en respectant les concepts et les structures propres à cette langue.

Meisel (1983) estime que l’apprenant est typiquement influencé, au moment de l’apprentissage, par la dernière langue étrangère apprise et non par la langue maternelle, car celle-ci n’est pas assez étrangère pour troubler l’apprenant. Hammarberg (2001) pense que l’apprenant est influencé par une langue déjà apprise en fonction du degré d’actualité de cette langue, à savoir son ordre d’acquisition ou encore la fréquence de son usage. En effet, la dernière langue apprise aurait, selon lui, plus de chances d’être source d’erreurs interlinguistiques. De même, une langue serait d’autant plus disponible que le locuteur l’a utilisée récemment (effet de récence).

Outre les aspects précités, il apparaît que la présence des erreurs dues à L2 serait en relation avec des facteurs comme le degré d’antériorité de l’apprentissage de L2 par rapport à L3 (Hammarberg, 2001).

Dans notre recherche, nous considèrerons que les apprenants essaient d’emprunter à une langue utilisée activement plutôt qu’aux autres langues déjà apprises mais qu’ils n’utilisent plus. Ce facteur reste en position potentielle chez nos sujets de recherche, car l’anglais, en ce qui concerne l’antériorité de l’apprentissage, est plus proche de l’apprentissage du français mais, en ce qui concerne l’utilisation, reste dans une position postérieure par rapport au persan qui est L1 et la langue utilisée activement par ces sujets.

D’après Ahukanna, Lund et Gentile (1981), Bartelt (1989), Ringbom (1987) et Singh & Carroll (1979), les apprenants de français et d’anglais qui sont locuteurs natifs d’une langue non indo-européenne ont tendance à transférer plus spontanément le vocabulaire et les structures d’une langue indo-européenne qu’ils connaissent que ceux de leur langue maternelle.

Le sens du transfert dépend donc de la langue qui a été plus récemment étudiée ou plus fréquemment utilisée, la langue la plus couramment utilisée ayant tendance à affecter celle qui est moins fréquemment utilisée. Les exemples généraux de transfert montrent une plus grande tendance du transfert de l'anglais L2 vers le français L3, plutôt que le transfert de l’Igbo L1 chez les Nigérians (Ahukanna, Lund et Gentile, op. cit.) ; c’est aussi le cas de l'apparition de l'ordre des mots anglais dans le suédois et l’allemand de certains Finlandais selon Ringbom (op. cit.).

Nous en concluons que des occasions de transfert peuvent être plus susceptibles de se produire à partir d’une autre langue étrangère que de la langue maternelle des apprenants, à condition d’utilisation fréquente de ces langues étrangères. A ce propos, Odlin (1989, p.27) propose la définition suivante: « Le transfert est l'influence résultant des similitudes et des différences entre la langue cible et une autre langue qui a déjà été acquise ou mal acquise ».

Un transfert non indigène en général a reçu beaucoup moins d'attention des chercheurs. Singleton (1987) décrit un apprenant dont le transfert vers le français est venu plus souvent de son espagnol non-natif que de l'anglais qui est sa L1. De même, Kellerman (1977) a noté l'effet de l’allemand dont il est non-originaire sur son néerlandais et plus tard le brouillage occasionnel du néerlandais dans son français.

D’un autre côté, il a été observé notamment que, chez les apprenants bilingues d’une autre langue, l’influence de la L1 est plus importante et entraîne un plus grand nombre de transferts que celle de la L2. Mais les langues autres que la L1 peuvent aussi être sources de

transfert linguistique, surtout lorsque la L2 et la langue en voie d’acquisition sont typologiquement proches. Par exemple, on observe que les apprenants dont la L1 est une langue non européenne, se servent de cette deuxième langue au niveau lexical et syntaxique et non de leur L1 comme source de transfert lorsqu’ils acquièrent une autre langue européenne comme troisième langue (Ahukanna, Lund et Gentile, 1981 ; Bartelt, 1989 ; Ringbom, 1987 ; Singh et Carroll, 1979).

L’étude de Bartelt met à l’épreuve cette idée : dans leurs productions anglaises, les trilingues indiens (Yaquai L1, espagnol L2, anglais L3) ont montré plus de transfert de leur deuxième langue (espagnol) dans les cadres syntaxiques et sémantiques. Puisque la langue préférée de la génération Yaquai d'âge moyen semble être l’espagnol, il ne devrait peut-être pas être surprenant que ce code soit le plus aisément disponible pour le transfert dans l'anglais. Un autre point pourrait être la facilitation du transfert en raison des ressemblances structurelles perçues entre deux langues indo-européennes.

Selon certaines recherches, les influences interlinguistiques paraissent également en relation avec l’âge. Différents chercheurs signalent que les influences interlinguistiques sont plus importantes chez les jeunes apprenants que chez les plus âgés et interviennent surtout dans l’acquisition d’une L2 (Harley, 1986 ; Singleton, 1989 ; Singleton et Lengyel, 1995), bien plus que dans l’acquisition d’une L3 où elles sont très limitées. Etant donné que nous nous intéressons aux apprenants adultes, ce facteur d’âge ne devrait pas aggraver les influences interlinguistiques.

Cenoz (2001) va plus loin en précisant que ces influences interlinguistiques peuvent provenir du développement cognitif et métalinguistique de l’enfant, et pense que ces deux aspects sont dépendants de l’âge de celui-ci. En s’appuyant sur l’expérimentation faite par Cenoz, on pourrait en déduire que les apprenants les plus âgés ont une perception plus claire de la distance linguistique qu’il y a entre L1 et L2 en cours d’apprentissage de L3. Ainsi cette perception peut, dit-il, influencer le choix de la langue de départ qu’ils utilisent dans les transferts d’une langue qu’ils connaissent déjà.

Si les erreurs commises pendant l’apprentissage d’une langue étrangère peuvent être relatives à la langue maternelle ou à une autre langue étrangère, à la typologie ou la psychotypologie, au monolinguisme ou le bilinguisme, au degré d’antériorité de l’apprentissage de L2 par rapport à L3, à l’âge des apprenants, il apparaît intéressant, au-delà