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2.2 Modifications des membranes par les infections virales

2.2.1 Types de structures formées

Les réarrangements des membranes résultant des infections virales peuvent être classés en trois ensembles, décrits ci-après.

2.2.1.1 Sphérules à la surface des membranes

Les infections virales peuvent induire localement des déformations de membranes ressemblant à des vésicules, appelées également « sphérules », qui restent connectées au cytoplasme par des cols étroits. Ces sphérules correspondent à des invaginations des membranes des compartiments ci- blés et possèdent une membrane soit simple, soit double.

Les cellules infectées par les Flavivirus, dont le virus de la Dengue, présentent des invaginations de

80 à 100 nm de la membrane du RE (Figure I 3). Les reconstitutions en 3D des membranes réar- rangées par le DENV montrent un réseau continu des membranes du RE, connectées entre des vésicules et des membranes complexes (CMs). La plupart des vésicules ont des doubles mem- branes ce qui permet de suggérer qu’elles sont formées à partir d’invaginations dans la membrane du RE (Welsch et al., 2009).

L’infection par certains Alphavirus-like provoque la formation de sphérules invaginées à double membrane, comme observé avec les Bromovirus (Schwartz et al., 2002) au niveau de la membrane

du RE et avec les Alphavirus, Semliki forest virus (SFV) ou le Sindbis virus (SINV) aux endosomes et

lysosomes modifiés. Ces derniers, de 600 à 2000 nm forment des vacuoles cytopathiques (CPVs) présentant à leurs surfaces des petites invaginations de taille homogène d’environ 50 nm (Figure I 4Figure I 5) (Kujala et al., 2001).

Les peroxysomes sont délimités par une membrane simple, qui peut être ciblée par des tombusvi- rus (McCartney et al., 2005; Rochon et al., 2014), provoquant parfois une réorganisation complète de ce compartiment des corps multivésiculaires (MVBs) (Figure I 5).

Les mitochondries et chloroplastes sont isolés du cytoplasme par une enveloppe constituée d’une membrane externe, séparée d’une membrane interne par un espace inter-membranaire.

Les infections par le FHV ou certains tombusvirus, provoquent la formation de sphérules obser- vées uniquement à la membrane externe des mitochondries (Miller et al., 2001). Ces sphérules consistent en des invaginations de la membrane externe dans l’espace inter-membranaire et res- tent connectées au cytoplasme (Figure I 6).

En revanche, l’infection par le TYMV des chloroplastes provoquent l’invagination de l’enveloppe, donnant des sphérules à double membrane, toujours connectées au cytoplasme (Figure I 7) (Prod’homme et al., 2001).

2.2.1.2 Vésicules à double membranes (DMVs)

Il a pu être démontré, dans certains cas, que ces vésicules proviennent du RE, bien que le mode de formation ne soit pas élucidé, il pourrait faire intervenir la voie de l’autophagie.

L’infection par le Poliovirus (PV) provoque des réarrangements membranaires intracellulaires ré-

sultant de la formation de DMVs. L’équipe de Kirkegaard a découvert la colocalisation de mar- queurs du RE, du trans-Golgi, du TGN et des lysosomes avec ces DMVs, et a proposé que ces

structures soient dérivées du processus d’autophagie (Schlegel et al., 1996). Le travail avec les protéines 2BC, 2C et 3A exprimées individuellement, a permis de suggérer que les DMVs du PV soient originaires du RE, ce qui est compatible avec l’hypothèse de l’implication de l’autophagie (Suhy et al., 2000).

L’autophagie résulte de la dégradation d’une partie du cytoplasme cellulaire et peut être initiée en réponse au stress, à l’infection par des pathogènes, ou encore par la restriction pour l’accès aux nutriments. Ce processus commence par la séquestration du contenu cytoplasmique dans une double membrane en forme de croissant, qui évolue en formant des DMVs. Ils sont appelés autophagosomes et leur diamètre varie de 500 à 1500 nm chez les mammifères, et de 400 à 900 nm chez les levures. Dès que les autophagosomes fusionnent avec les endosomes et lyso- somes, ils acquièrent des enzymes lysosomales qui dégradent leur contenu interne. L’origine de cette double membrane est encore sujet à débat, car, si les observations en microscopie électro- nique peuvent suggérer une origine du RE, les autophagosomes contiennent des marqueurs pro- venant de différents compartiments (revu dans Kirkegaard et al., 2004).

Figure I 8 – Image de microscopie électronique à transmission d’une cellule Vero E6 infectée par le SARS-CoV et reconstitution 3D par tomographie des membranes affectées par la présence du

virus.

(A) Image en microscopie électronique à transmission d’une section de 200 nm d’épaisseur, incluse dans de la résine, montrant le RE, un paquet de vésicules (VP) et les regroupements de DMVs. Cellules cryofixées à 7 h p.i. La barre d’échelle représente 100 nm. (B) Tranche de 1,2 nm d’épaisseur issue de la reconstitution de l’assemblage des images de tomographie. (C) Reconstitution en 3D par tomographie révélant la nature interconnectée des DMVs induites par le SARS-CoV. Images de Knoops et al. (2008)

Figure I 9 – Modèle du réseau de membranes modifiées du RE permettant la réplication du SARS.

Basé sur les résultats de tomographie à électrons, ce modèle montre le réseau réticulo-vésiculé, induit par l’infection du SARS, avec lequel sont associés les protéines de la réplication et les ARN doubles brins. Le RE rugueux, mis en évidence par la présence de ribosomes (petits traits noirs épais), est continu et entoure les CMs et les membranes externes des DMVs, et VPs. Les membranes internes des DMVs et l’intérieur des vésicules contiennent les ARN doubles brins. Ce réseau connecte l’ensemble des membranes, reliant les lieux de synthèse de l’ARN et ceux de l’assemblage des virions, contribuant à l’organisation spatiale et temporelle du cycle viral. Les protéines virales non- structurales nsp3, nsp5 et nsp8 sont impliquées dans la réplication du SARS. D’après Knoops et al. (2008).

La reconstitution en trois dimensions des vésicules induites par le SARS, réalisée par Knoops et al. (2008), montre des DMVs entre 150 et 300 nm de diamètre, entourés par deux membranes étroitement apposées et reliées au RE (Figure I 8).

Les DMVs contiennent de l’ARN double brin mais aucune protéine de réplication virale. De plus, ce type de vésicule ne présente aucune ouverture vers le cytoplasme. L’ensemble de ces ob- servations a conduit les auteurs à proposer que ces DMVs serviraient à stocker les ARN viraux produits en excès.

Adjacentes aux DMVs, il est possible d’observer des membranes complexes (CMs) contenant des petites membranes tubulaires, formant un réseau réticulo-vésiculé du RE modifié. Elles abritent les protéines de réplication virale et pourraient donc être le siège de la synthèse des ARN viraux. L’observation des cellules, à des temps plus tardifs post-infection, permet de voir des paquets de vésicules (VPs) contenant des virions et correspondant à des membranes simples ceintes par la membrane externe du RE. Ces VPs sont connectés aux CMs, permettant probablement le trans- fert, depuis les CMs vers les VPs, des ARN génomiques à encapsider (Figure I 9). Comme il a été observé que les ribosomes sont localisés à l’extérieur des DMVs, les auteurs ont proposé qu’ils soient impliqués dans les traductions initiales de l’ARN viral. Les protéines ainsi synthétisées ci- blent les membranes, y induiraient la formation de vésicules du RE rugueux, et seraient donc directement importées dans ces vésicules. De même, les nouveaux ARN répliqués pourraient aussi être traduits par les ribosomes voisins, à l’origine de nouvelles vésicules.

Toutefois, une étude plus récente regroupant des virus de l’ordre des Nidovirales, les coronavirus Infectious bronchitis virus (IBV), SARS et Mouse hepatitis virus (MHV), et un arterivirus, le Porcine repro- ductive and respiratory syndrome virus (PRRSV), a mis en évidence que la réplication de l’ARN viral

n’avait pas lieu dans les DMVs ressemblant aux autophagosomes, dont la taille est réduite d’un tiers. Ils ont proposé que l’activation de l’autophagie ne serait pas requise pour former les DMVs, bien que le marqueur LC3 (Light-chain 3) y soit recruté, et suggèrent que l’activation de cette voie soit en réalité une réponse immunitaire induite par la présence des particules virales (Cottam et al., 2011).

2.2.1.3 Extensions de la membrane du RE

Les cellules infectées par l’HCV sont caractérisées par la présence d’une multitude de petites vési- cules, issues du bourgeonnement du réticulum endoplasmique rugueux (RER), incluses dans un réseau de membranes, appelé « membranous web ». D’autres vésicules sont y parfois étroitement associées (Figure I 10) (Egger et al., 2002).

L’infection de cellules végétales par le CPMV provoque une prolifération de la membrane du RE, comme démontré par les images de microscopie à épifluorescence de cellules exprimant un mar- queur du RE fusionné à la GFP (Figure I 11A). L’observation en microscopie électronique des cellules infectées a permis de montrer la présence de nombreuses petites vésicules en périphérie du RE (Figure I 11B) (Carette et al., 2000).