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3.3 Fonctions des différentes protéines virales

3.3.3 La polyprotéine 206K

Elle est la seule protéine essentielle pour la réplication virale (Weiland and Dreher, 1989, 1993). Les comparaisons des séquences peptidiques incluant d’autres protéines de réplication non- structurales putatives de virus à ARN(+) ont révélé des similarités et ont permis d’identifier ses différents domaines. Ils présentent les activités méthyltransférase (MT) à l’extrémité N-terminale, puis protéase (PRO), NTPase/hélicase (HEL) et enfin en C-terminal, polymérase à ARN dépen- dante de l’ARN (RdRp) (POL) (Gorbalenya et al., 1989; Kamer and Argos, 1984; Morch et al., 1988; Rozanov et al., 1992). L’ensemble de ses signatures ont conduit au classement du virus parmi le genre des Tymovirus, dans le super-groupe des alphavirus-like (Koonin et al., 1993).

Le domaine méthyltransférase pourrait jouer un rôle dans la méthylation de la coiffe à l’extrémité 5’ des ARN néo-synthétisés. Ce domaine est séparé de celui de la protéase par une séquence riche en proline d’environ 200 acides aminés, prédite comme ayant une structure secondaire désordon- née qui pourrait constituer une sorte de charnière entre les deux domaines (Jakubiec et al., 2004) (Figure I 17).

Le domaine protéase est localisé entre les domaines méthyltransférase et NTPase/hélicase. La protéase codée par le TYMV a un résidu cystéine dans son site catalytique et fait partie des pro- téases à cystéine de type papaine-like (Bransom and Dreher, 1994; Rozanov et al., 1995). Son implication a été montrée dans la maturation en deux étapes de la polyprotéine 206K.

3.3.3.1 Clivage de la polyprotéine 206K

Un premier site a été identifié entre les résidus A1259 et T1260. Il permet le clivage autoprotéoly- tique co-traductionnel de la polyprotéine 206K en protéines 140K et 66K, à la fois in vitro (Morch

et al., 1989; Bransom et al., 1991; Kadare et al., 1995; Bransom et al., 1996) et in vivo

(Prod’homme et al., 2001).

Le clivage de la polyprotéine en protéines 140K et 66K est essentiel pour la réplication virale (Bransom and Dreher, 1994; Jakubiec et al., 2007).

La protéine 66K contient le domaine RdRp, permettant la synthèse de nouveaux ARN(vc) et ARN(+) à partir d’une matrice ARN (+) ou ARN(vc) (Weiland and Dreher, 1993). Elle est locali- sée au niveau des invaginations de la membrane des chloroplastes, induites par le virus, et s’accumule transitoirement pendant l’infection virale (Prod’homme et al., 2001). La polymérase est phosphorylée et ces modifications post-traductionnelles sont requises pour la réplication vi- rale et pour la dégradation de la protéine par la voie de dégradation du protéasome liée à l’ubiquitine (Héricourt et al., 2000; Jakubiec et al., 2006; Camborde et al., 2010). Ne portant pas les déterminants de son adressage aux chloroplastes, elle est dépendante de la protéine 140K (Prod’homme et al., 2003) avec laquelle elle interagit (Jakubiec et al., 2004) pour y être localisée. Correspondant à la partie N-terminale de la polyprotéine 206K, la protéine 140K porte les activi- tés méthyltransférase, protéase et NTPase/hélicase (Kadare et al., 1995; Bransom et al., 1996) et est essentielle pour la réplication virale (Weiland and Dreher, 1993).

Elle contient les déterminants de son adressage aux chloroplastes et induit leur regroupement. Elle est l’organisateur clé de l’adressage des complexes de réplication viraux aux chloroplastes (Prod’homme et al., 2003). En effet, le domaine protéase de la protéine 140K et la partie N- terminale de la polymérase interagissent et sont responsables de la relocalisation de la protéine 66K aux chloroplastes (Jakubiec et al., 2004). L’interaction entre la protéine 140K et la polymé- rase inhibe également les phosphorylations de la protéine 66K, soit en masquant ses résidus phosphorylables, soit en empêchant leur accès aux kinases (Jakubiec et al., 2006).

De plus, il a été montré que la protéase a également une activité ubiquitine hydrolase ou désubi- quitinase (DUB) ayant pour substrat la polymérase. Elle est capable de cliver les chaînes de po- lyubiquitine liées à 66K, déjouant l’adressage au protéasome de la polymérase (Chenon et al., 2012). La Figure I 18 récapitule l’évolution des protéines 140K et 66K au cours de l’infection virale.

3.3.3.2 Clivage de la protéine 140K

Un second site de clivage a été identifié dans la séquence de la protéine 140K, entre les résidus S879 et Q880, et génère deux produits : en C-terminal, la protéine 98K et en N-terminal, l’hélicase (ou 42K) (Jakubiec et al., 2007).

La protéine 98K contient donc les domaines méthyltransférase, PRR et protéase.

Composante nécessaire du complexe réplicatif, l’hélicase présente la séquence caractéristique GX4GKT de fixation à l’ARN et la propriété nucléoside triphosphatase (ATPase et GTPase)

(Kadaré et al., 1996). Elle est supposée rompre les liaisons hydrogènes non covalentes entre les deux brins complémentaires d’ARN pour permettre leur séparation. Les hélicases forment un groupe large et varié de protéines qui partagent des motifs de séquence appelés « motifs hélicase » (Koonin et al., 1993).

Il semblerait que le clivage de l’hélicase de son précurseur 140K ne soit pas strictement nécessaire pour la réplication virale, qui peut avoir lieu, bien qu’en efficacité réduite (Jakubiec et al., 2007). Contrairement à d’autres virus, comme le BMV (Chen and Ahlquist, 2000), l’hélicase n’est pas responsable du recrutement de la polymérase au sein du complexe de réplication (Jakubiec et al., 2007). En revanche, l’hélicase se fixant en cis sur l’ARN pourrait être responsable du recrutement

de l’ARN génomique au niveau des complexes de réplication (Weiland and Dreher, 1993). Le clivage de la protéine 140K en ses produits, les protéines hélicase et 98K, est proposé comme se produisant temporellement après celui de la polyprotéine 206K (Jakubiec et al., 2006), mais nous ne savons toujours pas à quelle étape du cycle infectieux est réalisé ce clivage.

4 Adressage de la protéine 140K du TYMV aux chloroplastes

L’infection des plantes par le TYMV provoque des effets cytologiques visibles au niveau des chloroplastes, notamment des sphérules à doubles membranes, correspondant aux invaginations de leur enveloppe (Matthews, 1973; Prod’homme et al., 2001), siège de la réplication virale (Gar- nier et al., 1980, 1986; Prod’homme et al., 2001). Parmi les protéines non-structurales localisées aux chloroplastes, la protéine 140K est également distribuée à leur voisinage lorsqu’elle est ex- primée seule dans des protoplastes d’A. thaliana (Prod’homme et al., 2003).

La problématique de l’adressage de la protéine 140K aux chloroplastes est posée. En effet, les chloroplastes sont des organites retrouvés exclusivement chez les organismes chlorophylliens. Ils ont des caractéristiques et des voies d’adressage de leurs protéines qui leurs sont propres.