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3. Habiter en communauté fermée : présentation des résultats de l’enquête 53 

3.4 Chez-soi et idéal : aspirations résidentielles 80 

3.4.1 Types de résidence appréciés et non appréciés 80

Lorsque questionnés sur les types de résidences auxquels ils s’identifient, qu’ils apprécient particulièrement, les répondants mentionnent les maisons unifamiliales, et ce, pratiquement à l’unanimité. Les principales raisons avancées à cet égard sont l’espace, la liberté, et l’intimité qu’offre une telle forme de logement, par rapport à des formes d’habitat plus

denses telles des tours d’appartements par exemple. C’est ce qu’expriment ces deux résidents :

À une maison je crois. [...] J’ai déjà vécu en appartement, j’ai fait l’expérience de maisons et d’appartements. Ah, et une maison c’est plus tranquille, tu vois peu les voisins, cet aspect du dessus et du dessous que… il n’y a pas cet inconvénient, alors c’est très tranquille à ce niveau. Et… je crois que ça donne plus de liberté (R12-2).

Une maison, une maison. [...] Pour la liberté qu’elle t’offre. La liberté, l’intimité, n’est-ce pas. Parce que… en comparant avec un appartement. En appartement tu n’as pas d’espace extérieur pour relaxer, alors tu te sens comme si tu étais emprisonné, je me sens comme ça, j’aime avoir de l’espace à l’extérieur. Tu ouvres la porte de ta maison, tu es face à face avec la porte du voisin. Tu fais un bruit plus fort et tu déranges le voisin. Alors c’est pour ça que je préfère une maison (R1-1).

Seule une résidente apporte une nuance entre son idéal personnel, individuel, et celui qu’elle détient aujourd’hui pour sa famille. Personnellement, elle aspire à quelque chose de différent, mais pour sa réalité actuelle, la maison unifamiliale qu’elle occupe aujourd’hui constitue le meilleur choix possible.

Moi, pour moi ou pour ma famille? [...] Pour moi, ce serait un appartement à São Paulo dans une région bien mouvementée, de préférence dans le quartier des Jardins22. Je suis une

personne très urbaine, alors le mouvement me manque, avoir davantage de choix de choses à faire, alors pour moi l’idéal ce serait de vivre près de ces lieux que j’aime fréquenter, et dans un appartement. Mais pour mon type de famille, pour mon mari, pour mon fils, cette maison, dans cette communauté fermée, est parfaite. On a déjà pensé plusieurs fois aller vers une autre communauté fermée ou peut-être acheter une maison plus grande, ou une maison plus petite, parfois on pense à revoir le concept, mais on arrive toujours à la conclusion que celle- ci est la meilleure option. Alors, mon idéal est autre, mais pour ma famille, l’idéal c’est celui-ci (C-1).

Près de la moitié des résidents vont plus loin; plutôt que de simplement affirmer s’identifier à un type de résidence plus qu’à un autre, ils disent s’identifier plus spécifiquement avec leur propre maison.

Ma... la maison dans laquelle j’habite je crois. Une maison de campagne, non… ni de plage. Ma maison, je m’identifie, je crois… au style de ma maison, j’aime les maisons contemporaines, modernes aussi. J’aime ma maison. Mon mari a inventé l’idée de construire une autre maison, et je suis triste. Oui… quitter. Mais… ça va. Oui, ma maison (M-1). Je m’identifie avec ma maison, je suis bien satisfaite de ce qu’on a réussi à obtenir ici (R12- 1).

22 Quartier de la zone centrale de la ville de São Paulo, considéré comme un des quartiers les plus chics de la

D’autre part, les deux types de résidences moins appréciés par les individus interrogés sont les appartements et les maisons jumelées. C’est encore une fois une préoccupation pour l’intimité qui motive un tel choix :

Une maison jumelée, c’est horrible. C’est comme un appartement aujourd’hui, tu parles et le voisin te répond. [...] Ça enlève toute ton intimité, n’est-ce pas, c’est un […] des aspects qui nous préoccupe beaucoup, maintenant qu’il ne reste plus que mon mari et moi, probablement que d’ici quelques années nous allons déménager dans un appartement parce que la maison va devenir très grande et… on se questionne à savoir si on va s’habituer à ça, au fait d’habiter dans un lieu où tu ouvres la porte pour sortir et qui est tout sombre parce que c’est un corridor, où tu vas prendre un… un ascenseur et entendre le voisin parler (R9-1).

Pour certains, ces types de logement à plus haute densité sont spontanément associés à une localisation, à un certain milieu. Par exemple, pour cette femme originaire de Rio de Janeiro, les quartiers denses et mouvementés de São Paulo constituent un environnement où elle ne désire pas vivre :

[Les] quartiers très mouvementés n’est-ce pas, les appartements. [...] Je ne sais pas, je me sens très coincée, principalement si c’était ici à São Paulo, parce que je crois que São Paulo a déjà tellement d’immeubles, tellement d’immeubles, tu sais j’aime… on a beaucoup ce besoin de vue, tu sais de voir l’horizon, de voir le ciel, alors, à São Paulo, dans un appartement, dans un endroit très mouvementé c’est impossible (18D-1).

Une autre résidente mentionne qu’elle ne vivrait pas dans une maison à São Paulo, à cause de la violence qui caractérise la ville :

Alors, je ne vivrais pas dans une maison à São Paulo, parce que c’est très violent, les maisons sont vulnérables… São Paulo ne te permet pas de vivre dans une maison. À moins qu’il y ait un système de sécurité privé tu sais, un… c’est difficile, je n’aimerais pas arriver à la maison et avoir quatre gardiens de sécurité là avec une arme, ce n’est pas possible. Alors, je n’habiterais pas une maison à São Paulo (C-1).

En somme, les préférences en termes de types de logement des résidents d’AlphaVille confirment l’importance du secret dans l’expérience occidentale moderne de l’habiter et celle du privé comme valeur et comme droit (Serfaty-Garzon et Condello, 1989). On revendique donc le droit à l’intimité personnelle et familiale, à un espace privé en retrait du corps social, face auquel plusieurs apparaissent de moins en moins tolérants. Dans un tel contexte, « la maison devient un espace de jouissance et d’exercice légitime de l’intimité et de la distanciation par rapport aux autres » (Serfaty-Garzon et Condello, 1989 : 3). Les

réponses des individus viennent également appuyer les propos de Day (2000), qui souligne qu’en général on tend à associer la possibilité de conserver son intimité (privacy) à une maison détachée sur son propre terrain. L’auteure mentionne également que la perception d’intimité est grandement liée au contrôle que l’on peut exercer sur les relations avec ses voisins : entendre ou non le bruit qu’ils font, sentir les odeurs de leur cuisine par exemple. Ces dimensions ressortent également des propos des résidents d’AlphaVille.

De plus, le discours des individus rencontrés vient confirmer qu’il s’avère réducteur de limiter l’habitat à la seule résidence, tels que l’affirment plusieurs auteurs (De Villanova, 2002; Paquot, 2005). En effet, pour une des résidentes, habiter en appartement, c’est également habiter un milieu spécifique, qui est dense, mouvementé, bref un type d’établissement, de « settlement » tel que le définit Feldman (1990). Pour une autre, qui affirme ne pas vouloir habiter une maison de rue à São Paulo, la représentation qu’elle possède d’un type de résidence en particulier dépend grandement du contexte dans lequel il est placé, tout comme la valeur qui y sera associée (De Villanova, 2002).