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Types de modèles cinématiques du complexe de l’épaule

II. Revue de littérature

1. Estimation de la cinématique articulaire du complexe de l’épaule

1.2 Types de modèles cinématiques du complexe de l’épaule

En général, les modèles biomécaniques du complexe de l'épaule sont répartis en deux groupes : les modèles en chaîne avec une boucle cinématique ouverte et les modèles en chaîne avec une boucle cinématique fermée. Ils se distinguent en fonction des structures anatomiques prises en compte dans la modélisation. Le modèle en boucle ouverte (section 1.2.1) n'a pas de contrainte entre le segment scapulaire et la surface de la cage thoracique alors que les modèles en boucle fermée (section 1.2.2) intègrent ce plan de glissement scapulo-thoracique. Le choix de l’un ou l’autre de ces deux modèles dépend donc de la fidélité « physiologique » que l’on souhaite obtenir pour la modélisation cinématique.

1.2.1 Les modèles en chaîne cinématique ouverte

Dans les chaînes en boucle ouverte, les modèles se différencient par le type d’articulation utilisé et la définition des degrés de liberté actionnant la ceinture scapulaire. Les mouvements de l’articulation gléno-humérale sont majoritairement modélisés avec trois degrés de liberté en rotation. C’est l’estimation des mouvements de la clavicule et de la scapula qui fait varier les approches méthodologiques. Les premiers modèles que l’on peut décrire sont ceux qui possèdent cinq degrés de liberté. Ils ont la caractéristique de modéliser les articulations sterno-claviculaire et acromio-claviculaire soit avec deux degrés de liberté en rotation, soit avec deux degrés de liberté en translation (Abdel-Malek et al., 2006; Lenarčič et Umek, 1994; Yang, 2003; Yang, Abdel-Malek et Nebel, 2003). Le modèle de Lenarčič, (1999)

à six degrés de liberté représente quant à lui la protraction-rétraction sterno-claviculaire, l’élévation-dépression sterno-claviculaire et permet les translations le long de l’axe longitudinal de la clavicule (Klopčar et Lenarčič, 2006). Les travaux d’Högfors, Sigholm et Herberts, (1987) sur des cadavres sont les premiers à développer l’idée que la configuration idéale avec des articulations sphéroïdes à chacune des articulations sterno-claviculaire, acromio-claviculaire et gléno-humérale est la plus appropriée pour représenter les mouvements articulaires. Cette même chaîne cinématique a été utilisée pour déterminer les angles articulaires de l’épaule de manière non invasive lors de mouvements dynamiques de participants (Jackson et al., 2012) (Figure 3). Toutefois, aucune validation du modèle cinématique n’est proposée. Comparer l’estimation de la cinématique du complexe de l’épaule de ce modèle en boucle ouverte avec des mesures directes des os demeure une perspective intéressante.

Figure 3: Chaîne cinématique en boucle ouverte avec trois degrés de liberté en rotation à chacune des articulations sterno-claviculaire (SC), acromio-claviculaire (AC) et gléno-humérale (GH) du modèle de

En résumé, les modèles de chaînes en boucle ouverte sont des structures relativement simplifiées. Ils représentent habituellement l'épaule par deux ou trois segments articulés actionnés par cinq degrés de liberté pour le modèle le plus simple à neuf pour le plus complexe. Ce dernier modèle décrit à la Figure 3 comporte un nombre de degrés de liberté suffisant pour décrire anatomiquement les mouvements de l’épaule. Toutefois, ce modèle permet à la scapula de se mouvoir librement sans la contrainte d’être collée au thorax, ce qui peut conduire à une estimation non « physiologique » de sa cinématique.

1.2.2 Les modèles en chaîne cinématique fermée

La particularité des modèles en boucle fermée de l’épaule est qu’ils prennent en considération les contraintes imposées par l’articulation scapulo-thoracique. Le but de ces contraintes implémentées est qu’elles soient les plus représentatives possible des contraintes anatomiques appliquées à cette articulation. Un ellipsoïde ou la surface latérale d’un cône de révolution est généralement utilisé pour modéliser le plan de glissement scapulo-thoracique (Berthonnaud, Herzberg, Zhao, An et Dimnet, 2005; Maurel et Thalmann, 2000; Prinold et Bull, 2014). La fermeture de boucle cinématique de l’articulation scapulo-thoracique s’opère de différentes manières. Les travaux de Maurel, (1999) et Maurel et Thalmann, (2000) décrivent trois formes de contact scapulo-thoracique illustrés à la figure 4 : le contact point avec cinq degrés de liberté (a), le contact linéaire qu’ils nomment « bipode » actionné par quatre degrés de liberté (b) et le contact planaire appelé « tripode » possédant trois degrés de liberté (c). Les différentes formes de contact permettent trois, quatre ou cinq degrés de liberté selon le nombre de point de contact entre l'ellipsoïde et la scapula. Ainsi, le tripode permet trois degrés de liberté (deux en translations et un en rotation), le dipode permet quatre degrés de liberté (deux en translations et deux en rotations) et l'unipode permet cinq degrés de liberté (deux translations et trois rotations). Pour réaliser la fermeture de boucle, Maurel, (1999) choisit le point de contact après l’avoir comparé aux autres formes possibles (Figure 4). Cet auteur conclut que la modélisation de l’articulation scapulo-thoracique avec un point de contact scapulaire glissant sur un ellipsoïde thoracique est une alternative judicieuse pour décrire les mouvements de la scapula car elle est moins dépendante du réalisme de la surface de glissement scapulo-thoracique modélisée.

Figure 4: La chaîne cinématique du modèle de Maurel, (1999) (en haut), et les trois formes de contact scapulo-thoracique avec ses degrés de liberté (en bas) qui sont nommés : « unipode » (a),

« bipode » (b) et « tripode » (c).

La position de ce point de contact scapulaire ainsi que les dimensions de l’ellipsoïde sont des paramètres essentiels pour ce type de modèle. En général, ce sont un ou deux points situés sur le bord médial de la scapula qui sont utilisés (Garner et Pandy, 1999; Maurel et al., 1996; Tondu, Ippolito, Guiochet et Daidie, 2005; Van der Helm, 1994a). Toutefois, à partir d’une étude cadavérique, Sah et Wang, (2009) suggèrent que le point de contact soit positionné à proximité du barycentre entre trois autres points qui sont des repères anatomiques de l’os scapulaire : l’angle acromial, l’angle inférieur et le trigonum spinae7 (Figure 5). Nous

tenterons de procéder de façon similaire lors du développement de notre modèle.

7 Le trigonum spinae est un repère anatomique scapulaire : c’est la racine de l’épine scapulaire qui est situé au

milieu de la surface triangulaire, sur le bord médial de la scapula en ligne avec l'épine scapulaire (Wu et al., 2005).

Figure 5: Représentation par trois points noirs des positions des trois repères anatomiques scapulaires que sont l’angle acromial (AA), l’angle inférieur (AI) et le trigonum spinae (TS) nécessaires à la localisation du point de contact scapulaire (point noir et rouge) suggéré dans l’étude de Sah et Wang,

(2009) pour implémenter les contraintes de la fermeture de boucle scapulo-thoracique.

Pour conclure, plus un modèle se rapproche de la structure anatomique du complexe de l'épaule, plus il sera capable de saisir les caractéristiques réelles de son mouvement (Van der Helm, 1994b). En ce sens, les modèles de chaînes en boucle fermée ont une plus grande précision et sont plus fiables que les modèles en boucle ouverte (Yang, Feng, Kim et Rajulu, 2010). La fermeture de boucle est généralement implémentée sous la forme d’un point ou d’un plan scapulaire contraint d’être en contact avec le plan de glissement scapulo-thoracique (Maurel et Thalmann, 2000; Naaim, Moissenet, Dumas, Begon et Chèze, 2015; Tondu et al., 2005). Une étude montre qu’en collectant des paramètres propres à chaque individu durant le protocole expérimental, il est possible d’ajuster les dimensions d’un ellipsoïde utilisé comme plan de glissement scapulo-thoracique (Prinold et Bull, 2014). Ces dimensions au même titre que d’autres paramètres du modèle doivent être identifiées au préalable pour chaque sujet afin d’obtenir une cinématique personnalisée.