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Interaction hauteur de dépôt et masse de charge

V. Discussion

3. Interaction hauteur de dépôt et masse de charge

Rappel sous-objectif 2b : L’hypothèse était que les pics d’angles articulaires permettent d’identifier l’interaction entre les effets de hauteur de dépôt de la tâche et la masse de la charge. Après avoir vérifié cette interaction, le but était d’identifier les variables cinématiques maximales, minimales et moyennes affectées par celle-ci. Notre étude 2.b s’intéressait à l’effet de déposer la caisse à deux hauteurs différentes (Épaule vs. Yeux) pour une saisie identique (Hanche) avec diverses masses de la charge (6 kg vs. 12 kg vs. 18 kg).

Les résultats de cette étude confirment que la cinématique articulaire est influencée par l’interaction des effets de hauteur de dépôt et de masse de charge. Ainsi, lorsque la masse de la caisse est augmentée, les participants novices en manutentions présentent davantage d’ajustements cinématiques quand il s’agit de déposer une caisse au niveau des épaules plutôt qu’à celui des yeux. Lorsque la masse de charge est alourdie au cours de la tâche Hanche – Épaule, les résultats démontrent qu’à l’exception de l’extension thoraco-pelvienne maximale (TPEx2) qui augmente, la rotation latérale scapulo-thoracique moyenne (STRl3), la protraction

scapulo-thoracique moyenne (STPr3), l’élévation thoraco-humérale maximale (THEl2) et

moyenne (THEl3), la rotation interne thoraco-humérale maximale (THRi3) et l’extension du

cinématiques significatifs semblent moins prononcés voire absents lorsque la masse de caisse augmente au cours de la tâche Hanche – Yeux. Les indices de lever d’une charge selon l’équation révisée du NIOSH révèlent qu’à masse égale, c’est un dépôt plus haut et une distance verticale plus grande qui rendent les tâches Hanche – Yeux plus exigeantes que les tâches Hanche – Épaule (Waters et al., 1993). Ceci nous amène donc à discuter le fait que les différences cinématiques, au regard de l’augmentation de la masse, sont moins accentuées lorsqu’on accomplit une tâche plus contraignante. Cette discussion sera développée dans cette section.

Durant le transfert du lever d’une charge entre deux étagères, la région supérieure du thorax est progressivement en extension au cours du mouvement, nos données concordent ici avec l’étude de (Burgess et al., 2009). Une hyper-extension de la colonne vertébrale est naturellement adoptée pour contre balancer un objet de 14 kg maintenu au niveau des épaules (Anderson et al., 2007). Ces auteurs ne donnent pas d’indications concernant la contribution des épaules. Au cours du dépôt d’une tâche Hanche – Épaule, comme précédemment nos résultats sont en adéquation avec les études en manutention qui rapportent que lorsque la masse de charge est alourdie, l’élévation thoraco-humérale maximale (THEl2) est réduite

(Aghazadeh et al., 2011; Yoon et al., 2012). Au cours d’une tâche Hanche – Yeux, ils sont également en accord avec l’étude d’Allen et al., (2012) qui présente une augmentation significative de l’extension maximale de la colonne vertébrale thoracique (TPEx2). En

revanche, nos résultats contredisent Allen et al., (2012) dans le sens où elle présente une augmentation de THEl2 pour une masse caisse s’élevant de 1 kg à 11 kg. Nos résultats doivent

se comprendre au travers de l’effet d’interaction entre la hauteur de dépôt et la masse de charge. Nous remarquons que THEl2 est diminué de 25% (de 79° à 60°) avec une caisse de

18 kg par rapport à une de 6 kg au cours de Hanche – Épaule alors que durant Hanche – Yeux, THEl2 est réduit de 5% (de 101° à 96°). Nos résultats suggèrent que l’augmentation de TPEx2

permettrait de réduire THEl2 en fin de phase de transfert, et que ces ajustements seraient

amplifiés avec la caisse de 18 kg. Limiter les mouvements de la région thoracique du rachis est associé à des modifications fonctionnelles des mouvements d’élévation du bras dans le plan sagittal et scapulaire (Lewis, Wright et Green, 2005; Theodoridis et Ruston, 2002). Nous pensons que réciproquement, limiter l’élévation du bras sous l’effet de l’augmentation de la

masse expliquerait plus logiquement l’augmentation de l’extension au niveau de la région thoracique, afin de compenser la perte de hauteur du bras. Cette position articulaire permettrait aux muscles du tronc de contribuer davantage aux mouvements de lever de charge avec une hauteur de dépôt au niveau des épaules et des yeux (Nielsen, Andersen et Jørgensen, 1998).

Un ajustement sécuritaire vise avant tout à assurer l’intégrité des épaules et\ou du dos en limitant les positions articulaires contraignantes comme les angles articulaires extrêmes. En ce sens, nous pensons que l’interaction retrouvée pour THEl2, THEl3, THPe3, THRi3 et CEx3

semble être des ajustements sécuritaires quand la masse augmente. Ils sont présents lorsque la hauteur de dépôt est au niveau des épaules, alors qu’ils sont limités pour un dépôt aux yeux. Pour une même tâche, un plan d’élévation thoraco-huméral plus externe et une flexion du coude plus grande au cours de la phase de dépôt revient à plus écarter les bras du corps et plus fléchir les coudes. Ces ajustements diminueraient la distance entre le centre articulaire de l’épaule et le centre de masse de la caisse. Ils permettraient ainsi de limiter l’effet du moment de force de la charge sur l’épaule. Ils nous semblent également plus efficaces car ils augmenteraient la contribution des biceps au mouvement, en les raccourcissant davantage lors du dépôt. De ce fait, les biceps sont plus proches de leur longueur optimale, ce qui permet une plus grande capacité de force (Murray, Buchanan et Delp, 2000; Murray, Delp et Buchanan, 1995). Nous pensons que réaliser la même tâche de lever avec une élévation thoraco-humérale maximale (THEl2) et moyenne (THEl3) moins élevées est un mode opératoire aussi plus

efficace. En effet, la capacité à produire de la force est globalement réduite avec l’augmentation de la hauteur à laquelle la tâche de lever est réalisée (Savage et al., 2014). Avoir les bras moins élevés confèrerait donc un avantage de force qui permettrait aux sujets de soulever une charge plus lourde. Des études cadavériques réalisées in vivo ont renforcé l’idée qu’une forte élévation (entre 60° et 120°) combinée à de la rotation interne de l’humérus contribuerait à favoriser un pincement des structures musculo-squelettiques de l’épaule qui sont sous l’acromion (Flatow et al., 1994; Hughes et al., 2012; Yanai, Fuss et Fukunaga, 2006). Tenir un poids dans la main réduit encore l’espace sous-acromial (Graichen et al., 2000). Ainsi, il semble que le bras soit positionné de façon plus sécuritaire. Car rappelons-le, plus la charge est alourdie, plus elle est proche du corps, moins haute, avec une rotation interne thoraco-humérale maximale moins extrême.

Nous faisons le même constat que les études qui montrent que, lorsque la masse augmente, la rotation latérale scapulo-thoracique maximale (STRl2) et moyenne (STRl3) ainsi

que la protraction scapulo-thoracique maximale (STPr2) sont réduites notamment lors

d’élévation du bras dans les plans sagittal et frontal (Kon, Nishinaka, Gamada, Tsutsui et Banks, 2008; Pascoal, Van der Helm, Correia et Carita, 2000). Il est intéressant de noter que dans notre étude, la cinématique scapulo-thoracique est davantage diminuée au cours d’une tâche de lever avec un dépôt au niveau des épaules en comparaison à celui des yeux lorsque la masse de la charge augmente. Nous pensons qu’il est nécessaire de prendre ce résultat avec précaution, bien que de nombreux angles articulaires scapulo-thoracique révèlent tout de même des différences significatives entre 8° et 10°. En effet, les différences observées sont du même ordre de grandeur que l’erreur de mesure qui est produite par le modèle cinématique développé dans cette thèse, soit 10° en moyenne pour la cinématique scapulo-thoracique. La scapula doit assurer une orientation dynamique optimale afin d’accomplir ses fonctions stabilisatrices et mobilisatrices du complexe de l’épaule (Van der Helm, 1994b). Son orientation appropriée au cours du mouvement optimise les relations force - longueur des muscles associés au complexe de l’épaule (Mottram, 1997). De ce fait, les résultats que nous observons sont peut-être la conséquence d’une nécessité d’améliorer la stabilité scapulaire mise en cause par une masse de charge alourdie. Les modifications de la cinématique scapulo- thoracique identifiées pour la caisse la plus lourde réduisent les valeurs des angles moyens en fin de mouvement (80-100%) et auraient pour action de maintenir la scapula au plus près de la cage thoracique. Augmenter la surface de contact entre la scapula et la cage thoracique fournit une base plus stable pour les mouvements du bras (Veeger et Van der Helm, 2007). Cette stratégie permettrait de réduire le bras de levier du poids de la caisse par rapport au centre articulaire de l’épaule. Les forces musculaires nécessaires pour soulever la charge et stabiliser l’articulation seraient ainsi en contrepartie réduites. Il n’est donc peut-être pas anodin d’observer lorsque la caisse est alourdie, à la fois une perte de mobilité du bras caractérisée par la réduction de l’élévation thoraco-humérale (THEl2 et THEl3), et une modification des

angles scapulo-thoraciques dans le sens de l’amélioration de la stabilité.

L’objectif 2 (b) a permis de mettre en évidence que la cinématique articulaire est influencée par l’interaction des effets de hauteur de dépôt et de masse de la charge manipulée.

Les résultats montrent que selon la hauteur de dépôt, des participants sans expériences de manutention ajustent différemment leurs modes opératoires lorsque la masse à lever augmente. Mais ces résultats indiquent aussi que les modifications cinématiques sont moins importantes, en nombre et en amplitude, lorsque la hauteur de dépôt de la charge est située au niveau des yeux comparativement aux épaules. Au vu des résultats de cette étude, on peut suggérer que le dépôt d’une charge à hauteur des yeux semble moins perturber le mode opératoire lorsque la masse augmente en comparaison à un dépôt au niveau des épaules. Les ajustements cinématiques TPEx2, STRl2, STPr2, STRl3, THEl2, THPe3, THEl3, THRi3 et CEx3 peuvent alors

être des indicateurs liés à la hauteur de dépôt lorsque la masse de la charge augmente.

4. Caractéristiques articulaires lors du pic d’accélération