• Aucun résultat trouvé

2. Psychopathologie de l’enfant, de l’adolescent et de sa famille, confrontés au cancer

2.2. Aspects psychologiques du cancer chez l’enfant et l’adolescent

2.2.3. Troubles psychopathologiques observables chez les enfants et adolescents

2.2.3.1. Troubles de l’humeur

On pourrait penser qu’un facteur de stress aussi sévère que la survenue d’un cancer puisse surpasser les capacités d’adaptation des enfants atteints et conduire de façon logique à des décompensations dépressives fréquentes. Pourtant, plusieurs études suggèrent que la plupart

des enfants et adolescents cancéreux ne présentent pas un niveau de détresse psychologique supérieur aux sujets contrôles, même si une minorité significative d’entre eux présenterait une détresse marquée (4,5,29,30,53,119,132). Ces études retrouvent une

prévalence de la dépression de 7 à 32%. Ces résultats pourraient s’expliquer pour certains par le déni des patients ou l’efficacité du soutien apporté par les parents qui préviendraient l’apparition de symptômes dépressifs sévères (132). D’autres observations confirment que certains sous-groupes de patients présentent des difficultés d’adaptation plus importantes (144). Par exemple, les enfants et adolescents atteints de tumeurs cérébrales présenteraient une détresse psychologique plus importante, du fait des séquelles neurocognitives secondaires aux traitements chirurgicaux, radiothérapiques et de l’effet de la tumeur elle-même.

Pour Apter et al. (7), une détérioration physique importante, une symptomatologie douloureuse résistante aux traitements, un stade très avancé de la maladie et des antécédents de perte au sein du milieu familial, seraient des facteurs de risque de dépression chez l’enfant

cancéreux. Pour Zeltzer (195), l’existence d’expériences passées douloureuses, l’âge et le stade de développement, le niveau d’anxiété des parents, le niveau de soutien social et le niveau perçu de contrôle sur la maladie sont corrélés au niveau de douleur et de détresse psychique de l’enfant. Des informations inadéquates ou insuffisantes sur le diagnostic et le pronostic de la maladie pourraient également favoriser l’apparition de symptômes dépressifs (107).

Le diagnostic d’épisode dépressif majeur chez l’enfant ou l’adolescent atteint de cancer est plus complexe. En effet certains symptômes somatiques retrouvés dans la dépression, tels

que l’anorexie, la perte de poids, l’asthénie ou les troubles du sommeil, peuvent être secondaires aux traitements par chimiothérapie. De même une pancytopénie peut

s’accompagner d’une fatigue comparable à celle observée dans le cadre d’un épisode dépressif. Pour Apter et al. (7), le diagnostic de dépression dans cette population doit se faire sur les symptômes cognitifs observables tels que l’anhédonie, le sentiment de désespoir, le sentiment d’inutilité et évidemment les idées suicidaires. Les mêmes auteurs considèrent l’idéation suicidaire passive relativement commune dans ces situations : elle permettrait au patient de reprendre le contrôle de sa vie en trouvant une alternative théorique à la mort possible liée au cancer.

Lorsqu’un épisode dépressif majeur est diagnostiqué chez un enfant ou adolescent cancéreux, il doit être traité comme pour n’importe quel patient ne présentant pas de maladie particulière, et doit conduire à une prise en charge psychothérapique et à l’utilisation éventuelle d’un traitement antidépresseur si cela s’avère nécessaire.

Dans tous les cas la présence de symptômes dépressifs durant la maladie doit être prise en compte car elle est facteur de qualité de vie moindre, de moins bonne santé physique et psychique et peut occasionner un surcroit de dépression et de risque suicidaire chez les

survivants (152). De même la dépression constitue un facteur de risque de mauvaise compliance et des études suggèrent que la prise discontinue de certains traitements du fait de

la non-compliance pourrait conduire à une diminution des chances de survie en dehors de tout autre facteur.

2.2.3.2. Troubles anxieux (7)

Du fait de la pratique répétée d’examens complémentaires tels que ponctions lombaires ou myélogrammes et de certaines chimiothérapies génératrices de nausées dont les patients connaissent à l’avance les échéances, ceux-ci peuvent les anticiper de façon anxieuse avec des nausées ou vomissements associés. Cette anxiété anticipatoire avec nausées et/ou

vomissements touche de nombreux enfants et adolescents malgré les progrès dans les

traitements antiémétiques.

Il peut être important de déterminer les raisons pour lesquelles un jeune enfant présente une telle anxiété anticipatoire. Pour certains, cette anxiété peut être liée à la séparation d’avec les parents lors des soins ou la présence d’un professionnel non connu de l’enfant. Pour nombre d’entre eux, la peur de subir un examen douloureux. Dans tous les cas, la douleur doit être contrôlée et les procédures d’examen et de sédation de la douleur expliquées à l’enfant.

Souvent, les enfants et adolescents ne présentent pas tous les critères d’épisode dépressif majeur ou de troubles anxieux caractérisés, et présentent une symptomatologie intermédiaire, pouvant réaliser un tableau de troubles de l’adaptation avec symptômes dépressifs et/ou

anxieux (Annexe 1).

2.2.3.3. Troubles psychiques liés aux traitements par corticoïdes

Les corticoïdes sont utilisés en routine dans le traitement des cancers de l’enfant et de l’adolescent, en particulier dans certains protocoles de traitement des leucémies et des lymphomes. Il est fréquent de voir apparaitre chez des patients traités par hautes doses de

corticoïdes des symptômes psychiatriques.

L’utilisation de la corticothérapie a été plus étudiée chez l’adulte ou chez l’enfant présentant une maladie chronique rénale, pulmonaire ou intestinale, que chez les enfants avec cancer. Les études réalisées (46) chez eux montrent des effets comparables à ceux observés dans d’autres maladies chroniques ou chez les adultes, avec des symptômes plus sévères chez les

enfants plus jeunes (75) : irritabilité inhabituelle, pleurs, excitabilité, troubles de l’attention

et de la concentration, hypersensibilité, labilité de l’humeur, fatigabilité, manque d’énergie, troubles du sommeil avec réveils nocturnes, sommeil non reposant.

Une information sur le caractère transitoire des symptômes et le soutien des patients et de leurs familles sont suffisants dans les cas d’intensité légère. Dans les situations plus sévères, un traitement médicamenteux peut être nécessaire en fonction de la nature des symptômes observés.

2.2.3.4. Problème de la non-compliance

Ce sont les adolescents qui présentent le plus de problématique de non-compliance comparé aux enfants et aux adultes avec un cancer (169,175). Des facteurs de risques de mauvaise

adhésion aux traitements ont été identifiés (104,175) : bas niveau socioéconomique de la

famille, différences culturelles ou linguistiques, psychopathologie familiale préexistante notamment dépression parentale, dépression de l’enfant ou de l’adolescent et troubles du comportement durant l’enfance, sentiment des parents d’être menacés dans leur fonction parentale par la toute-puissance médicale. Pour Oppenheim (141), des informations insuffisantes concernant la maladie et son pronostic, des croyances erronées sur le cancer, le vécu de la mort de certains proches par cancer peuvent également contribuer à la mauvaise observance du traitement.

Cliniquement, il importe de différencier le refus (qui est une prise de position exprimée en mots), l’opposition (qui induit un comportement) et la non-observance (qui exprime la difficulté ou la réticence à respecter, globalement ou partiellement, les contraintes du traitement, et dont le patient n’est pas toujours conscient). Le refus peut prendre plusieurs significations : il peut signifier la colère, le sentiment d’injustice, la peur des traitements et de ne pas survivre. Il peut exprimer la volonté de garder le contrôle de sa vie, de conserver l’autonomie acquise jusque-là. Il peut correspondre à un équivalent suicidaire ou à une demande d’euthanasie. Souvent les adolescents projettent sur le traitement et l’équipe médicale leurs besoins accrus d’autonomie qu’ils ne savent exprimer en mots à leurs parents.

2.3. Impact du cancer de l’enfant ou de l’adolescent dans sa famille